Par Roger CADIERGUES le 04 Juillet 2019
6 Octobre 2008
Comme je l'ai indiqué début Septembre, nous sommes sous le coup d'une nouvelle loi, profondément retouchée par rapport aux textes existants, une nouvelle loi qui nous promet une quasi-révolution. On ne peut plus aborder quelque sujet énergétique que ce soit en ignorant ce nouveau texte. En dehors des aspects relativement classiques, traités la semaine dernière, nous allons aborder des aspects beaucoup plus contestables. Et parfois même franchement inacceptables.
C'est là un jugement très sévère : qu'entendez-vous par là ?
Avant d'aborder ces aspects regrettables, je souhaiterai faire le point suivant
: je n'ai pas analysé en détail toutes les dispositions du projet
de loi, et il y en a beaucoup. Ne serait-ce tout ce qui concerne la gouvernance,
avec cette magnifique définition des ambitions (je cite textuellement)
: " Construire une nouvelle économie conciliant protection de
l'environnement, progrès social et croissance économique exige
de nouvelles formes de gouvernance, favorisant la mobilisation de la société
par la médiation et la concertation ".
Au-delà de cette ambition il y a les textes, qui ne me semblent pas tous
aller dans le sens souhaité.
Que voulez-vous dire par là ?
Je veux parler de trois dispositions regrettables que nous allons examiner par ordre de gravité. La première - nous en avons déjà parlé - c'est que l'analyse économique reste encore sommaire. La conséquence éventuelle c'est que la loi soit inapplicable telle qu'elle est prévue. Ou du moins que les mesures annoncées se mettent en place très lentement. Ce n'est, sans doute pas irréversible, quitte à corriger les délais actuellement prévus. De toutes façons, dans tous les cas, une telle critique ne met pas le projet aux portes de l'échec, et je me bornerai à souhaiter que les études économiques globales, évidemment indispensables, soient engagées et diffusées le plus rapidement possible. Et qu'on en tire ouvertement les conclusions.
Quel est votre deuxième reproche ?
Le projet de loi répète une " décision " dont on entend beaucoup parler en France depuis plusieurs années : diviser par quatre les émissions de gaz à effet de serre. Or ce qu'il faut savoir c'est que ce chiffre, qui se veut communautaire, a été essentiellement destiné à l'Allemagne. Si l'on adoptait une décision beaucoup plus logique et équitable, il ne faudrait pas, en France (ni en Suède par exemple), diviser par 4 mais - en France - par un facteur de l'ordre de 2 à 2,5. Tout ceci en prenant pour base l'émission de gaz à effet de serre par habitant. Comme je l'ai indiqué dans ma lettre du 3 Mars, ainsi que l'exprime Jean Syrota : "pourquoi un Français devrait-il émettre en 2050 deux fois moins de CO2 qu'un Allemand et dépenser énormément d'argent pour y parvenir, sous le prétexte qu'il émettait déjà deux fois moins de CO2 en 1980 grâce aux programmes hydraulique et nucléaire dans lesquels il avait investi antérieurement ". Les pouvoirs publics n'ont jamais répondu à cette question, considérant peut-être l'objection comme négligeable. En cumulant de telles situations il ne faut pas s'étonner des rejets croissants, par les européens, de l'Europe telle qu'elle se dessine. Ceci dit l'objectif de diviser par 4 n'est vraiment surmontable, en pratique et en France, que si l'on continue à mentir sur le nucléaire, et à escamoter la situation correspondante (voir ma lettre du 15 Septembre).
Vous aviez également un troisième reproche ?
C'est le plus important, et le plus navrant. Le projet actuel, pour les bâtiments,
se base sur la consommation d'énergie, et non pas sur les dégagements
de carbone. Ce qui va aboutir à deux situations aussi scandaleuses l'une
que l'autre :
. certaines constructions réglementaires émettront davantage de
gaz à effet de serre que certains bâtiments non réglementaires
(je tiens des exemples à votre disposition si vous en doutez),
. avec cette disposition on introduit un biais commercial grave sur le choix
des énergies (je tiens, là aussi, des exemples à votre
disposition si vous en doutez).
Avec les dispositions actuelles (coefficients d'énergie primaire de l'électricité)
on en arrive même à décourager les tentatives de réseaux
électriques basés uniquement sur l'éolien plus la biomasse,
ce qui est un comble. C'est en tout cas un choix en totale contradiction avec
les objectifs définis en tête du projet de loi. C'est de plus une
situation tellement biaise que l'un de mes interlocuteurs, féru de droit,
étudie les moyens qui permettraient d'attaquer juridiquement les projets
actuels. Disons que je suis extrêmement choqué par le choix, un
peu camouflé en plus, de la consommation primaire au lieu des dégagements
de gaz à effet de serre. Alors que presque tous les pays européens
penchent de plus en plus vers une expression basée sur le carbone. J'espère
que le texte de loi sera rapidement mis en conformité avec les vrais
objectifs. Avant que les règles françaises, qui se veulent être
un modèle, ne deviennent un contre-exemple à ne pas imiter.
Roger CADIERGUES