Par Franck Boutté, Fondateur et président, Atelier Franck Boutté et grand prix de l’urbanisme 2022
Voici un décryptage sur les critères énergie et environnement de la construction neuve comparativement à la rénovation-réhabilitation et l’adaptation en termes de soutenabilité qu’il y a lieu désormais de considérer.
Cette analyse réalisée par Franck Boutté, Fondateur et président, Atelier Franck Boutté, est particulièrement riche d’enseignements pour les maîtres d’ouvrage et les maîtres d’œuvre.
Enfin, chers lecteurs d’Xpair, retrouvez en exclusivité la Vidéo d’intervention de 20 minutes lors d’EnerJ-meeting Paris le 6 février dernier ! A partager sans modération.
Voici un extrait des propos de Franck Boutté, propos que vous retrouvez en live dans la Vidéo d’accès libre.
Parler d’énergie dans le neuf, les chiffres … C’est moins de 1% du problème
« Le neuf, vous le savez nous en parlons beaucoup aujourd'hui parce que les opérateurs se plaignent que nous ne faisons pas assez de constructions neuves. Le neuf représente environ, en renouvellement de la ville, moins de 1% par an du stock de bâtiments existants.
Pour le secteur du logement avec 35 millions de résidences existantes, si nous en construisions en 350000 soit 1%, nous parlons de 1% du problème, par an certes, donc en attendant un siècle on finira par parler de 100% du problème. Il faudrait quand même attendre un siècle or nous n’avons pas obligatoirement un siècle pour agir !
Mais en fait c'est encore pire que cela. Car quand nous parlons d'énergie blanche donc l'énergie d'exploitation dans le neuf, de quoi parle-t-on réellement ?
Vous visualisez sur le visuel ci-dessous le 1% et au milieu vous avez quelque chose qui est encore plus petit, qui montre que finalement l'énergie blanche dans le neuf ne représente quasiment rien, c'est à dire 0,1 à 0,2% par an du problème de l'énergie. Pourquoi ?
Parce que si nous comparons les bâtiments neufs qui sont et pour simplifier aux alentours de 50 kWh/m², c'est-à-dire qu'à chaque fois que nous ramenons 1 m² de neuf dans le stock de bâtiment existant, sa vie future énergétique de ce m², son efficacité énergétique va donner une consommation de 50 KWh par m².
Si nous comparons aux bâtiments existants, ils sont plutôt à 250 voire 500 kWh par m² pour les pires, c'est à dire qu'il y a un rapport de 1 à 5 ou de 1 à 10 pour le pire sur l'efficacité énergétique entre le neuf et l'existant. Finalement quand nous regardons le neuf et que nous nous intéressons à l'énergie nous prenons 1% en nombre d'unité et sur ce 1% nous travaillons sur l'efficacité énergétique qui pèse 5 à 10 fois moins que sur le stock de bâtiments existants, donc finalement l'énergie dans le neuf représente 1/10e à 1/5e de 1% par an du problème de l'énergie c'est pour cela que nous arrivons à 0,1 à 0,2% de la trace énergétique par an, c'est-à-dire rien.
Pendant un peu plus de 15 ans nous avons donc consacré 99,9% des moyens sur 0,1% du problème. C'est assez désespérant et c'est tout ce qu'il ne faut pas faire en environnement c'est à dire qu'est-ce qu'on a fait de la suroptimisation d'un gisement marginal ? En environnement c'est tout l'inverse qu'il faut faire, il faut aller identifier où sont les gisements, où sont les stocks et ensuite identifier les mesures qui permettent d'adresser et de réduire drastiquement ces gisements.
Les enjeux énergétiques ne sont pas dans le neuf, ils sont dans l’existant
Les enjeux énergétiques ne sont pas dans le neuf, ils sont dans l'existant, il faut donc faire avec l'existant.
Alors ça marche évidemment en France ou dans beaucoup de villes en Europe puisque nous sommes sur une histoire urbaine ancienne, nous avons un faible taux de renouvellement de la ville et nous avons une faible démographie qui fait que le neuf ne pèse pas grand-chose.
Nous nous disons donc, soit nous changeons de métier et basculons du neuf à la rénovation ou bien nous attendons qu’on s'intéresse à la rénovation énergétique, soit nous pouvons aussi considérer les deux car ils vont de pair. C’est-à-dire que le neuf doit servir de terrain d'expérimentation et d'effet de levier pour rétroagir de manière positive sur son territoire d'accueil.
Si nous regardons où sont les enjeux, puisque nous avons parlé des énergies entre l'énergie blanche donc l'énergie de consommation dans les bâtiments, il n’y a pas (ou très peu) d'enjeu d'énergie de consommation ou d'énergie de flux dans le neuf. Les enjeux d'énergie de flux, d'énergie d'usage, d'énergie d'exploitation, nous pouvons les appeler comme nous le voulons, sont dans l'existant, c'est ce qui est indiqué sur le visuel sur ces petites barrettes – cf ci-après -
Cependant, il y a un enjeu énergétique mais avec une autre forme d'énergie dans le neuf que nous avons découvert un peu tardivement, cela date d’environ 7 ans à peu près et c'est devenu systématique massif il y a encore un peu moins d'années qui est l'énergie grise ; l'énergie de stock qui est stockée dans la matière, dans les équipements techniques, dans tout ce qu'on met en œuvre pour construire un bâtiment.
Dans le neuf, le vrai enjeu n'est pas l'énergie blanche donc l'énergie de flux mais l'énergie grise donc l'énergie de stock. Maintenant nous le savons, nous sommes sur une forme de rééquilibrage entre enjeu d'énergie blanche, enjeu d'énergie grise, il faut bien spécifier ces choses-là parce que sinon nous allons continuer à faire de la suroptimisation de gisements marginaux sur le neuf et se tromper en n'intervenant pas sur l'existant.
Donc deux grandes tendances, complémentaires aujourd'hui, sont d'abord l'énergie blanche puis l'énergie matière ou l'énergie de stock qui s'appelle aussi le carbone. Finalement, il y a du carbone dans tout y compris dans l'énergie. Nous le voyons même dans la réglementation avec d'abord l'initiative du label E+C- puis aujourd'hui la RE2020 qui n’a pas raté le coche sur ce sujet et qui dit bien enjeu d'énergie blanche, enjeu de carbone et d'ailleurs enjeu de confort d'été. Ce confort d'été est arrivé encore bien plus tard et qui est lié à un enjeu majeur sur la notion plutôt la question d'adaptation.
L’enjeu majeur du bâtiment : celui de l’adaptation
Les deux premières stratégies sont rappelons-le la réduction de la consommation d'énergie des consommations, ensuite la réduction du carbone, nous amène à déconsommer, décarboner, et un nouvel enjeu apparait qui devient absolument prioritaire, celui de l'adaptation.
Réhabiliter, réhabiliter, réhabiliter !
Jusqu'à récemment ce sont les crises, à la fois la crise sanitaire et l'été 2022, les différents étés meurtriers, qui nous rappelé l'importance de cet enjeu d'adaptation. Aujourd'hui nous disions le faible taux de renouvellement de la ville, moins de 1% et cela va être de moins en moins dans des territoires, dans des villes qui sont largement urbanisés, largement constitués, c’est-à-dire que la ville est amenée à se renouveler peu, voire très peu.
Si nous projetons ce taux de renouvellement urbain très faible en France et en Europe, avec un horizon 2050 et nous regardons quels sont les bâtiments d'aujourd'hui qui existeront encore en 2050 ?
Le petit chiffre, c'est 80% en moyenne nationale. 80% des bâtiments de 2050 existent déjà aujourd'hui parce qu’on renouvelle peu la ville. Ce chiffre, il est très variable dans les endroits où il y a très peu de fonciers. Prenons Paris, c'est plutôt 95% des bâtiments de 2050 qui existent déjà aujourd'hui, donc ça dit bien à quel point il faut faire avec l'existant, faire avec le déjà-là, etc. Le ZAN pour le citer, nous pousse évidemment aussi à cela et donc réhabiliter, réhabiliter, réhabiliter !
La réhabilitation doit devenir l'action par défaut et le neuf l'exception.
Par Franck Boutté, Fondateur et président,
Atelier Franck Boutté, architecte et ingénieur des ponts et chaussées, grand prix de l’urbanisme 2022
Source et lien
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