Par Roger CADIERGUES le 04 Juillet 2019
Au cours des années 2002-2003, les Communautés Européennes, au niveau des institutions, ont connu de sérieuses discussions sur ce qui devait finalement devenir la directive européenne sur les performances énergétiques des bâtiments (DPEB), partout applicable en principe le 4 Janvier 2006. Dans la grande majorité des pays nous sommes loin du compte. Qu'en est-il finalement : une petite discussion va tenter de vous mettre sur la voie.
Peut-on d'abord rappeler les objectifs ?
Ils sont plus limités qu'on ne le pense. Je cite la directive : "Les
Etats membres appliquent, au niveau national ou régional, une méthode
de calcul de la performance énergétique des bâtiments …".
Suivent un certain nombre de considérations sur la fixation des exigences
minimales laissées aux soins de chaque état membre. Sauf quelques
principes assez banaux la directive fixe finalement :
- le cadre général d'une méthode de calcul de la performance
énergétique,
- les conditions d'application d'exigences minimales pour les bâtiments
neufs,
- les conditions d'application d'exigences minimales pour les bâtiments
existants de surface suffisante,
- la certification énergétique des bâtiments,
- l'inspection régulière des chaudières et des systèmes
de climatisation existants.
Soit une collection de dispositions dont l'avenir est souvent difficile à
préciser. Pour simplifier je vous propose de nous limiter d'abord aux
performances énergétiques des bâtiments neufs, la RT 2005
en France.
Les objectifs européens seront-ils respectés avec la réglementation française ?
Plus ou moins sans aucun doute, car il reste parfois quelques incertitudes sur
la "méthode de calcul" (très différente d'ailleurs
dans les différents projets européens actuels). S'y ajoute le
fait que la normalisation européenne poursuit par ailleurs le développement
de "nouvelles" normes de calcul des consommations. Une contradiction
qui me vaut quelques demandes d'explication. Par exemple : "que penser
de ces projets de normes européennes alors que nous avons les règles
Th ?". Je suis bien incapable de répondre, avec :
- d'un côté les règles Th approuvées en France par
arrêté (notez que le mot "norme" et le statut correspondant
ont été abandonnés),
- et d'un autre côté de "futures" normes européennes
qui, en un sens, pensent prévaloir.
Je ne puis hélas que conseiller la patience, et attendre "de voir".
Mais il se pourrait bien que nous ayons, dans les années à venir,
à reprendre à zéro nos méthodes de calcul, sinon
même à les éliminer au bénéfice de propositions
différentes. De toutes façons, chaque pays semble devoir adopter
ses propres règles, sans que j'en voie clairement la justification. Surtout
si l'on y ajoute le fait que les pouvoirs publics tardent un peu partout à
promulguer les textes.
Qu'entendez-vous par là ?
Prenons l'exemple des règles britanniques. Les textes concernés, analogues en partie à nos RT, impliquent deux refontes du Code de la Construction : celle concernant la section L (maîtrise de l'énergie), celle concernant la section F (Ventilation). En Angleterre et au Pays de Galles les discussions avec les professionnels ont eu lieu très tôt, et ont conduit à un projet explicite dès le mois de Septembre 2005. Or, fin Mars 2006, les textes réglementaires britanniques n'étaient toujours pas parus. Et ce, bien que leur date d'application eut été antérieurement fixée au 6 Avril 2006. Certes, on parlait d'une présentation au Parlement le 15 Avril, mais tous les milieux professionnels s'inquiétaient de ces retards, compte tenu surtout des délais indispensables de mise en pratique.
Peut-on savoir pourquoi ?
Bien que soulignant les différences existantes entre nos différents pays, j'avais bien dû constater que les retards, souvent assez peu compréhensibles, étaient très fréquents. Sans qu'on puisse dire quand les nouveaux textes seraient disponibles et applicables. Ce constat, malheureusement, n'arrange rien. Car il augmente les incertitudes. Faut-il l'attribuer au fait que les analyses économiques font reculer certains gouvernements, je n'en sais rien, bien que le suspectant.
Que faire ?
Voici, à ce sujet, les termes récents utilisés par un de
mes collègues britanniques parlant avec son humour habituel. "Nous
avons, à partir de 1945, éliminé progressivement les dictatures
politiques. Malheureusement, depuis deux ou trois décennies, nous subissons
un autre type de dictatures, les dictatures techniques. Au lieu de faire confiance
aux intervenants en leur demandant tout simplement de faire correctement leur
métier - quitte à sanctionner les défaillances - on leur
impose un catéchisme impératif et douteux tant il est difficile
de condenser le monde complexe en des termes compacts et simples …".
A vous de savoir si mon humoriste avait raison …
De toutes façons, que cela ne nous empêche pas de continuer, ce
que nous ferons dans ma prochaine lettre, la dernière de cet été.
Roger CADIERGUES