Par Charles ARQUIN Responsable Pôle Rénovation, Pouget Consultants et Florence BOVET, Directrice du Patrimoine de SEQENS
Face à un contexte réglementaire mouvant et renforcé, le bailleur social SEQENS, filiale du Groupe Action Logement a confié au bureau d’études énergie / environnement POUGET Consultants une étude visant à identifier les logements à consommation excessive du parc locatif de SEQENS et proposer une scénarisation de travaux pour une sortie de passoire énergétique et l’atteinte d’étiquettes performantes.
Voici en exclusivité pour les lecteurs d’XPAIR, les résultats essentiels de cette étude d’envergure qui porte sur plus de 5000 logements répartis dans 211 immeubles collectifs et 684 maisons individuelles.
Retrouvez « en live » Charles Arquin et la présentation de cette étude à EnerJ-meeting, le 31 mars prochain, Pouget Consultants s’exprimera dans un « atelier d’immersion » de 30 minutes. Inscrivez-vous dès maintenant > lien
Contexte national & enjeu des bailleurs
Au 1er juillet 2021, la révision du DPE, portant sur sa fiabilisation est entrée en vigueur. Ces travaux réglementaires ont abouti à une méthode de calcul unique pour tous les logements existants, dont les étiquettes sont maintenant évaluées en prenant en compte à la fois la performance énergétique et les émissions GES en exploitation.
La loi Climat & Résilience, adoptée le 22 août 2021 fixe plusieurs dispositif coercitifs et incitatifs en lien avec la classe DPE des logements, et en particulier :
- Une interdiction de location des logements à consommation excessive progressive en commençant par ceux classés en G, à partir du 1er janvier 2025
- Une interdiction d’augmentation des loyers des logements F et G devant être mise en place courant 2022
Face à ce contexte réglementaire, SEQENS s’est fixé des objectifs clairs et ambitieux visant à devancer la réglementation et à accélérer le rythme de rénovation sur ses logements. Pour cela, l’ensemble des OS Travaux des logements en pleine propriété classés F et G devront être lancés d’ici fin 2023.
La connaissance du parc, un enjeu essentiel
Face à ces enjeux, les bailleurs sociaux se doivent de rapidement identifier les logements à risque au sein de leurs parcs (étiquettes E, F et G), de cerner les programmes travaux, les difficultés potentielles et d’obtenir des estimations sur les coûts d’investissement associés.
Cependant, avec la révision récente du DPE et avec la fiabilité relative des DPE existant, une réévaluation de l’image énergétique et environnementale du parc est indispensable.
Les campagnes DPE se révélant chronophages et compte tenu des délais restreints à respecter et du peu d’acteurs en capacité de produire un volume d’une telle importance, il est apparu non approprié pour SEQENS de réaliser une telle campagne.
L’organisme HLM a donc décidé de lancer une campagne de DPE simplifiés en se concentrant sur les logements de leur parc estimés en étiquette F&G selon le nouveau DPE. Cela correspond à 5002 logements répartis dans 211 immeubles collectifs et 684 maisons individuelles.
Cette campagne de DPE simplifiés a été réalisée grâce à des visites flash et des calculs énergétiques réalisés via un outil d’évaluation énergétique simplifiée utilisé par ailleurs dans le projet BBC par étapes (Lien vers une vidéo explicative de la méthodologie « B2C2 »)
- Cet outil s’appuie sur la méthode de calcul du DPE fiabilisé et permet – à partir de données d’entrées relativement limitées – d’évaluer les données suivantes :
- Consommations énergétiques conventionnelles par m2
- Quantité d’émissions de gaz à effet de serre (GES) liée à la quantité annuelle d’énergie
- Coûts d’investissement des travaux de rénovations
- Nouvelle étiquette DPE
- Facture énergétique
L’enjeu essentiel de l’étude était de permettre à SEQENS de correctement anticiper les travaux de rénovation à engager sur son parc dans les mois et années à venir. Pour les 5 000 logements étudiés, l’étude a permis :
- De faire réaliser une visite technique de chaque bâtiment, a minima sur les parties communes, sur la base d’une grille partagée avec la maitrise d’ouvrage.
- D’estimer l’étiquette énergétique sur la base du nouveau DPE d’une partie du patrimoine de SEQENS correspondant aux logements estimés en classe F & G du DPE fiabilisé.
- D’évaluer les programmes travaux de rénovation pour sortir les logements à consommations excessives des étiquettes F,G et les amener vers des étiquettes performantes (B, C).
- D’évaluer les montants d’investissement, les principes de rénovation (niveau d’isolation, systèmes de chauffage), les difficultés à anticiper, qui permettent d’atteintre les objectifs à l’échelle du parc (vision macro) mais aussi spécifiquement sur chaque projet (vision micro).
Répartition des étiquettes DPE entre les anciens DPE SEQENS et la campagne de DPE simplifiés 2021
Cette campagne a permis de constater un nombre de logements en situation de passoire énergétique largement diminué par rapport aux estimations réalisées à partir des anciens DPE de SEQENS, rassemblés dans une base de données. La raison principale détectée est la non-validité des DPE d’une partie de cette base qui semblent largement surestimer les consommations des logements étudiés. Ainsi, les visites ont montré qu’une partie des bâtiments étudiés et classés en F ou G dans la base possèdent en réalité une isolation qui n’a probablement pas été considérée dans le calcul par le diagnostiqueur. De même certains travaux ont été menés sur les bâtiments, mais la base DPE n’a pas toujours été mise à jour en conséquence.
Quels travaux pour sortir de passoires et atteindre des étiquettes performantes ?
A la suite de cette nouvelle caractérisation du parc locatif de SEQENS, des programmes de travaux ont été étudiés pour chacun des bâtiments visités en suivant plusieurs grands principes de rénovation :
- Suivre une approche de sobriété et de réduction des besoins avant de remplacer les systèmes ou d’installer des énergies renouvelables
- Etude de raccordement au réseau de chaleur systématique
- En cas de chauffage collectif et d’ECS individuelle, étude du raccordement de l’ECS au chauffage
- Respect des critères de performance minimaux pour l’obtention des CEE
- Maitrise de la quittance globale du locataire
- Recherche de solutions faciles d’entretien
Les travaux ont été adaptés pour chaque logement mais les résultats peuvent être analysés en considérant différentes typologies de logements (logements collectifs / maisons individuelles) et énergies de chauffage.
- Patrimoine #1 à Logements collectifs –> Effet joule
- Patrimoine #2 à Logements collectifs –> Gaz collectif
- Patrimoine #3 à Logements collectifs –> Gaz individuel
- Patrimoine #4 à Maison individuelle –> Effet joule
Répartition des logements étudiés par typologie et énergies de chauffage
Patrimoine #1 à Logements collectifs - Electrique |
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Part du parc étudié |
150 |
Bâtiment |
53% |
% des logements |
Pour 20% des logements de cette typologie en étiquette F ou G aujourd’hui, l’impossibilité d’isoler par l’extérieur pour raisons patrimoniales, l’absence de place pour une chaufferie collective ainsi que la très faible faisabilité de mise en place de ballons thermodynamiques risque de provoquer des difficultés significatives à la sortie de passoire au sens large (atteinte de l’étiquette D). L’isolation par l’intérieur, solution pertinente du point de vue énergétique, présente de fortes contraintes financières et organisationnelles rédhibitoires à sa mise en œuvre. |
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L’atteinte de l’étiquette C est permise dans une grande majorité des cas au travers l’isolation globale de l’enveloppe (y compris des murs), ce qui permet de conserver les systèmes de chauffage effet Joule |
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L’atteinte de l’étiquette B n’est permise quasi-systématiquement que par la mise en place de PAC double service, sauf pour certains cas grâce à la mise en place de ballons thermodynamiques dans les logements |
Patrimoine #2 à Logements collectifs – Gaz collectif |
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Part du parc étudié |
50 |
Bâtiment |
18% |
% des logements |
Aucun des bâtiments étudiés ne présente de difficultés techniques pour la sortie de passoire et l’atteinte de l’étiquette D |
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Pour plusieurs bâtiments, l’atteinte de l’étiquette C est contrainte par l’impossibilité d’isoler par l’extérieur, la non-suffisance d’installation d’une PAC ECS et la mise en œuvre d’une PAC double service difficilement engageable sans isolation des façades (besoins de chauffage élevés nécessitant la mise en place d’un nombre de PAC trop important). Autrement, l’atteinte de l’étiquette C passe quasi-systématiquement par une rénovation globale de l’enveloppe. |
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L’atteinte de l’étiquette B est permise exclusivement via la mise en place de PAC double service, en complément de l’isolation globale du bâtiment. Le maintien des chaudières gaz en appoint des PAC est envisageable pour des raisons de maintenance et de limitation du nombre de PAC à installer. |
Patrimoine #3 à Logements collectifs – Gaz individuel |
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Part du parc étudié |
72 |
Bâtiment |
25% |
% des logements |
Pour 10% du parc de logements en gaz individuel, l’impossibilité d’isoler par l’extérieur pour raisons patrimoniales ainsi que l’absence de place pour la mise en œuvre d’une chaufferie collective provoquent des difficultés significatives à la sortie de passoire au sens large (atteinte de l’étiquette D). L’isolation par l’intérieur, solution pertinente du point de vue énergétique, présente de fortes contraintes financières et organisationnelles rédhibitoires à sa mise en œuvre. |
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L’atteinte de l’étiquette C passe quasi-systématiquement par une rénovation globale de l’enveloppe. | ||||
L’atteinte de l’étiquette B est permise exclusivement via la mise en place de PAC double service, en complément de l’isolation globale du bâtiment. |
Patrimoine #4 à Maison individuelle - Electricité |
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Part du parc étudié |
577 |
Bâtiment |
84% |
% des logements |
Sauf cas exceptionnels, les scénarios de sortie de passoire ne nécessitent pas d’interventions lourdes au sein des logements dans les cas étudiés. | ||||
La faisabilité de l’atteinte de l’étiquette C est variable en fonction des situations. L’absence de mitoyenneté ou les maisons en bout de groupements observent généralement un classement énergétique supérieur aux maisons mitoyennes. De plus, l’impossibilité d’installer des PAC double service dans 40% des cas étudiés limite l’atteinte de l’étiquette C. |
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L’atteinte de l’étiquette B passe par la mise en place d’un système thermodynamique sur le chauffage et l’ECS ainsi qu’une isolation globale de l’enveloppe. |
L’analyse par typologies de patrimoine a permis de préciser les difficultés et opportunités techniques et économiques de chaque segment du parc. Elle permet de préciser les conditions de sortie du statut de passoire ou d’atteinte des étiquettes performantes C et B.
Par ailleurs, des thématiques ont été identifiées comme étant prioritaires :
- Expérimentation de solutions industrielles en isolation thermique par l’intérieur, notamment pour le patrimoine ancien ;
- Expérimentation de solutions énergétiques hybrides pour répondre à un enjeu d’investissement vert, de confort et bouclier énergétique pour le locataire ;
- Plus globalement, atteinte d’un mix énergétique décarboné : recherche de vecteurs énergétiques majoritaires en 2050, réseaux de chaleurs, biogaz et/ou électricité thermodynamique, en complément ou remplacement des énergies fossiles.
- Enfin solutions techniques évolutives pour intégrer facilement in-fine des énergies renouvelables et du rafraîchissement (si nécessaire) sans travaux dans les logements (solution collective, émetteurs basse température et réversibles, …).
Planifier pour adapter les PSP et cadencer les opérations de réhabilitation
Afin de mieux apprécier la situation à l’échelle du parc, il est indispensable de cadencer les rénovations et d’analyser le rythme en termes de volume de rénovation (en nombre de logements ET en investissement).
Au-delà des logements ayant le statut de passoire énergétique (classe F & G), il existe un véritable enjeu autour des logements classés en étiquette E. En effet au sein du parc locatif de SEQENS, le volume de logements estimé en étiquette E est 4 fois plus important que le volume de passoires.
Il parait donc essentiel d’anticiper ces travaux en engageant des travaux de rénovation énergétique sur certains logements en étiquette E dès 2024 afin de lisser les volumes et les investissements de réhabilitations.
En complément des logements classés en étiquettes E, F et G, il semble pertinent d’étudier les logements classés en D chauffés au gaz qui sont en moyenne 4 fois plus émetteurs en CO2 par rapport aux logements effet joule en même étiquette.
Les graphiques ci-dessous présentent une modélisation du nombre d’OS Travaux qu’il faudrait lancer d’ici 2030 pour entamer les travaux sur tous les logements classé E d’ici cette date. Ces travaux sont répartis par période pour assurer une répartition homogène et une mise en route progressive.
On observe une augmentation très importante du rythme de rénovation à mener (X1,5 par période), sans compter par ailleurs l’ensemble des travaux d’adaptation et d’entretien des bâtiments qui ne sont pas classés E et qui pourraient s’accompagner d’une rénovation énergétique. L’intégration de ces éléments dans le futur PSP est donc essentielle.
Par Charles ARQUIN Responsable Pôle Rénovation, Pouget Consultants et Florence BOVET, Directrice du Patrimoine de SEQENS
Sources et liens
Bonjour,
Je suis locataire Seqens dans une passoire énergétique et une pollution sonore. L'hiver, je peux "vivre" en me couvrant même si ce n'est pas facile du tout mais l'été, sous les toits, c'est terrible, je suis en stress thermique.
J'ai alerté à de nombreuses reprises Seqens mais rien n'a été fait, ne serait-ce qu'une bonne isolation thermique sous les toits, et une demande d'occultants refusées car pas "règlementaire" sauf que certains locataires ne se sont gênés.