Par Roger CADIERGUES le 04 Juillet 2019
Après avoir enquêté, de façon tout à fait amicale, il m'est de plus en plus souvent apparu, depuis un an, que nous approchions d'un moment clé pour nos métiers, aussi bien pour ce qui concerne l'ingénierie, que pour ce qui concerne l'installation ou les services. A cette occasion j'ai pu recueillir un nombre invraisemblable d'anecdotes cruelles sur les manquements de nos professions, liés manifestement à une concurrence exacerbée, et plus que dangereuse. Pour des raisons multiples je ne citerai pas ces anecdotes, mais ce qui va suivre, dans cette lettre et dans les suivantes, tiendra fortement compte de cette situation. Par précaution je citerai, en même temps, de multiples exemples pris à l'étranger, car - contrairement à une certaine croyance naïve - la France n'est pas le seul pays touché. Comme vous le verrez sans doute mieux par la suite, mon objectif n'est pas de critiquer, mais de préparer de nouvelles solutions en matière d'équipement technique du bâtiment.
Pourquoi l'équipement technique ?
Les raisons en sont simples, et pour moi lointaines. Lorsqu'en 1961 j'ai proposé
au Ministère de l'Education Nationale (qui a immédiatement accepté
: autre temps, autres mœurs) de créer une nouvelle école
d'ingénieur dans notre domaine, j'ai souhaité qu'elle soit dédiée
à l'équipement technique du bâtiment, dont j'imaginais la
cohésion très proche, les scissions électricité-plomberie-
chauffage et climatisation me paraissant devoir disparaître à très
court terme.
Pour des raisons de décentralisation, survenue brutalement, le Ministère
m'a proposé de créer cette école en province. Pour des
raisons personnelles il m'a paru difficile de le diriger personnellement comme
il me l'était proposé, et j'ai suggéré que nous
choisissions une école existante. C'est ainsi que, parmi les choix proposés,
nous avons retenu - après visites multiples - l'école d'ingénieur
de Strasbourg, dans le cadre de ce qui allait s'appeler l'ENSAIS (l'Ecole Nationale
Supérieure des Arts et Industries de Strasbourg). Ce fut ainsi, 20 ans
avant l'ENA, la première décentralisation strasbourgeoise qui
fut réussie.
Pourquoi la dédier à l'équipement technique, alors que
je proposais en même temps le terme de "génie climatique"
pour tout ce qui s'appelait, jusque là, la technique des climats artificiels.
Tout simplement parce que le terme de "génie climatique" permettait
d'éviter la désignation à rallonge : chauffage, ventilation,
conditionnement d'air. J'y ajoutai l'éclairage, afin de couvrir toutes
les techniques d'ambiance, probablement parce qu'à cette époque
j'animais encore un des principaux comités (celui d'éclairage
naturel) de la Commission Internationale de l'Eclairage.
Pourquoi, aujourd'hui, revenir à l'équipement technique ?
Tout simplement parce que cette fusion est, lentement mais progressivement en
train de se réaliser. Même si c'est avec 40 ans de retard ! Bien
entendu il restera toujours des entreprises très spécialisées,
pour l'électricité industrielle par exemple, ou pour les salles
"blanches", mais la majorité des entreprises, et la quasi-totalité
de l'ingénierie, sans compter les services, connaîtront de moins
en moins les frontières anciennes. J'en ai pour preuve le cas d'un des
pays les plus récalcitrants : les USA. Partant de trois structures syndicales
d'installateurs - une en électricité, deux en génie climatique
(une d'origine"air", l'autre d'origine"eau") - toutes en
reconnaissent l'inadaptation croissante. Le cas de la Grande Bretagne est encore
plus net, où l'on parle de plus en plus de "Building Services".
Il faudra encore beaucoup d'années pour que les frontières disparaissent,
mais rien n'empêchera par exemple que les électriciens soient sollicités
par leurs clients pour installer de la climatisation. Ce qu'ils ne sauraient
longtemps refuser.
En fait, s'il doit exister des solutions, c'est pour l'ensemble de l'équipement
technique, et non pas seulement pour une de ses parties.
Dans ma prochaine lettre, je poursuivrai sur ce même thème.
Roger CADIERGUES