25 Février 2014
Par Christian CARDONNEL – CARDONNEL Ingénierie
Expert en Confort Durable du Bâtiment
1°) Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme
Le bâtiment résidentiel neuf ou rénové se doit d’être économe en énergie et en ressources et assurer un confort durable pour les usagers.
L’économie d’énergie est bien souvent l’objectif visé, mais il faut cependant rester prudent car économie d’énergie ne rime pas toujours avec économie financière et un impact favorable à notre environnement.
En règle générale, la réduction de la consommation d’énergie conduit à augmenter les moyens mis en œuvre et donc le coût d’investissement.
Par contre si l’impact économique ou environnemental diminue, n’oublions pas l’impact de l’entretien-maintenance, des redevances d’accès aux réseaux (électrique, gaz).
Plus la consommation d’énergie diminue, plus le coût du kWh consommé augmente avec l’impact du taux de charge (rapport Consommation/Puissance), de la redevance d’abonnement et de la maintenance.
L’optimum de l’équilibre dépend de nombreux paramètres et en particulier de la durée de vie du bâtiment, des équipements, du prix des énergies et des ressources.
L’énergie qui rentre dans un bâtiment en sort sous une forme dégradée, fatale et éventuellement récupérable.
Exemple de bilan énergétique RT 2012 avec le concept Smart Thermogène Grid ® dans un bâtiment résidentiel collectif en zone H1a, les différents postes de déperditions sont compensés en partie par les apports gratuits internes et solaires (baies vitrées), le solde c’est le besoin de chauffage de 17.1 kWh/m².an pour 41 de déperditions. Les besoins et pertes des systèmes de chauffage et ECS sont ensuite assurés par une PAC absorption gaz qui récupère la chaleur fatale sur les sources froides de l’air extrait et des eaux grises. Au global avec l’éclairage et les auxiliaires, le Cep du projet est de 35.3 kWhep/m².an au lieu de la référence à 65, grâce aux récupérations des EnR (près de 40 kWh/m².an (blocs hachurés). Par contre, le bilan RT 2012 ne permet pas de mettre en exergue cette part d’énergie renouvelable et fatale et les efforts réalisés sur la conception bioclimatique et le recyclage d’énergie.
2°) Le vitrage, un des meilleurs capteurs solaires !
L’impact du climat sur le confort intérieur du bâtiment est essentiel, et en particulier avec l’énergie solaire.
Au niveau de l’énergie solaire, on évoque le solaire thermique pour la production d’eau chaude sanitaire en particulier et le photovoltaïque pour la production d’énergie électrique qui est soit vendue au réseau, soit utilisée en tout ou partie au niveau du bâtiment en autoconsommation.
On oublie trop souvent l’impact « bioclimatique » de l’énergie solaire et les apports de chaleur et de lumière à travers les baies vitrées, les espaces solarisés (vérandas, atriums, …).
En France, en moyenne, 1 m² de surface de capteur bien exposé au soleil reçoit un flux d’énergie de 1500 kWh/m².an.
Une baie vitrée performante, verticale Sud, va permettre de récupérer près de 200 à 300 kWh/m².an d’énergie solaire sur la saison froide et apporter un éclairage naturel avec une autonomie lumineuse de 30 à 40 % pour la zone desservie. Des apports gratuits qui sont pris en compte dans le calcul du BBio de la RT 2012, mais qui ne sont pas mis en exergue.
Au global, dans le bâtiment résidentiel neuf, niveau RT 2012, les apports internes et solaires vont compenser plus des 2/3 des déperditions de chaleur pour aboutir à un besoin de chauffage faible de l’ordre de 15 kWh/m².an.
En relation avec l’architecte, en jouant sur la conception bioclimatique du bâtiment (forme et compacité, isolation et inertie thermique, positionnement et caractéristiques des baies, étanchéité à l’air de l’enveloppe et performance de l’équipement ventilation) on peut améliorer considérablement le comportement confort du bâtiment au fil des saisons, mais les efforts de conception bioclimatique sont mal valorisés et mis en exergue.
Dans de bonnes conditions d’installation et d’exploitation, un m² de capteur solaire thermique permet de récupérer 600 à 800 kWh/m².an pour la production d’eau chaude sanitaire par exemple.
Encore faut-il que l’énergie récupérée au niveau du capteur soit une énergie utile : pertes du réseau de transfert entre le capteur et le stockage, consommation des auxiliaires et impact de la performance de la régulation, pertes du stockage ECS et adéquation du stock par rapport au besoin et à l’apport d’énergie solaire. Dans certains cas, malheureusement, les pertes du système sont trop importantes et l’économie réelle est beaucoup plus faible : on peut aboutir à un résultat de moins de 400 kWh/m².an. Compte tenu de l’investissement initial (1 200 à 800 € HT/m²), la pertinence économique n’est pas toujours au rendez-vous.
Un panneau solaire photovoltaïque d’1 m², intégré au bâtiment, va permettre de produire 200 kWhe/m².an en intégrant les pertes de l’onduleur et de distribution-connexion et cela pour un investissement initial de moins de 500 €HT/m².
D’autres concepts et systèmes solaires et/ou solarisés comme : les vérandas, atriums, le mur Trombe, les capteurs hybrides, … doivent pouvoir être mis en exergue et pris en compte.
Les énergies renouvelables du bâtiment, comme les énergies fatales : la chaleur des eaux usées, de l’air extrait, les chaleurs récupérables : des data centers, process, de la climatisation pour assurer l’eau chaude sanitaire, … doivent pouvoir être valorisées et prises en compte.
3°) Eau chaude sanitaire, ventilation, et terrain naturel : des chaleurs à récupérer
L’eau chaude sanitaire ECS devient un poste très impactant du bilan énergétique : un besoin de 15 à 25 kWh/m².an avec plus de 75 % de l’eau chaude utilisée à moins de 40°C et pour un usage corporel, des besoins très ponctuels (environ 30 minutes de temps de puisage par jour dans un appartement), des appels de puissance importants (une douche avec un débit de 10 litres/mn d’eau à 40°C demande une puissance instantanée de 21 kW, heureusement que l’on stocke de l’eau chaude), une consommation d’énergie très variable dans le temps (du simple au double entre été et hiver : en été, l’eau froide est tempérée et des douches fraiches et courtes sont privilégiées, en hiver l’eau froide est plus froide, la température et durée des douches et bains augmentent pour se réchauffer.
Près de 85% de la chaleur de l’eau chaude sanitaire, l’eau grise part à l’égout soit un potentiel de 10 à 15 kWh/m².an. La récupération d’énergie va devenir une nouvelle voie de progrès, mais attention tout n’est pas si simple compte tenu du profil des besoins.
La ventilation du bâtiment résidentiel, c’est en moyenne un débit de l’ordre de 0.3 à 0.5 volume par heure soit en moyenne 1 m3/m² habitable et au global près de 30 kWh/m².an d’énergie fatale (8760 m3/an x 0.34 Wh/K.m3 x refroidissement de 20°C à 10°C = 29.8 kWh).
Récupérer la chaleur de l’air extrait avec une pompe à chaleur Air-Eau, pour produire de l’eau chaude, la stocker pour assurer l’eau chaude sanitaire ou le chauffage va permettre un transfert de chaleur efficient et utile toute l’année. Ce concept risque de concurrencer fortement la ventilation double flux statique ou thermodynamique.
Le socle du bâtiment et le terrain environnant avec l’infrastructure constitue un volant d’inertie important qui peut servir de stock de chaleur et mieux réguler les pointes de consommation d’énergie. Un m3 de terre c’est un stock équivalent à 300 litres d’eau, par contre ce stock fonctionne avec une faible différence de température, de 5 à 10 K.
4°) Prenons enfin en compte les énergies renouvelables mais également les énergies fatales
Le cercle vertueux du recyclage de l’énergie et des déchets est une piste de progrès fort pour aboutir aux bâtiments à basse consommation, et aller vers l’énergie positive.
Dans l’évolution de la méthode de calcul du bilan énergétique du bâtiment neuf RT 2012 et les règles THBCE ainsi pour la rénovation, il est nécessaire de mieux préciser la définition et la prise en compte des énergies renouvelables et fatales, les intégrer au niveau des résultats avec la mise en place d’un indicateur spécifique qui permettra de valoriser la conception bioclimatique, basse consommation et la performance énergétique du bâtiment.
Une innovation efficiente, simple et économique, facile à comprendre, qui permettra de rendre pertinentes les Energies Renouvelables ou Recyclées.
Christian Cardonnel
Bonjour,
En tant que BET, j'approuve à 200% ce qui est dit, y compris les commentaires précédents.
Mon constat c'est que nous sommes prisonniers d'un logiciel ou l'on doit saisir une multitude de champ, dont on ne comprend pas l'utilité de la moitié car ils n'ont pas d'impacts sur le résultat.
Ces logiciels servent plus de contrôle plus que de conception.
Ils sont tellement opaques que l'étude se résume parfois a essayer successivement des solutions et voir le résultat.
Avec parfois des "surprises".
Tout ce qui sort du "cadre" (solution innovante ou de récup) n'est pas saisissable sans une fiche d'u fabricant ou un titre V pour savoir quelle valeur et quelle case on doit remplir dans la trame standard pour que le résultat ressemble à une vérité.
D'où le rôle passif du BET qui n'a plus la main.
L'histoire de l'énergie primaire est du pur lobbying car ou est le rendement du camion qui livre le fioul ou le gaz et celui des installations de gaz naturel ?
L'utilisateur lui va payer de l'énergie finale !!
D'où la difficulté de valoriser telle ou telle solution même si on est persuadé qu'elle est bonne.
Des logiciels complexes d'utilisation mais qui ne sont toujours pas fichu de calculer une inertie ou un déphasage thermique !!
Ni effectivement faire ressortir clairement les apports solaires !!
Je suis donc un, comme vous l'aurez compris, un frustré de la RT2012.