Par Roger CADIERGUES le 04 Juillet 2019
25 Mai 2009
Dès que vous voulez être " moderne " il vous suffit de vanter le recours au solaire. C'est vrai que l'énergie reçue du soleil est considérable, mais depuis deux siècles au moins nous n'avons jamais bien réussi à la domestiquer. Sauf, peut-être, pour certaines applications bien précises. Le drame c'est que la majorité de ceux qui parlent du solaire n'en ont jamais vraiment pratiqué les difficultés.
N'exagérez-vous pas un peu ?
Absolument pas. Prenons l'exemple le plus courant, celui de la production d'eau chaude solaire d'une maison individuelle en site rural. Pour beaucoup d'esprits il suffit de faire couler l'eau dans un capteur solaire placé par exemple sur le toit. Et plus la surface de notre capteur est importante plus, à priori, nous économiserons d'énergie. Malheureusement les choses ne sont pas aussi simples. A un point tel qu'un technicien formé en sanitaire va être débordé par un certain nombre de phénomènes " parasites ". Même si ce technicien est formé au chauffage il va se heurter à des aspects dont il n'a pas l'habitude. Il suffit de reprendre un à un les éléments qui doivent être pris en compte pour le concrétiser.
Peut-on résumer ces éléments ?
Les énumérer oui, les résumer c'est beaucoup plus difficile.
Prenons-les un à un. Le premier constat c'est que notre capteur va être
soumis à des températures très variables. Certaines températures
extérieures - en France - étant négatives on ne peut pas
se contenter de faire circuler de l'eau dans les capteurs : il faut les protéger
contre le gel. D'où, finalement, la solution suivante :
- l'utilisation, dans le capteur, d'une eau protégée par un antigel,
un glycol en solution type,
- l'obligation, pour des raisons d'hygiène, de rendre ce circuit indépendant
de celui d'eau chaude.
On aboutit ainsi à un circuit solaire indépendant d'eau glycolée
entre le capteur et un échangeur noyé dans le ballon d'eau chaude.
Avec, en général, sa pompe (donc sa consommation d'énergie),
un dispositif d'expansion (beaucoup plus délicat qu'on ne le pense généralement),
et une soupape de décharge. Loin du schéma simple d'utilisation
directe de l'eau non glycolée, qui n'est utilisable que dans d'autres
climats que les nôtres. Hélas ce n'est pas tout.
Quoi encore ?
Il faut aussi faire face aux autres conditions extrêmes, celles d'été, avec un ensoleillement maximum. Surtout lorsque l'eau chaude n'est pas utilisée cela va se traduire par une montée en température du ballon d'eau chaude chargé alors d'évacuer le maximum d'énergie récupérée. Si ce maximum est trop élevé, il faudra refroidir le ballon, donc l'alimenter en eau froide et décharger l'eau risquant d'être trop chaude. Pour que ce phénomène ne soit pas trop gênant il est devenu habituel de limiter les surfaces de capteur, deux mètres carrés par exemple dans l'exemple choisi. Cette limitation est pratiquement la même en Ecosse et en Espagne, même si la récupération d'énergie solaire y est très différente : 30% en Ecosse, 60% en Espagne. C'est un phénomène difficile à comprendre. Beaucoup, y compris certains spécialistes, auront tendance à augmenter la surface de capteur, par exemple la porter à quatre mètres carrés. Malheureusement cela se traduit par une surconsommation d'eau froide. Dont on ne parle jamais, alors que l'économie d'eau fait intrinsèquement partie du développement durable.
Cette surconsommation est-elle si importante ?
Hélas elle l'est souvent, tout en étant ignorée. Toutes les expériences in situ que je connais - même apparemment les plus sérieuses - mesurent la consommation d'énergie … mais ne mesurent pas du tout la consommation d'eau. Ce qui peut conduire, en particulier avec des systèmes un peu différents tels que ceux dénommés " autovidangeables ", à passer sous silence (involontairement la plupart du temps) le problème de la maîtrise de consommation d'eau, des consommations qui sont dans certains cas deux ou trois fois les consommations strictement nécessaires pour le service d'eau chaude. L'ennui c'est que plus vous augmentez la surface de capteur plus le phénomène prend d'importance, plus la récupération solaire est forte, mais plus la surconsommation d'eau devient considérable. Un bel exemple des utopies des défenseurs du solaire quand ils n'en ont pas une pratique bien contrôlée. D'autant que ce n'est là qu'un des aspects, beaucoup d'autres étant à prendre en compte (vaporisations par exemple) qui sont souvent ignorés. Ne voulant pas poursuivre cette présentation de l'eau chaude solaire, je me limiterai là. Mais vous comprendrez que je sois irrité par des considérations courantes, issues de personnes n'ayant pas vraiment la pratique des difficultés rencontrées quand on veut développer les énergies renouvelables. Ce qui est sans doute souhaitable, mais difficile.
Roger CADIERGUES