Par Pascal GONTIER - Architecte DPLG - Urbaniste
Le nouveau bâtiment des sciences humaines et sociales de l'Université Paris Nanterre est un bâtiment pionnier qui révise en profondeur les standards du bâtiment de bureaux, et utilise les exigences environnementales comme moteur d'innovation et de création architecturale.
Cette réalisation est lauréate des Green Building Solutions Awards 2016 dans la catégorie Bas Carbone et 1er prix des Trophées Bois Ile-de-France 2016.
Source © Abbadie
Réalisé par l'architecte Pascal Gontier le bâtiment Max Weber est destiné à accueillir les chercheurs en Sciences Sociales et Humaines.
Ses 5 niveaux sont 100% en structure bois, y compris les cages d'ascenseurs et d'escaliers, tandis que les plateaux de bureaux, flexibles et évolutifs, sont exempts de faux plafonds et de faux planchers techniques. Ce bâtiment de type passif, sans climatisation, est ventilé naturellement grâce à un dispositif architectural qui se manifeste en toiture par 25 cheminées de ventilation de 3,80 mètres de haut.
Un bâtiment 100% bois, confortable et modulable
L’implantation et la volumétrie du bâtiment soulignent la structure du campus et le carré vert central, s’inscrivant dans la trame orthogonale.
Source © Abbadie
L’expression architecturale du bâtiment, est marquée par le contraste entre le caractère brillant et lisse de la peau extérieure en aluminium et le caractère mat, organique et chaleureux du bois utilisé pour les espaces intérieurs.
Arrimé à l’allée centrale, son volume et sa douce luminance due au bardage aluminium identifiables de loin marquent l’axe d’entrée de l’université.
Le choix du bois a été une proposition inattendue de la maîtrise d’oeuvre répondant à un choix écologique autant qu’à la commande d’un bâtiment de prestige s’appuyant sur un programme de bureaux. La maîtrise d’oeuvre a relevé le défi d'une ambition environnementale forte et a permis de réinterroger en profondeur la nature même des espaces de bureaux offerts aux chercheurs.
La plupart du temps, les bâtiments de bureaux sont conçus avec d’importantes structures en béton, dont la masse considérable disparaît derrière les différents faux plafonds et faux planchers recouverts par des surfaces de matériaux
décoratifs. Le projet proposé ici a été conçu selon une stratégie radicalement différente. Les matériaux mis en oeuvre sont utilisés là où ils sont le plus adaptés et ils apparaissent tels quels dans la vérité de leurs assemblages. (Extrait du dossier de concours, Atelier Pascal Gontier).
Le chantier, situé au centre de l’université, a bénéficié de l’utilisation d’éléments préfabriqués industrialisés.
Panneau bois lamellé croisé structurel (cross laminated timber) - Rapidité de mise en oeuvre et mise en avant de la structure bois
Le bâtiment est conçu avec une structure en bois, hors la partie de stationnement souterrain. Visible au niveau des poteaux et de la dalle massive du plafond, le bois est aussi utilisé pour les cages d’escaliers et d’ascenseurs, les menuiseries bois alu, l’isolation périphérique en laine de bois, les portes, le parquet et l’estrade dans la salle de conférence.
Source © Abbadie
Le projet est réalisé avec des composants modulaires en bois pour les planchers, les parois des cages de contreventement ainsi que pour les piédroits et les poutres. Le plancher haut du rez-de-chaussée est réalisé en caissons bois de grande portée (12 m).
En étages supérieurs, les planchers de portée moindre, correspondant aux trames des bureaux, sont réalisés en panneaux CLT (bois massif contrecollé) renforcés.
Source © Atelier Pascal Gontier
Les espaces intérieurs sont ainsi caractérisés par la structure poteaux dalles qui est conçue pour permettre au bâtiment de s’adapter aux transformations susceptibles d’intervenir dans l’organisation des laboratoires.
Les grandes fenêtres de bureaux se composent de deux ouvrants, ce qui permet à leurs occupants de personnaliser la gestion de leur ambiance.
En terme environnemental, le bois, matériau biosourcé, est renouvelable, à faible impact, recyclable. Vivant, il absorbe du gaz carbonique atmosphérique qui reste stocké dans la construction.
Les bois utilisés sont l’épicéa pour la structure, le mélèze pour le revêtement extérieur abrité ainsi que du chêne, de l’épicéa, du hêtre et du pin pour les menuiseries, le mur rideau, les escaliers et les revêtements intérieurs.
Une ventilation naturelle assistée et contrôlée
L’objectif du système de ventilation naturelle assistée et contrôlée (VNAC) mis en oeuvre dans ce bâtiment est de s’affranchir des installations complexes de VMC et des consommations énergétiques associées, tout en privilégiant un renouvellement d’air naturel et adapté.
Plus précisément, la ventilation est assurée par un réseau de systèmes de ventilation naturelle contrôlée et assistée (VNAC) répartis dans le bâtiment. Les systèmes sont tous indépendants les uns des autres mais sont composés de manière identique. Une prise d’air est installée en façade au-dessus des fenêtres dans chaque bureau. Elle fonctionne de manière naturelle et autonome mais peut être motorisée et autoréglable en cas de tirage naturel trop faible de sorte à pouvoir augmenter ou limiter les débits d’air en été ou en hiver. La circulation d’air est assurée par une grille et une gaine d’extraction situées à l’opposé de la prise d’air dans la pièce.
Un clapet contrôle les débits d’extraction d’air pour chaque gaine, et donc pour chaque bureau, grâce à un capteur de mesure. En hiver, le clapet est piloté de sorte à ne laisser passer que le débit hygiénique réglementaire et ainsi limiter les déperditions énergétiques.
Source © Abbadie
L’extracteur hybride intégré dans la cheminée d'extraction d'air située en toiture permet d’augmenter la pression statique dans le réseau en naturel et de prendre le relais lorsque les débits seront insuffisants via un extracteur mécanique basse consommation.
Les gaines d’extraction de chaque bureau sont regroupées dans une tourelle qui est installée en toiture. Chaque tourelle regroupe au maximum huit gaines. Leur hauteur de 3,80 m permet d’augmenter le tirage et donc d’améliorer le fonctionnement du système. Afin d’assurer en toute circonstance les débits réglementaires, un extracteur est installé en haut de chaque tourelle et permet l’activation de la ventilation pour huit locaux en simultané. L’extracteur n’est utilisé que lorsque le fonctionnement en naturel ne permet pas d’assurer les débits requis.
Espace de convivialité - source © C.Bertolin
Bureau type - source © Abbadie
Le pilotage du système est différencié selon la destination des locaux. Pour les bureaux ou les salles d’expérimentation, un pilotage horaire « tout ou rien » est appliqué. En période d’occupation, de 7 h à 21 h, le débit maximum est extrait sans modulation. En période d’inoccupation, la nuit et le dimanche, aucune extraction n’est possible. Pour les salles de réunion ou de convivialité, le pilotage est fait par l’utilisateur au moyen d’un actionneur numérique offrant trois possibilités de débit (occupation faible/occupation moyenne/ occupation élevée). Ce système est associé à une sonde CO2 qui permet de lancer la ventilation et d’augmenter son débit si le pilotage utilisateur n’est pas adapté à l’utilisation du local.
LEGENDE
1. Prise d’air par les menuiseries extérieures
2. Grille d’extraction d’air vers conduits individuels
3. Cheminée regroupant 4 à 8 conduits individuels
LEGENDE
1. Prise d’air par les menuiseries extérieures
2. Grille d’extraction d’air vers conduits individuels
3. Cheminée regroupant 4 à 8 conduits individuels
4. Prise d’air de surventilation motorisée
5. Commande de surventilation
Pour assurer le confort estival dans les locaux, les simulations thermiques et dynamiques ont montré qu’il serait nécessaire de surventiler en journée et quelques heures chaque nuit. En journée, la surventilation est pilotée directement par l’usager à l’aide d’un interrupteur qui permet d’augmenter l’extraction et le renouvellement d’air du bureau. Les soirs et les weekends, le pilotage de la surventilation est géré par un automate en inoccupation. En hiver, cette commande est rendue inopérante pour éviter les surconsommations de chauffage.
Afin de valider économiquement le choix de ce système de ventilation, l’équipe de la maîtrise d’oeuvre a réalisé une étude comparative de deux solutions portant sur le coût global sur 30 ans : la VNAC et un système classique de ventilation double flux. Cette analyse a donc intégré les coûts d’investissement, d’entretien et les consommations énergétiques actualisés sur une période de 30 ans. Celle-ci a montré que la solution VNAC reste moins chère que la solution classique 100 % double flux.
Chauffage, rafraîchissement et ECS
Le bâtiment est relié au réseau de chaleur du campus regroupant 4 chaudières gaz via la sous-station située au sous-sol. Les émetteurs de chaleur situés dans tous les locaux sont des radiateurs.
Le rafraîchissement est réalisé par la ventilation et d'un puits canadien avec réseau de canalisations enterrées en fonte (photo ci-contre), qui apporte gains de confort et de coût de chauffage, meilleure conductivité thermique que les autres matériaux ainsi que meilleure pérennité et qualité de l'air.
La production d’eau chaude sanitaire nécessaire pour les sanitaires est produite par des ballons individuels à réchauffage rapide.
Confort acoustique et confort d'été
Le projet se situe dans un environnement marqué par la présence à 200 mètres de l’A86. De plus, deux caractéristiques sont fortement impactantes également du point de vue acoustique : la structure bois et la ventilation naturelle hybride.
Les sols en béton brut, recouverts de linoleum, contribuent à l’inertie et au confort d’été dans les locaux sans qu’il soit nécessaire de recourir à un dispositif de climatisation.
Les isolements requis par rapport aux bruits extérieurs se situent entre 30 et 34 dBA selon les façades.
Ils sont assurés par des parois en ossature bois composées d’un isolant de 14 cm en laine minérale, d’un parement OSB (Oriented Strand Board) de 20 mm, d’un isolant de 12 cm en laine de bois et de deux plaques de plâtre BA13 ou BA18 permettant, pour les parties pleines d’obtenir une isolation RA,tr de 37 à 39 dB selon les façades.
Les menuiseries extérieures bois/aluminium de grande qualité ont, quant à elles, un indice d’affaiblissement acoustique de 31 à 34 dB.
Les grilles de ventilation naturelles présentaient une difficulté particulière. En effet, elles devaient à la fois présenter de faibles pertes de charges de façon à être compatibles avec le dispositif de ventilation naturelle hybride (pour la ventilation hygiénique comme pour le confort d’été), et être très performantes d’un point de vue acoustique.
Les grilles Sonovent de Renson ont permis de répondre à cet objectif : Dne,W+Ctr = 41 dB. (photo ci-contre). Parfaite intégration dans les chassis menuisés. Action possible des utilisateurs pour la mise en marche de la surventilation via un bouton poussoir. Entretien aisé depuis l'intérieur. Deux versions ont été installées dans le projet : version débit fixe hygiénique réglementaire et version motorisée pour surventilation.
Contrairement aux locaux en étages, les locaux du rez-de- chaussée disposent d’une ventilation mécanique double flux qui permet naturellement de traiter l’isolation par rapport aux bruits extérieurs.
L’isolement entre étages de DnT,A ≥ 45 dB a été traité par une épaisseur de 20 mm de laine minérale très haute densité de type Domisol LR20, puis avec une chape de finition en béton à 2 300 kg/m³ de 80 mm au-dessus du plancher bois. La chape flottante est caractérisée par un ΔLw de 24 dB au moins.
Isolation - source © C.Bertolin
Le traitement de l’absorption acoustique dans les bureaux se fait principalement par la sous-face du plancher haut : des épaisseurs de 35 mm de laine minérale (masse surfacique de 70 kg/m³ au moins, type ALPHALENE 70, ont été insérées dans les interstices entre les lattes.
Le confort d’été est assuré par différentes dispositions, l’optimisation de la taille des fenêtres (pas d’allèges vitrées par exemple), la mise en place de protections solaires extérieures, l’inertie thermique par les chapes en béton de 7 cm, la surventilation naturelle possible depuis chaque bureau.
Consommation énergétique et performance énergétique de l'enveloppe
Besoin en énergie primaire : 51,60 kWh EP/m²/an
Besoin en énergie primaire bâtiment standard : 71,50 kWh EP/m²/an
Méthode de calcul : RT 2012
CEEB : 0 kWh PE / €
Consommation d'énergie finale : 32,21 kWh EF/m²/an
Répartition de la consommation énergétique :
Cep Chauffage : 20.00 Kwhep/m²/an
Cep Refroidissement : 0.20 Kwhep/m²/anCep
ECS : 5.40 Kwhep/m²/anCep
Eclairage : 13.10 Kwhep/m²/anCep
Auxilaires : 12.80 Kwhep/m²/an
UBat de l\'enveloppe : 0,66 W.m-2.K-1
Informations sur l'enveloppe :
Murs en ossature bois (isolation laine de bois et laine de roche) : 0.150 W/(m².K)
Terrasse accessible : 0.222 W/(m².K)
Toiture-terrasse : 0.155 W/(m².K)
Plancher bas : 0.152 W/(m².K)
Menuiserie bois/aluminium : Uw : 1.3 W/(m².K)
Indicateur : I4 (I4) m³/H.m² n50 (Vol/H) Q4
Etanchéité à l'air : 1,01
Emissions de GES en phase d'usage : 4,93 KgCO2/m²/an
Bilan énergétique, éléments de reproductibilité
Le bâtiment pourrait prétendre au label « bâtiment biosourcé – 3ème niveau ». En effet, le taux d’incorporation de matière biosourcée est de 56,8 kg/m² de surface de plancher. La maîtrise d’oeuvre a fait réaliser différents calculs du volume de bois utilisé. Selon la méthode de calcul forfaitaire de l’arrêté n°2010-273, le résultat est de 120 dm³/m². Selon le calcul réel et non réglementaire du volume de bois, le résultat est de 337 dm³/m². Pour rappel, le décret n°2010-273 fixe le volume de bois à mettre en oeuvre à un minimum de 10 dm³/ m² SHON.
Les questions de santé et de qualité de l’air, de confort d’été et de ventilation naturelle, d’acoustique, d’éclairage naturel, de gestion, d’entretien et de maintenance ont été traitées de manière à parvenir à une sobriété d'ensemble, à la fois adaptée aux usages et pérenne.
Le bâtiment se distingue par sa structure 100% bois et les plafonds des bureaux en bois massif mais aussi par le dispositif de ventilation naturelle qui lui permet d’atteindre des performances énergétiques très élevées en réduisant de façon drastique les consommations de ventilation mécanique que l’on trouve habituellement sur ce type de bâtiment.
Cette démarche a nécessité des recherches conséquentes et un travail en amont très approfondi. La structure du bâtiment et l’organisation de ses espaces ont ici été pensés en même temps que l’organisation des différents réseaux, en intégrant les problématiques liées à l’acoustique. Cette stratégie a permis de faire disparaître les habituels faux planchers et faux plafonds, et de retrouver ainsi une singularité dans les espaces grâce à l’expression juste des matériaux et de leurs assemblages.
Les retours de la part du Responsable du patrimoine de l'Université sont édifiants : il parle d'un effet de séduction du bâtiment auprès de ses usagers. Les gens se sont complètement appropriés le bâtiment et se disent bonjour ! Les escaliers sont un vrai objet architectural qui impressionne.
La démarche environnementale du maître d'ouvrage était ambitieuse et la maîtrise d'œuvre est allée au delà de cette demande. Le bâtiment Max Weber est une réalisation réellement ambitieuse, innovante et très performante.
Un exemple à suivre pour tous les bâtiments tertiaires pour s'affranchir enfin des projets ultra standardisés !
LES ACTEURS DU PROJET |
LES CHIFFRES CLÉS |
Maître d'ouvrage |
Surface : 4.904 m² de surface de plancher, 5 339 m² SHON |
Par Pascal GONTIER
Architecte DPLG - Urbaniste
Très beau projet !! si ce n'est au niveau de la prise en compte de l'accessibilité (traitement incomplet des escaliers, absence de repérage des parois vitrées,...)