Par Roger CADIERGUES le 04 Juillet 2019
9 Février 2009
Face à la situation économique actuelle et aux résultats du dernier semestre 2008, nos professions, à travers leurs organismes collectifs (ex : UCF, CAPEB), s'inquiètent de l'avenir 2009. Et comptent plus ou moins sur la relance que devraient leur procurer les décisions du Grenelle en cours. Il est très difficile d'être totalement sûr, mais je crains bien qu'il faille, hélas, s'attendre à de sérieuses désillusions …
Que voulez-vous dire ?
Pour le moment nous ne pouvons guère nous baser que sur l'avant-projet de la loi " Grenelle I " adopté en Conseil des Ministres le 7 Janvier dernier. Un texte qui ne prévoit guère qu'une accentuation des mauvaises habitudes passées : des dispositions qui se veulent contraignantes, mais que je juge finalement assez superficielles, et trop souvent sources de gaspillage économique. Pour ne pas parler de certaines insuffisances. En gros des contraintes asses fragiles et des perspectives assez médiocres. Sans, en général, savoir comment les exigences ainsi exprimées seront financées. Ni si leur coût sera acceptable ou non.
Pourquoi êtes-vous si critique et si pessimiste ?
Parce que les décisions dont je viens de parler ressemblent à celles d'un mauvais nageur qui vient de se jeter à l'eau, et qui se débattrait avec énergie … ce qui le ferait couler de plus en plus. Le Grenelle de l'environnement avait l'avantage d'ouvrir très largement les discussions, et d'obvier ainsi à certains défauts de la réglementation thermique passée. Malheureusement les démarches technocratiques subsistent plus que jamais, même si elles peuvent satisfaire tel ou tel clan. En clair l'objectif - surtout en période de crise économique - aurait dû d'abord être d'aider, et non pas de contraindre. Et, ensuite, de bien tenir compte du fait qu'on ne pourra pas, à terme, faire des économies d'énergie sans faire aussi des économies d'euros. Y compris dans le mode d'expression des obligations.
Que voulez-vous dire par là ?
D'abord qu'il s'agit d'un comportement simpliste - et un peu irresponsable - se bornant à dire " il faut ", sans examiner vraiment les aspects économiques. Sur ce point il ne s'agit pas seulement d'éliminer les dispositions coûteuses, mais aussi d'éliminer les coûts opérationnels absurdes. Prenons un exemple très simple. Dans toute construction actuelle, il y a - à un moment ou à un autre - un calcul des déperditions. Ce calcul étant inévitable, le plus simple en réglementation thermique (RT) eut été de s'appuyer sur ce calcul (naturellement obligatoire et normalisé). Et non pas de se livrer à des calculs supplémentaires (d'ailleurs faussement savants), qui traduisent plus une ignorance du sujet qu'un perfectionnement véritable (si nos rédacteurs actuels ne voient pas ce que je veux dire, je suis prêt à leur expliquer comment faire). Voyez l'un des résultats : l'ingénierie refuse d'inclure, dans ses prestations normales, les calculs RT2005 beaucoup trop coûteux. Et ce, en fait, alors qu'il eut été très simple de faire autrement. La seule difficulté c'est qu'il faut bien connaître le sujet.
N'est-ce pas un exemple isolé ?
Absolument pas, mais ce qui est plus grave, c'est que les textes réglementaires existants, comme manifestement ceux prévus, semblent ignorer que les progrès tiendront souvent aux détails d'exécution et aux modes d'emploi plus qu'aux grands principes spectaculaires. J'aurais aimé, par exemple, et depuis longtemps, que la réglementation française soit plus proche de la technologie. Prenez l'exemple de l'éclairage, avec la décision européenne récente d'exclure très prochainement l'incandescence dans les produits commerciaux : c'est là un très bon exemple, simple et efficace, de ce qu'il faudrait faire au lieu de calculs savants. Prenez, en génie climatique, le cas des nouveaux circulateurs de chauffage : les économies d'énergie y sont très fortes (60% ?), et il suffirait - dans quelques années - que ce soient les seules technologies commercialisées, d'accord avec les fournisseurs (délais de mise en place). Notre domaine est bourré de ces progrès ponctuels dus généralement aux constructeurs de matériel. Il serait beaucoup plus simple et efficace de soutenir ces produits que de se lancer dans des principes théoriques. Des ventilateurs efficaces ou des pompes à chaleur efficaces pourraient être, en renouvellement, les seuls matériels disponibles dans quelques années. Ce serait, quand même, plus raisonnable que de se réfugier dans des décisions douteuses, par exemple celle de prévoir des coefficients d'occupation au sol (COS) allégés (je voudrais bien en savoir la justification) lorsqu'on réalise des bâtiments énergétiquement efficaces (c'est pourtant ce que prévoit le projet actuel). En gros, il vaudrait mieux simplifier les applications réglementaires y compris en tablant sur le progrès des équipements. Et en veillant à ne pas introduire des surcoûts tôt ou tard inacceptables : j'y reviendrai la semaine prochaine.
Roger CADIERGUES