Par Roger CADIERGUES le 04 Juillet 2019
La lettre précédente résumait quelques défis essentiels auxquels la directive européenne sur la maîtrise de l'énergie dans le bâtiment se trouve confrontée. Nous allons essayer, en segmentant les problèmes, d'y voir un peu plus clair.
La directive européenne énumère différentes mesures. Est-ce que les difficultés sont identiques pour toutes ces mesures ?
Absolument pas, et il faut reprendre une à une les dispositions prévues par la directive pour essayer d'y voir plus clair. Ceci dit nous nous heurtons à une certaine tendance de la Commission Européenne, au sein de sa Direction Générale de l'Energie et des Transports, à vouloir traiter le problème un peu à son goût. Ce qui risque de poser des problèmes politiques un jour ou l'autre.
Est-ce une critique de la Commission ?
Absolument pas, car il va bien falloir, tout en gardant raison, qu'elle intervienne.
Elle le pourra d'autant plus facilement qu'elle est assistée par le Comité
de gestion de la demande énergétique, dont le rôle est triple
:
- mettre à jour l'annexe technique de la directive (à la majorité
qualifiée),
- évaluer l'application de la directive et faire éventuellement
des propositions,
- organiser l'échange d'expérience et d'informations entre les
pays qui le souhaitent.
En fait la Commission ne peut pas oublier les motifs qui sont à la base
de la directive. Qu'en sera-t-il, je n'en sais rien pour le moment, l'essentiel
étant d'abord de revenir aux objectifs fixés par les textes.
Quels sont donc ces objectifs ?
Cela peut vous surprendre, mais ces objectifs varient plus ou moins selon les
interprétations des interlocuteurs. Pour la Direction Générale
de l'Energie et des Transports, par exemple, deux points semblent essentiels
:
- la sécurité de l'alimentation en énergie (dans la Communauté
la dépendance énergétique vis à vis de l'extérieur
atteindra 70% en 2030 si nous ne faisons rien),
- la nécessité de protéger l'environnement, la production
et l'utilisation de l'énergie étant (dit-on) à la base
de la production de 94 % du CO2.
Ce sont là des éléments très généraux, qui ne concernent pas que le bâti ?
Certes, mais les statistiques prouvent bien le rôle du bâti. L'Europe
compte quelques 160 millions de bâtiments, qui consomment 40% de l'énergie
communautaire, et produisent 40% des émissions de CO2. Avec une tendance
à la croissance ! Le chauffage est le plus gros consommateur : 57% de
l'énergie domestique, 52% de l'énergie non-résidentielle.
La production d'eau chaude représente 25% de l'énergie résidentielle,
et 9% de l'énergie non résidentielle. Cependant que l'éclairage
représente jusqu'à 25% des consommations tertiaires.
La Commission prétend que le potentiel d'économie d'énergie
lié au bâtiment peut atteindre la valeur de 22% d'ici 2010. J'avoue
ne pas disposer d'éléments suffisants pour justifier de tels chiffres.
Je vous les livre en tous cas tels quels, sans justification ni critique.
La directive vise-t-elle vraiment à atteindre ce chiffre ?
Encore une fois je n'en possède pas les justificatifs, mais cela ne nous
empêche pas d'analyser la directive qui souhaite (je ne fais que citer)
:
- créer une méthodologie de calcul de la performance énergétique
des bâtiments,
- tester et appliquer cette méthodologie au neuf comme à l'existant,
- en aboutissant à des certifications énergétiques pour
tous les types de bâtiments,
- et en instituant un système d'inspection des chaudières et des
climatisations.
Vous faites allusion à une méthodologie de calcul de la performance énergétique des bâtiments, cela veut-il dire que nous aurons une norme européenne en la matière ?
Désolé de vous décevoir, mais il appartient à chaque pays de fixer sa méthodologie, ainsi - bien entendu - que les limites à ne pas dépasser, tout comme les conditions de certification et d'inspection. Une solution que beaucoup de spécialistes jugent assez bancale, la multiplicité des méthodes adoptées, et vantées par chacun, ne militant guère en faveur d'un véritable tronc commun. Ceci dit, le CEN (Comité Européen de Normalisation) devrait produire une trentaine de normes, avec un rapport de couverture, pour tenter de résoudre ce problème au niveau européen, et non plus national. Mais je ne puis dire si cette opération aboutira réellement. Normalement la consultation a été lancée en 2005, et il est prévu que fin 2007 l'accord communautaire soit obtenu. C'est, en tous cas, la position de la Commission de Bruxelles. Ce qui nous repoussera peut-être à 2007 ou 2008.De toutes façons je n'y crois guère.
Dans ces conditions faut-il attendre ?
Certainement pas, mais il nous faut alors examiner chacune des actions prévues par la directive : ce sera pour la prochaine lettre …
Roger CADIERGUES