Pompe à chaleur sur eau de mer pour 54000 m2 à la Seyne/Mer

Par Philippe NUNES - Ingénieur ENSAIS-ICG et Directeur Général d’XPAIR

Cette « géothermie » utilisant l’eau de mer comme source d’énergie inépuisable est une référence en termes d’économies d’énergie et de développement durable. Cette installation d’échangeurs eau de mer pour alimenter un potentiel de 54000 m² de tertiaire et logements, réceptionnée en 2009 a été réalisée sur le site des anciens chantiers navals à la Seyne Sur Mer (83)

. Maître d’ouvrage : Mairie de la Seyne sur mer (83)
. Maîtrise d’œuvre : Architecte Claude TARTAR et BET INGETEC
. Montant des Travaux : GO : 1 850 keuros HT et Fluides 696 keuros HT (valeur 2006)
. Entreprise GO : SADE . Entreprise Fluides : CRYSTAL
. Réception définitive : sept 2009
. Puissance d’échange thermique : 4800 kW

Local technique avec échangeurs en titane

Local technique avec échangeurs en titane


Local technique eau échange eau de mer

Local technique eau échange eau de mer

QUALITE DE LA SOLUTION ENERGETIQUE

Respect des énergies naturelles et de l’environnement

Le programme de construction de 54 000 m² est de type pluriel avec utilisations tertiaire (14 000 m²) + habitations
(30 000 m²).

Cette mixité d’usages dans un site historique a demandé une analyse approfondie des solutions énergétiques pour les besoins de confort, de chauffage et de climatisation et ce, dans un contexte environnemental particulièrement sensible. La proximité du site avec le milieu marin conduit à s’approprier l’énergie potentielle de l’eau de mer comme un fluide médian, en abondance et en quantité illimitée, et représentant de la sorte, une énergie GRATUITE et RENOUVELABLE.

Dans le contexte du programme de la Seyne sur Mer, l’utilité d’une boucle d’eau obtenue par un échange avec l’eau de mer est d’autant plus intéressante, hormis l’aspect énergétique et environnemental, que la mixité des besoins est plurielle : logements, immeubles tertiaires, …

En particulier et pour l’usage dans le tertiaire, la demande simultanée de climatisation et de chauffage des locaux, est courante en inter-saisons. Une boucle d’eau d’échange avec le médian eau de mer permet à la fois d’obtenir d’excellentes caractéristiques en termes de rendement dit COefficient de Performance - COP - supérieurs de 40 à 50% par rapport à des technologies dites à condensation à air.

Pour l’habitat et le résidentiel en région méditerranéenne, la climatisation est un besoin courant d’autant plus s’il est lié à un chauffage par pompe à chaleur réversible.
Les climatisations dites « à air » habituellement utilisées ne rentrent pas dans la plupart des cas dans une approche qualitative et sont plutôt liées à des contraintes de type : niveau sonore pour les occupants et contraintes visuelles pour le voisinage, voire litiges et contentieux, risques de légionellose pour les tours aéroréfrigérantes, occupation importante en termes de surfaces nobles en terrasse pour les logements, …

Un concept invisible et intégré

Dans le cas d’un concept d’échange sur eau de mer, le local technique d’échange ainsi que les conduites d’eau tempérée sont disposées en enterré et sont donc invisibles. Le local technique est à enterrer pour des raisons techniques de charge d’eau et des pompes comme pour un local piscine. La boucle eau tempérée obtenue par échange eau de mer permet donc de dissiper et d’absorber les calories et frigories propres au milieu marin. La notion de delta T devant être particulièrement définie au regard de l’environnement marin pour que celui-ci ne soit pas affecté du rejet plus chaud voire plus froid qu’au captage. Signalons par ailleurs, que la boucle dite d’eau tempérée peut être toute ou partie neutralisée en termes d’échanges dans les cas de demandes simultanées en inter-saisons voire en hiver où des besoins de climatisation peuvent apparaître (bureaux, usages tertiaire, …). Cette neutralisation allant vers le sens des économies d’énergie de respect maximum de l’environnement.

Graphique montrant la récupération d’énergie gratuite de chauffage

Graphique montrant la récupération d’énergie gratuite de chauffage

A l’intérieur du local technique enterré, seront disposés essentiellement les équipements et réseaux de pompage et d’échanges thermiques. Une attention particulière sera apportée pour employer des matières plastiques PE, PEHD, PVC pour le réseau eau de mer.

Le local technique est ainsi composé :

- 3 pompes eau de mer de 160 m³/h avec variateurs de débit.
- 3 pompes eau réfrigérée de 160 m³/h.
- 3 pré-filtres en amont des pompes eau de mer.
- 3 filtres à sable automatiques en amont des échangeurs eau de mer.
- 3 échangeurs à plaques d’une capacité d’échange de 1 600 kW soit 4 800 kW.
- Rejet eau de mer en tube PVC et PEHD Æ 315 mm.
- Boucle “eau réfrigérée“ après échange eau de mer en PEHD DN 300 mm.

Schéma du local technique

Schéma du local technique (cliquez sur l'image pour agrandir)

Les conduites aller et retour de la boucle d’eau tempérée suivent un parcours enterré le plus judicieux le long des bâtiments à raccorder. Au droit de chaque immeuble ou utilisation, un ensemble avec échangeurs permettant la disconnexion des machines thermodynamiques de type pompes à chaleurs réversibles devra être mis en œuvre pour une production de chaud et/ou de froid par tubes eau chaude et/ou eau glacée, soit un système 4 tubes ou 2 tubes.
On s’attend en particulier à disposer de systèmes « 4 tubes » pour les utilisations tertiaires et d’utilisation « 2 tubes mixtes » pour les logements.

DONNEES ENERGETIQUES

Les régimes de températures d’eau de mer peuvent influencer les rendements des machines thermodynamiques. En particulier, plus l’eau est fraîche et stable en température, meilleurs seront les COP des machines frigorifique en mode froid. Notre captage se situe à – 5 mètres de profondeur dans la rade au droit du quai. Par analogie à d’autres sites équivalents, nous admettons que les températures extrêmes de captage et de rejet eau de mer seront en fonction des saisons :

Température de captage (- 5 m) 15°C (hiver) ≤ Captage ≤ 22°C (été)
Température de rejet 9°C (hiver) ≤ Rejet ≤ 32°C (été)
Soit un delta T de 6°C entre captage et rejet eau de mer

Température d’eau réfrigérée (hiver) - Entrant dans bâtiments : 13°C - Sortant : 7°C
Température d’eau réfrigérée (été) - Entrant dans bâtiments : 24°C - Sortant : 32°C
Soit un delta T de 6°C entre aller et retour

Pose de réseaux eau de mer (rejet en diam 300 mm)

Pose de réseaux eau de mer (rejet en diam 300 mm)

Simulation de différentes solutions énergétiques

Cette simulation a permis un comparatif entre solutions chauffage au gaz - chauffage électrique direct – chauffage par pompe à chaleur air/eau – et chauffage par pompe à chaleur eau/eau (concept avec échange eau de mer).

Il en ressort :

Pour la partie logements :

La solution PAC eau/eau produit le plus d’économies d’énergie pour la partie logements. Comparativement à une solution PAC air/eau, les rendements COP meilleurs varient pour le chauffage de 2,1 à 3,4 soit +60% et pour la partie climatisation de 3 à 4,3 soit +43%. Cela conduit à une économie annuelle de l’ordre de 288 000 €uros (hors maintenance et entretien).

Prenons un logement moyen de 80 m² chauffé et climatisé, et comparons la solution PAC air/eau à la solution PAC eau/eau, celle proposée. Il se dégage une économie annuelle d'environ 570 €uros/an.

Ce gain doit être complété par les gains de surfaces et de nuisances notamment acoustiques que présente une solution PAC eau/eau par rapport à une solution PAC air/eau. En revanche, il convient d’intégrer le surcoût de fonctionnement, de maintenance et d’entretien du système complet de pompage et d’échange eau de mer (consommations électriques des pompes, contrat d’entretien, administration, …).

Ce gain est déjà très sensible pour la partie chauffage. Il est évident que la solution PAC eau/eau prend toute sa dimension économique quand elle est associée également au confort de climatisation, puisqu’elle permet ce service « naturellement ».

Pour la partie tertaire :

La solution PAC eau/eau permet à la partie tertiaire de bénéficier d’une haute performance énergétique avec la récupération de chaleur en période de mi-saisons lorsque la demande de froid et la demande de chaud sont simultanées.

Coût d’exploitation de la « boucle commune »

L’ensemble des ouvrages à l’intérieur du local commun échange eau de mer et des réseaux dits à distance a un coût de fonctionnement qui intègre la maintenance, les consommations d’électricité dues au fonctionnement des pompes eau de mer et eau réfrigérée, les consommations d’eau de ville dues aux pratiques courantes d’entretien dans le local technique, les frais d’administration assimilable à des frais de syndic pour gérer et répartir les frais aux divers utilisateurs.

Sur une base de programme de 54 000 m², cela donne en moyenne :
1,55 €uros HT/m²/an – soit pour 80 m² de surface : 124 € HT/an ou 148 €TTC/an

ECONOMIE NETTE ANNUELLE : 570 – 148 = 422 € TTC/an pour un logement de 80 m²

Coupe du local technique eau de mer

Coupe du local technique eau de mer

En résumé …

Les solutions de pompes à chaleur sont des concepts qui offrent, outre le confort par leur réversibilité, les économies d’énergie les plus importantes. Si de plus, cette technologie s’appuie sur une ressource naturelle comme l’eau (eau de mer), les coefficients de performances atteignent des niveaux maximum similaires à des installations géothermales.

L’installation d’échange eau de mer de La Seyne sur Mer possède une capacité d’échange de 4,8 MW soit un potentiel équivalent à 54000 m² de construction résidentielle et tertiaire. La boucle d’eau tempérée donnant tous ces avantages pour ce type d’usage pluriel où captation de chaleur et rejet de chaleur sont simultanés.
L’investissement global de 2,5 M € HT est amortissable à long terme tout en restant un gage de performance énergétique évitant les solutions immédiates (chauffage électrique direct) et privilégiant les solutions PAC réversibles avec rendements élevés eau/eau.

Par extension, il est possible de développer ce type d’installation pour des programmes en bordure de mer, voire d’industrialiser le procédé gros-œuvre et fluides pour des installations types publiques ou privées.

Fait par Philippe NUNES
Ingénieur ENSAIS-ICG et Directeur Général d’XPAIR, il intervient en apportant son éclairage et son expérience de plus de 20 ans dans les métiers du génie climatique et énergétique.

Commentaires

  • jean fieschi
    0
    26/12/2023

    je connais la partie visible de cette installation depuis l'ouverture du parc de La navale. Natif de La Seyne. Ex dessinateur au bureau d'études des FCM (1955-1965. J'ai quitté cette ville en 1977 pour fonder ma famille à Clermont-Ferrand. J'aimerai avoir le document recto-verso que j'ai eu en main pour le laisser à nos enfants. Ils y retournent souvent avec leur famille...


  • Olivier
    0
    29/12/2018

    Bonjour. J'habite à la Seyne, à 2 ou 3 km au sud-est de cette installation, et depuis quelques années je constate un bruit sourd basse fréquence, comme un bruit de moteur, de jour comme de nuit (mais plus facilement audible la nuit, quand il n'y a pas d'autres bruits), et particulièrement intense depuis cet automne et de façon croissante. Ce qui me fait penser à un système de pompe à chaleur. Ce bruit entre en résonance avec ma maison, au point qu'au cours du mois dernier, environ une nuit sur deux, c'est invivable. Evidemment, j'ai pensé à vérifier mes propres installations et enquêter sur mon voisinage, mais c'est clairement un bruit lointain, ambiant (les sons basse fréquence sont impossible à localiser et peuvent parcourir de très longues distances). Il y a deux jours, dans la nuit du 26 au 27 décembre, ne pouvant pas dormir, je suis parti à pied en pleine nuit pour tenter de trouver la source de ce bruit et j'ai constaté qu'il est présent partout en ville, à des intensités variables, et assez distinctement audible à l'approche de la rade. Pouvez-vous me dire si cette installation a fait l'objet d'une étude acoustique infrasonore ? Cordialement.


  • Fabien
    0
    10/11/2016

    Bonjour
    Nous avons une étude RT 2012 sur le port de La Seyne pour un bâtiment collectif a réaliser.
    Nous voulons prendre en compte ce réseau, mais nous ne trouvons pas les données techniques pour y arriver.
    Merci de m'orienter SVP afin d'obtenir ces valeurs.


  • 0
    26/01/2013

    à l'usage, cet hiver de grand froid (17 au 21 janvier 2013) la température de l'eau de mer étant voisine de 9°c, la pompe à chaleur des immeubles SANTA MARIA et ARMADA s'est mise en position de sécurité: la chaleur de l'eau fournie étant insuffisante pour qu'elle fonctionne normalement!??.
    Qu'en pensez-vous?


  • JEAN THIERRY
    0
    04/11/2012

    Nous avons une cote mediteraneenne depassant 1000km et cette orientation me parait l'avenir .
    j'aimerais m'entretenir avec Philippe Nunes à ce sujet .
    Cdlt


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