Par Roger CADIERGUES le 04 Juillet 2019
Je vous avais promis de revenir sur l'énergie solaire, nous y restons. Dans ma dernière lettre je vous ai indiqué les sources climatologiques des affirmations qui vont suivre.
Quelles sont ces affirmations ?
Une fois réunies les données climatologiques, il paraissait possible d'en tirer des conclusions pratiques. En effet la période dont j'ai parlé (1947-48) correspondait à une époque de difficultés énergétiques, et il était logique de se préoccuper des sources alternatives. Malheureusement le moindre bilan semblait démontrer que le coût des installations solaires était trop élevé. Par ailleurs, les études d'HOTTINGER, en Suisse, pendant la deuxième guerre mondiale, avaient pourtant démontré le rôle de l'ensoleillement dans les bilans de chauffage. C'était particulièrement net sur les cellules expérimentales ayant servi à développer la technique des degrés-jours. Nous étions en droit d'espérer qu'une conception architecturale rationnelle des vitrages et des orientations, complétée par une politique urbanistique cohérente, confirmant plus ou moins les remarques empiriques d'alors, pouvait être la source d'économies appréciables. Malheureusement les expériences menées sur un pavillon expérimental de Noisy le Sec, pendant deux ans, ne confirmèrent pas vraiment ce point de vue. Les avantages des vitrages bien orientés étaient nets, mais de poids relativement réduit : à peine plus de dix pour cent dans les bilans de chauffage.
L'expérience devait-elle s'arrêter là ?
Les résultats dont je vous parle, compte-tenu des délais inévitables de l'expérience, ne furent réellement établis que vers 1950-51. Entre temps de nouvelles expériences étaient engagées par Felix TROMBE. Ce dernier constatant, comme nous, que le coût des capteurs solaires en inhibait un peu l'usage, tentait alors de développer ce qui allait devenir le "solaire passif", c'est-à-dire des dispositifs constructifs plus récupérateurs que les vitrages seuls. Ainsi est né, en partie grâce à nos données climatologiques, le "mur Trombe", la référence de base du solaire passif. Malheureusement le premier pavillon construit avec un mur Trombe ne connut pas de successeur - malgré ce qui avait été envisagé au préalable : les avantages financiers s'avéraient n'être pas suffisants.
N'est-ce pas dû aux limites du mur Trombe ?
Je ne le crois sincèrement pas, et je vais vous en donner un début de preuve. Le solaire passif est, à la suite des expériences dont j'ai parlé, devenu progressivement le favori d'assez nombreux architectes américains. Plusieurs ouvrages, avec des techniques multiples, ont alors été consacrés aux dispositifs solaires passifs allant très au-delà du mur Trombe. Telle était la situation lors de la "première" crise de l'énergie, au milieu des années 70, lorsque des architectes français organisèrent un congrès international sur ce sujet à Castres. De nombreux architectes américains, fanatiques du solaire passif, étaient présents, le Trombe's wall étant universellement connu aux USA. Le hasard fait qu'au même moment nous assistions, Felix TROMBE et moi, à Sophia-Antipolis, à un autre congrès. Vers la fin de ce dernier, j'ai conduit Felix TROMBE à Castres : une situation stupéfiante nous y attendait. Lorsque nous sommes entrés dans la salle c'est tout juste si les architectes américains ne se sont pas prosternés devant Felix. Leur admiration était sans limite. Ils venaient vraiment de rencontrer leur gourou. Heureusement Felix TROMBE ne manquait ni d'humour ni de modestie, et nous en avons ensuite souvent souri. Mais ceci montre bien ce que peut être l'enthousiasme pour le solaire.
Tout ceci ne démontre pas pourquoi le solaire (actif ou passif) décolle mal en chauffage ?
Tout à fait, et je me suis longtemps posé la question. Car un simple calcul, par exemple à partir de nos données climatologiques, semblait démontrer un peu le contraire. Ce n'est qu'un peu plus tard que j'ai commencé à comprendre.
Qu'entendez-vous par là ?
Rappelez-vous ce que j'ai dit à propos du rendement décroissant des chaleurs gratuites dans les bilans de chauffage. Dès que le poids des apports gratuits dépasse environ 50%, plus ce poids augmente plus le rendement de récupération des apports gratuits décroît. En essayant de déceler ce qui, dans les simulations, pouvait expliquer ce phénomène j'ai constaté qu'il venait des surchauffes. Plus les surchauffes (inutiles) sont élevées plus le rendement de récupération décroît. Or, en examinant les simulations pour des bâtiments correctement vitrés, lorsque l'isolation thermique est suffisante, on constate qu'une grande partie des surchauffes est due à l'ensoleillement. Ce qui signifie que, dans ce cas, une grande partie des apports solaires sont énergétiquement inutiles. Il n'est donc pas étonnant que, dans la réalité, en particulier lors des mesures directes portant sur des locaux possédant un chauffage solaire actif, les résultats soient assez décourageants.
Est-ce toujours le cas ?
Si vous faites un bilan correct (les pièges sont nombreux), hélas oui. Je ne connais pas d'exception sauf (encore une fois) par exploitation biaise des résultats, parfois avec les meilleures intentions du monde. Je reviendrai plus tard sur ce thème, ces constats ayant essentiellement pour but de déceler la vérité, le seul moyen de défendre valablement le solaire.
Roger CADIERGUES