Par Roger CADIERGUES le 04 Juillet 2019
Différents contacts récents m'ayant prouvé que notre organisation normative, trop compliquée, était souvent l'objet d'interprétations inexactes, j'ai pensé qu'il fallait revenir sur le sujet avant de pouvoir aborder sainement nos différentes applications.
Ce retour en arrière est-il vraiment nécessaire?
Hélas oui, car les textes sont si nombreux, mal catalogués, et mal coordonnés, qu'ils sont même souvent ignorés. Une mise au point minimale me paraît donc indispensable, les premiers textes en cause étant les Documents Techniques Unifiés, les fameux DTU.
Pour en comprendre le sens il faut revenir aux origines.
Tout remonte à avril 1958, lorsque Gérard Blachère, alors directeur du CSTB, proposa aux différentes organisations du bâtiment ce qui est devenu, par la suite, le "système DTU". La Fédération Nationale du Bâtiment, l'Ordre des Architectes, l'Union Nationale Interprofessionnelle des Matériaux de Construction, l'Association Française de Normalisation, les bureaux Véritas et Sécuritas (les bureaux de contrôle), le CSTB, la Fédération des Fabricants de Tuiles et Briques décidèrent alors de se regrouper pour mener cette action. Aujourd'hui il est de bon ton d'en fixer l'origine à un accident de chantier. La réalité est, à mon souvenir, plus prosaïque et plus "agressive" : l'objectif était tout simplement de "court-circuiter" les délais de mise au point et le coût prohibitif des normes, une situation qui perdure d'ailleurs plus ou moins aujourd'hui.
Le système DTU pouvait-il réellement améliorer les délais et les coûts?
La réponse est oui. Il suffit,
pour s'en convaincre d'examiner les réactions des organisations professionnelles.
Elles furent très positives. Pour deux raisons.
1. Il fut possible de "sortir" les DTU beaucoup plus rapidement
que les normes, chaque profession ayant pu proposer ses propres documents, le
CSTB agissant comme secrétaire du groupe.
2. Chaque profession put, ensuite, publier les DTU sans avoir à
obliger ses adhérents à acquérir des normes coûteuses.
Ce fut, en particulier le cas des diffusions directes sous forme de fascicules
bon marché, de la maçonnerie, de la peinture, et du chauffage.
Dans ces conditions pourquoi avoir abandonné le système?
Pour des raisons toutes simples : l'intervention de la normalisation européenne sur des sujets identiques à ceux des DTU, et le déclenchement des accords de normalisation en résultant. D'ou la solution - apparemment simple, mais lourde de conséquences - consistant à transformer les DTU en normes !
Les DTU sont-ils, désormais, des normes?
La réponse, comme vous allez le voir, est "oui et non". En 1993 une décision partie au Journal Officiel du 12 mai, décide la transformation des DTU en normes homologuées ... sans d'ailleurs se poser de question de savoir si c'est possible, ou non. En fait la responsabilité de la normalisation, dans notre secteur, revient à la Commission Générale de Normalisation du Bâtiment (CGNorBat), crée en 1990. Dans ce cadre, en principe, "tous" les DTU s doivent devenir des normes "NF - DTU". En fait, les obligations européennes sont telles que cette transposition, au moins dans notre secteur, ne peut être simple que dans des cas très limités. Cela tient à l'engagement de toutes les structures nationales (AFNor, …etc.) de ne pas préparer de nouvelles normes lorsque les sujets en cause sont déjà traités au niveau européen.
Quels sont, en fait, les obstacles à la transformation des DTU en normes ?
Pour vous répondre, je vais prendre un exemple : celui du calcul des déperditions. Il existe un DTU, limité il est vrai à l'habitat, dit "Règles Th-D". Mais il existe également, aujourd'hui. une norme européenne (tous bâtiments) EN 12831 - définitive d'ailleurs - en cours de transposition en norme française. Il est bien évident que la transposition (en norme) des règles Th-D est devenue impossible, puisqu'il existe un texte européen en cours de normalisation française. Les principes des règles Th-D et de la norme européenne EN 12831 sont d'ailleurs si différents que la fusion des deux est strictement impossible, même si certains éléments Th-D doivent se retrouver dans l'annexe nationale de la nouvelle norme NF EN 12831 à homologuer dans un proche avenir.
La semaine prochaine, nous verrons le caractères obligatoire ou non des DTU et des normes, et les risques que cela peut engendrer.
Roger CADIERGUES