Par Roger CADIERGUES le 04 Juillet 2019
La performance énergétique des bâtiments neufs est le sujet favori des communications actuelles. Malheureusement je constate que les informations qui m'arrivent ne sont pas réellement cohérentes, les discours lénifiants du style "tout va très bien" ne collant pas vraiment aux réalités.
Ces méthodes ne représentent-elles pas de sérieux progrès ?
Hélas non. Toutes - je dis bien "toutes" - ces méthodes sont fortement critiquables (et fausses parfois) au niveau des formules de prévision. Qu'il s'agisse, par exemple, de la France ou de la Grande Bretagne. Toutes, ou presque, éliminent les vrais obstacles et ignorent les incertitudes. Il ne suffit pas de donner mandat de créer un indice au Comité de Normalisation Européen (CEN) pour que les difficultés soient effacées. Surtout quand on s'ingénie à oublier les acquis antérieurs.
Qu'est-ce qui vous fait dire que nous allons vers l'échec ?
Le fait qu'on se concentre sur la définition d'un critère global,
même s'il est conventionnel. Etant donné les durées de vie
très disparates des composants, et les rapidités des progrès
qui en résultent, la qualité énergétique des bâtiments
passe par des optimisations séparées (et non pas regroupées
artificiellement) des différents éléments d'intervention
dans les consommations. Il ne faut pas mélanger l'isolation des parois,
la ventilation, les distributions, les productions, etc. Il faut traiter chaque
aspect séparément (sauf quelques impossibilités). Faire
autrement, et globaliser, c'est adopter un choix plein d'illusions.
Surtout qu'en plus - et j'y reviendrai - il est absolument indispensable d'intervenir
:
- aussi bien au niveau de la conception (bâtiments inclus bien sûr),
- qu'au niveau de la réalisation et de la mise au point,
- ou qu'au niveau de la maintenance et de la gestion.
Ce sont des aspects essentiels. La discipline des produits serait beaucoup plus
grande s'ils étaient accompagnés de dispositifs de certification
claire et objective, et si les exigences en matière d'installation et
de maintenance étaient explicites.
La certification européenne est pourtant un progrès essentiel ?
Ce serait le cas si le nivellement n'avait pas assez systématiquement
lieu "vers le bas". Regardez actuellement les difficultés que
nous avons avec les marques CE dans notre domaine. Dans bien des cas elles ne
nous garantissent presque rien, et les industriels - français en particulier
- demandent le recours à des marques plus disciplinées.
Les perspectives actuelles des certificats européens paraissent d'ailleurs
plus technocratiques que réelles. Presque partout d'autres perspectives
s'ouvrent, l'objectif de lutte contre l'effet de serre étant plus que
jamais préoccupant, et très insuffisamment couvert par les récentes
directives.
Qu'entendez-vous par-là ? Vous faites allusion à d'autres décisions, plus ou moins cohérentes avec les précédentes. De quoi s'agit-il ?
Prenons un exemple, tout simplement français : il s'agit des objectifs que s'est imposé le Gouvernement actuel avec les propositions figurant dans le Livre Blanc du Ministère de l'industrie, en particulier celui qui consiste à faire passer la consommation (d'ici 2050) de 500 (environ) à 125 kWh/m2 par an ! Un défi énorme, qui exigera des efforts multiples, sur tous les plans. Que la RT 2000 et les certificats énergétiques européens seront totalement incapables d'atteindre. Tout simplement parce que les efforts sur la conception, sans doute nécessaires, ne seront pas suffisants à eux seuls. Si l'on veut dépasser les discours c'est à une autre tâche que celle qui consiste à modifier les calculs qu'il faut s'atteler. Je m'honore d'appartenir au groupe de ceux qui prônent depuis longtemps cette attention aux besoins réels. Nous ne sommes pas réellement écoutés, et ce depuis plus de vingt ans. Il faudra pourtant, désormais, choisir entre discours et action. Il ne reste plus guère de temps pour tergiverser.
Votre critique est très sévère, y compris sur les règles de calcul ?
Cette sévérité est, à mon avis, la seule qui soit à la taille des défis actuels. Faire simple, complet et immédiatement applicable, semble échapper aux responsables actuels. C'est pourquoi j'y reviendrai par la suite, une fois que nous aurons un peu épuré ce sujet des efforts réels.
Voici les thèmes de notre prochaine lettre, je reprendrai les actions françaises et européennes, afin d'en mieux examiner les chances et les risques.
Roger CADIERGUES