Par Roger CADIERGUES le 04 Juillet 2019
La semaine dernière j'ai présenté l'initiative récente de l'organisation britannique des énergies renouvelables, orientée vers la production localisée d'énergie. Restaient à examiner deux options gouvernementales opposées, basées sur une production centralisée d'électricité : l'une nucléaire, l'autre éolienne. Voyons cette dernière.
De quel projet s'agit-il ?
Il s'agit du projet dévoilé le 10 Décembre dernier par le secrétariat d'Etat (britannique) aux Entreprises et à l'Energie. Il prévoit tout simplement que l'éolien alimentera la totalité de l'ensemble des foyers britanniques à l'horizon 2020. Pour cela, il prévoit l'installation d'un chapelet de 7000 éoliennes offshore, produisant annuellement 33 gigawatts en moyenne, pouvant alimenter ainsi 25 millions de foyers.
La production décentralisée, au niveau de chaque bâtiment, n'est-elle pas préférable ?
Pour répondre, je vais revenir un peu en arrière. Il y a près d'une trentaine d'années, lors de la "deuxième crise de l'énergie", nous avons tenté de faire le bilan des emplois éventuels de différentes énergies renouvelables, dont l'éolienne. Deux démarches ont été adoptées, l'une consacrée aux productions locales, l'autre aux productions centralisées. La première, par le CSTB, a permis d'examiner les possibilités d'utilisation locale des éoliennes, dans les bâtiments eux-mêmes : le rapport final a été très nettement défavorable... Ce qui n'empêche pas un bon nombre de projets architecturaux actuels de proposer cette solution comme une nouveauté révolutionnaire.
La production centralisée, telle que prévue en Grande Bretagne, est-elle vraiment réalisable ?
Là aussi je vais revenir sur la situation d'il y a quelques décennies que je viens de citer. Parallèlement aux études CSTB, de mon côté, sachant que le Danemark avait déjà pris une certaine avance (devenant déjà le premier fabricant d'éoliennes) j'ai préféré analyser les solutions danoises en allant sur place. J'y ai constaté un certain nombre de problèmes finalement analogues à ceux que nous retrouvons aujourd'hui en France. La majorité des villes danoises étant alors équipée de centrales électriques combinées fournissant l'électricité et le chauffage (urbain), l'évolution des besoins rendait nécessaire l'augmentation de production d'électricité. Les autorités danoises se sont alors tournées vers l'éolien, ce qui était logique pour un pays fortement venté. Or, dès cette époque, la population renâclait à voir se développer des éoliennes dans les champs près de chez elle. D'où la décision de privilégier les éoliennes offshore, le Danemark disposant d'un plateau continental adéquat. C'est ce qui fut finalement réalisé, servant un peu plus tard de modèle à l'Allemagne du Nord. Bien évidemment, nous nous sommes posé le problème de savoir si une telle décision pouvait être prise ailleurs, chez nous en particulier.
Quelles furent les conclusions, en particulier pour la France ?
La France ne dispose que d'un plateau continental limité, bien qu'il ne soit pas négligeable. Il n'était donc pas étonnant, surtout avec notre focalisation nucléaire, que nous ne recourions pas encore à l'éolien. Ce qui paraissait alors plus curieux c'est que le pays qui disposait du plateau le plus favorable et le plus étendu en Europe (les Iles Britanniques) n'ait pas encore viré à l'éolien. En fait, les Iles Britanniques étaient encore un pays pétrolier, grâce aux ressources de la mer du Nord. Les conclusions suivantes paraissaient alors évidentes : la principale région à production éolienne essentielle serait un jour celle des Iles Britanniques. Mais, tôt ou tard, la production française offshore prendrait sa place, plus limitée que la britannique mais non négligeable. A vous de voir, dans 10 ou 15 ans, si je me trompe. De toutes façons, ne mélangeons pas toutes les sources dites renouvelables.
Que voulez-vous signifier par là ?
Que chaque énergie renouvelable présente ses difficultés,
ses limites et ses conditions optimales d'emploi.
L'éolien, par exemple, est - sans vent - incertain, et ne peut pas servir
de fournisseur de pointe sécurisé. Quant à la géothermie,
si l'on veut atteindre des températures suffisantes sans passer par des
pompes à chaleur, il y faut des investissements relativement coûteux.
Si l'on se retourne vers la biomasse on constate qu'elle est souvent limitée
à certains sites, qu'il s'agisse de bois (plus ou moins préparé),
de végétaux divers ou de gaz (de fermentation). Certes, grâce
à l'utilisation des granulés (les " pellets ") imaginés
par les Autrichiens il y a plus de 10 ans, on peut recourir à des chaudières
automatiques et à des livraisons en vrac par camion souffleur (Crepito)
livrant en principe partout en France, mais ceci à des coûts qui
ne sont pas négligeables par rapport au gaz. Quant à l'énergie
solaire, en particulier photovoltaïque, il faudra que nous y revenions
la semaine prochaine. En clair, ne mélangeons pas tout. Et tenons compte
- contrairement à certaines décisions communautaires assez incohérentes
- de ce que sont les particularités énergétiques et géographiques
de chaque pays.
Roger CADIERGUES