Par Roger CADIERGUES le 04 Juillet 2019
La lettre précédente constituait une sorte d'introduction au problème de la perméabilité à l'air des bâtiments. Nous y avons essentiellement parlé des méthodes que nous dirons "anciennes", ce qui n'en diminue d'ailleurs pas la valeur. Reste à voir la technique "actuelle".
Quelles en sont les bases ?
La mesure des fuites lorsque les locaux sont portés à une surpression de 50 pascals. Pour ce faire on installe un dispositif d'essai assez simple dans les principes, un peu plus délicat dans la réalisation. La mesure porte sur un groupe de locaux, par exemple un appartement. Toutes les ouvertures extérieures sont obturées alors que toutes les ouvertures intérieures restent ouvertes. Grâce à un rack de ventilateurs, placé dans une entrée et aspirant l'air extérieur, on met progressivement les locaux en surpression. Celle de 50 pascals est normalement atteinte en une minute environ, temps à partir duquel on mesure le débit fourni, plusieurs mesures successives assurant la fiabilité des résultats. De plus, grâce à de petits générateurs de fumée il est généralement possible de repérer les fuites accidentelles et locales essentielles (que l'on corrige éventuellement). Le résultat utile est le débit (souvent en mètre cube par heure) qui peut être, ou non, rapporté au mètre carré de surface extérieure de l'enveloppe.
Est-ce ce résultat sous 50 pascals qui est utilisé, ou non ?
Dans certaines réglementations c'est le débit par mètre carré d'enveloppe défini précédemment qui est la règle, par exemple 10 [m³/m² h] en Grande Bretagne ou 3 [m³/m² h] dans certains pays scandinaves. D'autres réglementations ou labels utilisent des expressions différentes. C'est ainsi qu'avec le label PassivHaus le critère adopté est le débit en "volume par heure" (maximum 0,6). Alors qu'en réglementation française (RT 2005) c'est le débit pour une surpression de 4 pascals (et non pas 50 pascals), le débit devant être alors limité à 0,8 [m³/m² h] dans les maisons individuelles, à 1,2 dans l'habitat collectif et la majorité des locaux tertiaires (hostellerie-restauration, bureau, enseignement, établissements sanitaires), et à 2,5 dans les autres bâtiments (commerces, etc.). Passer de la valeur à 50 pascals à celle correspondant à 4 pascals exige une gymnastique numérique un peu conventionnelle.
Le résultat sous 50 pascals est-il vraiment significatif ?
Disons d'abord qu'il faut prendre quelques précautions lors de la mesure : contrôler le débit plusieurs fois, éventuellement corriger les défauts apparaissant aux tests de fumée. Dans la pratique ces essais ne sont effectués que par des équipes contrôlées bénéficiant d'une certaine expérience des tests. Lorsque les battants de portes extérieures sont de type traditionnel il se peut que l'essai sous pression biaise un peu les résultats, mais le plus gênant en général est la relative lourdeur du procédé, qui n'en permet pratiquement pas la généralisation. De sorte que la procédure, un peu lourde et coûteuse, risque surtout d'être utilisée pour les expertises dans le cas de difficultés de chauffage.
Peut-on utiliser d'autres procédés de mesure ?
Les mesures les plus légères reposent sur l'utilisation de gaz traceurs (souvent l'hexafluorure de soufre actuellement), mais le raccordement à un écart de pression bien précis entre l'intérieur et l'extérieur n'est pas alors facile. L'une des procédures les plus simples est d'effectuer le test comme prévu, avec une surpression de 50 pascals, et de diviser par 5 pour avoir une évaluation (un peu forte généralement) de la perméabilité à 4 pascals de surpression. Reste que les conséquences à en tirer sont sujettes à discussion.
Qu'entendez-vous par là ?
Premier problème : lorsque vous mettez les locaux en forte surpression (50 pascals) vous pouvez " pousser " certains battants, et modifier ainsi la perméabilité. Deuxième problème : lorsque le débit est élevé, ou même en général, il se peut que vous ayez tout simplement mal calfeutré certaines zones, par exemple des lames d'air ventilées sur l'extérieur. Il est donc essentiel d'accompagner l'essai avec des tests de fuite à la fumée, et d'effectuer éventuellement les corrections nécessaires, à pérenniser ou pas selon les cas, l'ensemble étant confié à des équipes expérimentées.
Roger CADIERGUES