Par Roger CADIERGUES le 04 Juillet 2019
La directive européenne sur la maîtrise de l'énergie dans les bâtiments a été adoptée par le Conseil des Ministres européens et par le Parlement le 16 Décembre 2002. Elle devait entrer en application le 4 Janvier 2006. En fait aucun pays n'a pu, à ma connaissance, respecter ce délai. Mais un peu partout de nouvelles dispositions sont à l'étude, sinon mises en place, qui font que la maîtrise de l'énergie dans les bâtiments se trouve profondément relancée. Ceci dit, sans décourager qui que ce soit, il est évident qu'on ne peut pas non plus ignorer les obstacles qui se lèvent face à des obligations adoptées dans l'enthousiasme, sans une conscience suffisante des problèmes humains et financiers qui allaient jaillir.
Vous semblez sceptique ?
Telle n'est pas mon intention, mais si l'on veut réussir il ne faut pas se dissimuler les faiblesses des décisions européennes. La première précaution à prendre est de ne pas faire de confusion entre cette directive européenne et la récente loi française (adoptée en Juillet 2005) qu'on appelle de plus en plus la "loi POPE", ou "loi de programme fixant les orientations de la politique énergétique française". Cette dernière loi, "tous azimuts", ne se limite pas au bâtiment. Il n'empêche qu'elle inclut les principales dispositions répondant à la directive européenne sur les bâtiments.
Quelles sont ces dispositions communes ?
Je ne répondrai pas maintenant à votre question, car elle nous
entraînerait tout de suite trop loin. Je vais me borner, aujourd'hui et
la semaine prochaine, à faire le point sur la directive européenne.
Dès maintenant l'examen que je souhaite faire comporte deux volets :
. comment les différents pays européens se comportent-ils face
à ces nouvelles et lourdes obligations,
. quelles sont les exigences finales de cette directive, et comment chacune
de ces exigences peut-elle aboutir à des décisions cohérentes.
La directive étant claire, pourquoi pensez-vous que des difficultés puissent se présenter ?
Ces difficultés sont de deux ordres :
- une difficulté dans les délais, qui ne seront pratiquement respectés
nulle part,
- une difficulté dans les coûts, dont on commence enfin à
parler.
Sans parler des difficultés "humaines" sur lesquelles je reviendrai
un jour.
Que voulez-vous dire quand vous parlez des délais ?
D'une part le fait que chaque pays européen, invité à mettre
au point ses obligations juridiques et ses règles techniques, connaisse
des retards sans doute variables, mais souvent très importants.
Prenez par exemple les règles concernant le neuf, en France les règles
dites RT 2005 (qui seront peut-être RT 2007) remplaçant les règles
RT 2000. Prenez le cas de la Grande-Bretagne : les règles, discutées
avec les professionnels depuis 2003, ont abouti à une publication semi-officielle
(projet en fait) parue en Septembre 2005. A l'opposé, dans certains pays
rien n'est encore paru, ni même prévu avec une garantie affirmée.
Si vous y ajoutez le fait que les projets de construction, eux, n'attendent
pas, et surtout si vous y ajoutez le fait que les projets de construction en
cours puissent difficilement être revus du jour au lendemain, vous comprendrez
les difficultés que rencontrent partout les professionnels. Et le retard
regrettable que tout cela implique.
N'est-ce pas, simplement un problème de délais d'application ?
Bien sûr, alors - pourtant - que chaque pays choisit sa stratégie. L'exemple le plus net, à ma connaissance, est encore une fois la Grande Bretagne. Dans le cas des bâtiments conçus avant la publication des règles (parues en Septembre 2005), il est défini un certain nombre de dispositions bien précises, objectives mais assez tolérantes, conduisant à suspendre les nouvelles obligations pour les chantiers ou projets plus ou moins avancés. J'aimerais que l'administration française s'en inspire.
Tout ceci concerne les délais d'application, mais vous faisiez également allusion aux coûts ?
Là les réactions des différents pays sont plus ou moins hypocrites. Prenez, encore une fois, l'exemple de la Grande Bretagne. Alors que tout ce qui concerne le neuf est "réglé" comme je vous l'indiquais précédemment, dans le cas de l'existant la situation est toute différente : les textes officiels tardent à venir bien que le sujet ait déjà été discuté avec les professionnels. Dans ce secteur, contrairement à une promesse faite en 2003, il faudra attendre le printemps 2006 pour que les autorités identifient les mesures éventuelles à prendre (je dis bien "identifient" et non pas "décident"). S'agit-il de regrets cachés, je n'en sais rien, la Grande-Bretagne étant d'ailleurs loin de connaître le retard le plus important.
Voulez-vous dire que les démarches concernant l'existant sont finalement loin d'être définies. Et que ce problème n'est pas propre à la Grande Bretagne ?
Absolument. Si vous voulez bien, ne parlons pas de la France et parlons simplement du seul pays européen qui, à mon avis, ait eu le courage de prendre position : les Pays-Bas. Le gouvernement hollandais a avisé, il y a deux mois, la Communauté que la directive sur la maîtrise de l'énergie ne pourrait pas être appliquée dans les délais prévus par le Parlement européen, et ce en grande partie par suite d'un coût national trop élevé : 55 millions d'euros par an (dont 15 pour l'habitat) dans le cas des Pays-Bas.
Vous semblez dire qu'à travers ces difficultés la directive s'en va plus ou moins vers un échec ?
Le problème n'est pas d'épiloguer sur un échec éventuel. Le problème est de répondre aux défis soulevés par cette directive, le meilleur moyen de réussir étant de ne pas s'en cacher les difficultés. Si vous voulez bien nous y reviendrons la prochaine fois.
Roger CADIERGUES