Par Roger CADIERGUES le 04 Juillet 2019
Beaucoup de textes sont actuellement consacrés au développement durable, la plupart d'entre eux étant d'ailleurs consacrés au réchauffement climatique, avec des promesses d'avenir miraculeuses. N'est-ce pas une utopie ? Tel est du moins mon avis.
Que voulez-vous dire exactement ?
Tout simplement que tout ce qu'on nous propose, et qui pourtant suscite bien des objections, ne suffira pas à régler le problème essentiel du développement durable : la maîtrise de l'effet de serre. Il ne fait guère de doute que le réchauffement climatique est lié à l'accroissement beaucoup trop important de la concentration de CO2 dans l'atmosphère. Ce qui conduit très souvent à dire qu'il suffit de faire des économies d'énergie. Ce qui conduit trop souvent à croire, de façon un peu simpliste, que cette procédure suffira. Et que nous sommes en bonne voie.
Quelle serait donc votre "bonne voie", différente des actuelles ?
Permettez-moi, avant de répondre, de disséquer la situation actuelle
où la combustion joue un rôle essentiel. Chacun a pris l'habitude
de rejeter le CO2 à l'atmosphère sans se préoccuper outre
mesure de ses conséquences. Or, ce CO2 est un déchet. Et nous
réagissons aujourd'hui face à ce rejet d'un déchet à
l'atmosphère comme nous réagissions, il y a quelques années,
au rejet de nos ordures ménagères à la décharge.
Il a fallu quelques décennies pour corriger nos habitudes en matière
de déchets ménagers. Combien de décennies faudra-t-il pour
que nous prenions conscience que nous sommes en train de rejeter d'autres déchets
sans aucune préoccupation réelle. Si vous voulez avoir une idée
de ce qu'est le rejet de nos déchets à l'atmosphère prenez
le train entre Marseille et Arles un jour de grand vent, et vous m'en direz
des nouvelles …
Bien entendu, dire que le CO2 est un déchet, et que nous le rejetons
à l'atmosphère "sans vergogne", est un peu facile. Mais
c'est également la voie essentielle du progrès : il faut que nous
arrêtions ce CO2 avant de le rejeter. Et ce comme nous en avons l'habitude
pour le rejet de tous les autres déchets. Bien entendu vous allez me
dire que c'est impossible. Ou que c'est abusivement coûteux. Voire.
Posséderiez-vous la solution miracle ?
Il n'y a pas de solution miracle, il y a simplement un triple défi : un défi scientifique, un défi économique et un défi humain. Ce sont ces trois défis auxquels il faut répondre avant de décider.
Qu'appelez-vous le défi scientifique ?
Qu'une des priorités de la recherche devrait être de mettre au point les procédés qui permettraient d'arrêter les produits de combustion du genre CO2 avant leur rejet à l'atmosphère. J'ai été frappé, dans les récentes réorganisations françaises de la recherche, que ce thème soit complètement oublié alors que d'autres thèmes, moins importants, sont pourtant retenus. J'ai - assez vainement il est vrai - cherché à savoir qui, dans le monde, abordait ce thème de l'arrêt du CO2 avant son rejet. Deux équipes seulement m'ont paru proches du sujet, mais je n'en sais guère plus. C'est pourtant un défi urgent et essentiel à relever.
Qu'appelez-vous, par ailleurs, le défi financier ?
Quand j'aborde le thème de l'arrêt du CO2 à la sortie des générateurs, la réponse est immédiate : "n'avez-vous pas peur que le coût en soit excessivement élevé ?". C'est, bien entendu, un argument que nous ne pouvons pas négliger, même si nous sommes encore en période d'incertitude. Mais, pour l'appliquer, il faut alors faire le bilan économique de toutes les sources d'énergie. Ce bilan est loin d'être facile à partir du moment où l'on chasse toute hypocrisie en faveur de quelque source que ce soit, et pour quel motif que ce soit.
Qu'entendez-vous par là ?
?Commençons par un exemple : celui du nucléaire. C'est à
priori une source d'énergie sans dégagement de CO2. Qui doit donc
entrer dans nos comparaisons ? Malheureusement le prix actuel de l'électricité
ne correspond probablement pas au coût total, car il faut tenir compte,
là aussi, et peut-être plus encore qu'ailleurs, au coût de
gestion des déchets. Lorsque je cherche à m'informer certains
disent qu'il faudrait majorer le coût actuel de 60%. Pour d'autres, la
majoration est de 100 %, sinon de 200 %. Je suis incapable de trancher, mais
surtout navré de cette incertitude. Là aussi, vis à vis
des décisions à prendre en matière de développement
durable, il faut tout mettre sur la table, sans vouloir régler en même
temps le problème d'affectation des coûts.
Prenez un autre exemple : celui du solaire (sur lequel je reviendrai) : là
aussi il faut "mettre sur la table" les coûts réels,
ceux-ci étant plus ou moins escamotés (ce n'est pas une critique)
par les subventions ou les avantages fiscaux.
Si l'on voulait faire ce travail, honnêtement et clairement, alors nous
saurions placer correctement les différentes sources d'énergie,
en y incluant toutes celles "sans" CO2, combustion correctement traitée
comprise. Il est bien évident que les résultats pourraient alors
aboutir à de sérieuses surprises.
Vous parliez également de défi humain : de quoi s'agit-il ?
Pour des raisons de commodité je ne vous répondrai pas immédiatement. Mais je vous promets que nous y reviendrons, car ce n'est pas le moins essentiel. Pour l'instant, dans la prochaine lettre, nous allons aborder les intentions européennes et françaises en matière de maîtrise de l'énergie, l'aspect le plus courant du développement durable.
Roger CADIERGUES