Par Isabelle LANGLAIS – Directrice technique – BET Kerexpert
Bien que la date d’entrée en application de la RE2020 ne soit pas encore clairement annoncée, BURGER KING a souhaité prendre les devants, en estimant la performance énergétique et environnementale de ses restaurants. L’objectif est de concevoir, dès aujourd’hui, le « Quality Fast-Food de demain » ; un bâtiment performant, confortable et respectueux de l’environnement.
Réglementation RE 2020, Burger-King prend les devants
Cette volonté d’innovation et d’anticipation, en plus d’un très bon feeling humain, a été le point de départ de la collaboration entre Burger King et le BET Kerexpert. En effet, Kerexpert a toujours cru au bienfait de la « comptabilité carbone » et non seulement énergétique. Membre fondateur de l’association BBCA, Kerexpert a contribué dès 2014 à la certification de l’un des projets CLT les plus grands d’Europe à RIS-ORANGIS, bien avant la création du label E+/C-. Notre bureau d’études participe aussi activement aux différents groupes de travail permettant d’échanger les bonnes pratiques « Bas Carbone ». Aujourd’hui, notre expérience en analyse de cycle de vie du bâtiment (ACV) est reconnue par l’intermédiaire de la qualification professionnelle OPQIBI 1333.
La démarche : anticiper la réglementation RE2020
A l’heure actuelle, les projets de décret et arrêtés relatifs aux exigences de performance énergétique et environnementale pour la réglementation environnementale 2020 (RE2020) ne concernent que les bâtiments à usage d’habitation, de bureaux, ou d’enseignement primaire ou secondaire.
En l’absence de la version « bêta » du nouveau moteur de calcul de la RE2020, c’est la méthodologie du label expérimental E+/C- qui a été retenue pour mesurer la performance environnementale des bâtiments actuels, mais aussi pour identifier les axes de progrès et de développement. Même si la RE2020 ne reprend pas en totalité les items du E+/C-, l’application de ce label a été riche de divers enseignements.
Un restaurant « type » Burger King a été modélisé en prenant en compte les systèmes et matériaux mis habituellement en œuvre. Une fois les premiers calculs réalisés, l’idée était de les analyser et de trouver ensemble des solutions permettant d’améliorer aussi bien la partie Energie que la partie Carbone. La totalité des consommations énergétiques n’étant pas estimée via le label E+/C-, une réflexion a également été menée sur les postes « hors E+/C- » ; consommation des chambres froides, climatisation du local OM, etc.
Logo de la Réglementation Environnementale
Interview de Ronan Havard (Responsable Energies chez Burger King)
Pourquoi avoir entamée cette démarche ?
Nous souhaitions anticiper l’arrivée de la future réglementation RE2020 et prendre en compte le poids carbone des différents éléments dans le cadre de la conception de nos bâtiments. L’identification du poids des différents lots et plus particulièrement de chaque matériaux ou matériel ayant un poids carbone important dans la construction et l’exploitation de nos bâtiments nous permet d’orienter la réflexion et de prioriser certains sujets. D’autre part nous souhaitions connaitre les gains (Energie et Carbone) liés à des équipements de récupération de chaleur que nous envisageons d’installer dans nos nouveaux restaurants.
Que tirez-vous comme conclusion de cette étude ?
Les résultats de cette étude sont venus nous conforter dans la stratégie menée jusqu’à aujourd’hui. Trois points ressortent plus particulièrement :
- Le travail effectué depuis quelques années sur les choix constructifs de nos bâtiments permet de limiter l’impact carbone de nos projets. En particulier la construction en structure bois qui permet de limiter grandement l’importance des lots « fondations, infrastructure » et « Superstructure – Maçonnerie » dans le bilan global.
- Certaines solutions déjà en test sur nos restaurants (récupération de chaleur pour préchauffage d’ECS) présentent des résultats particulièrement intéressants tant sur la consommation énergétique que sur la diminution de l’impact carbone du projet. Ces résultats nous renforcent dans notre stratégie d’anticipation et de tests de nouvelles solutions techniques.
- L’impact carbone de nos projets se situe pour une part importante sur l’aménagement de la parcelle et nous allons poursuivre la réflexion autour du traitement VRD de nos parcelles et de l’aménagement de nos parkings.
Les systèmes : du thermodynamique et de la récupération d’énergie fatale
Le système actuellement mis en place dans les restaurants Burger King est un système d’unité autonome en toiture (UAT) permettant d’assurer à la fois le chauffage, le refroidissement et la ventilation en un seul bloc. Ce système est complété par des ballons thermodynamiques pour la production d’eau chaude sanitaire. Cet ensemble permet aujourd’hui de respecter le niveau réglementaire RT2012 mais n’est pas suffisant pour atteindre les premiers niveaux du label E+/C-.
Les premiers calculs indiquent que le poste de consommation le plus important est l’eau chaude sanitaire. C’est pourquoi, il a fallu réfléchir à d’autres systèmes qui pourraient être mis en place de manière simple et qui permettraient de réduire ces consommations.
Plusieurs variantes intéressantes ont été étudiées comme par exemple des systèmes permettant de récupérer la chaleur fatale des condenseurs des chambres froides. Sur le principe, la récupération de chaleur va permettre de préchauffer l'eau chaude sanitaire avec un appoint électrique (résistance électrique) pour atteindre la température souhaitée.
Deux fabricants proposent ce système, le système de chez Ridel Energy et le système Boostherm. A savoir, le système Boostherm se base également sur la récupération de chaleur sur l'énergie fatale des condenseurs des chambres froides.
La principale différence se situe au niveau du schéma de principe. Pour le système Ridel, le préchauffage est réalisé sur l’alimentation en eau adoucie alors que pour le système Boostherm, il y a un piquage sur le ballon d’ECS avec des pompes de bouclage régulées en fonction des températures du ballon et du réseau frigorifique. Le système Boostherm requiert donc un peu plus d’entretien, contrairement au système Ridel, avec le remplacement de certaines pièces pouvant entrainer des coûts de maintenance.
Système de récupération d’énergie RIDEL-ENERGY
Système de récupération d’énergie BOOSTHERM
Ces deux systèmes permettent de réduire considérablement les consommations d’eau chaude sanitaire (entre 40 et 50% de réduction).
Un autre système, plus classique, est la mise en place d’une pompe à chaleur pour assurer la production d’eau chaude sanitaire. Cela permet également une réduction d’environ 70% des consommations, ce qui est loin d’être négligeable.
Le deuxième poste de consommation le plus important est le chauffage. Afin de réduire ce poste, il a été envisagé de remplacer le système de base (unité autonome en toiture) par des pompes à chaleur réversibles associées à des ventilo-convecteurs et une CTA double flux.
Ces différents systèmes ont permis d’atteindre le niveau E1 voire E2 du label E+/C-.
Interview de Philippe Cheng (Chef de pôle Thermique chez Kerexpert)
Qu’avez-vous trouvé d’intéressant dans la démarche ? Que retenez-vous ?
La démarche de Burger King sur l’anticipation de la RE2020 est pertinente, car les valeurs seuils sur les consommations (par rapport à la RT2012) sont amenées à être diminuées.
Sur des locaux de type restauration, les postes Chauffage et surtout Eau chaude Sanitaire sont prépondérants sur les postes RT.
Dans cette étude, Burger King était très ouvert à l’étude d’autres systèmes que ceux habituellement préconisés par leurs franchisés. C’est agréable d’être challengés par un maître d’ouvrage.
Nous avons notamment étudié des systèmes de récupération de l’énergie fatale des condenseurs des chambres froides pour la production d’eau chaude sanitaire.
Sur des systèmes type « Unité autonome de toiture », nous avons rencontré des difficultés de saisie sur le logiciel RT. Pour cela, il a fallu échanger à de nombreuses reprises avec les industriels pour bien comprendre le mode de fonctionnement et être sûr des valeurs à saisir.
L’étude des différents systèmes et leurs comportements sur le moteur de calcul RT2012 s’est avéré très instructif. Nous avons maintenant hâte de pouvoir modéliser les projets en RE2020
Les matériaux et le mode constructif Burger King
Les restaurant Burger King ont choisi de modifier leur mode constructif. Depuis quelques temps déjà, le parpaing a été remplacé par des murs à ossature bois qui apportent une bonne isolation de la façade. Ceci est complété par un plancher bas en poutrelle hourdis à entrevous polystyrène, une toiture bac acier avec isolant et des menuiseries Aluminium.
Les restaurants Burger King se démarquent par leur stratégie marketing. Avant l’ouverture, les points de vente Burger King sont de véritables vitrines, garantes des valeurs de l’enseigne. Chaque lancement d’un restaurant crée toujours le buzz dans une ville grâce à une communication volontairement provocatrice et drôle.
Les matériaux présents en façade font donc partie intégrante de l’identité visuelle bien connue du public. Nous retrouvons par exemple un enduit projeté sur une grande partie du restaurant complété par du bardage décoratif. A l’intérieur, le type de cloison est adapté à l’usage comme par exemple des cloisons pour locaux humides, des cloisons isothermes pour les chambres froides.
Analyse de Cycle de Vie et impact carbone
Une fois tous les matériaux bien définis et l’étude énergétique réalisée, il a été possible d’effectuer l’analyse de cycle de vie d’un restaurant Burger King.
Dans le cas étudié, le restaurant se situait sur une grande parcelle d’environ 1500 m² avec plus de 800 m² d’espaces verts. Le lot VRD représente donc le lot le plus impactant sur le projet avec un impact carbone majoritaire de l’enrobé du parking. Le lot VRD est ensuite suivi par le lot Façades avec un impact carbone important des menuiseries et ensuite viennent les lots Couverture / Cloisonnement / Revêtements de sol.
Il semblait donc essentiel de réfléchir ensemble à la diminution de l’impact carbone du lot VRD en priorité. Burger King a soumis un plan de parking optimisé en réduisant la largeur des voies de circulation et la profondeur des places de parking. Le linéaire de bordures a été optimisé également et la mise en place de pavés drainants a été étudiée.
En ce qui concerne la façade, l’isolant à base de laine minérale a été remplacé dans l’étude par un isolant Biosourcé composé de fibres de chanvre, coton et lin.
En termes de carbone, la sobriété et l'usage des matériaux sont de mise puisque tout élément ajouté a un impact carbone, ce qui augmente donc le poids carbone global du bâtiment. Il faudra donc, à l’avenir, réfléchir sur la modification de l’aspect extérieur des restaurants. Ce sera l’occasion de donner une nouvelle identité aux restaurant Burger King, le Burger King du futur.
Interview de Charlène Robineau (Chef de projet Environnement chez Kerexpert)
Qu’avez-vous trouvé d’intéressant dans la démarche ? Que retenez-vous ?
Réaliser l’Analyse de Cycle de Vie d’un restaurant Burger King était assez atypique – les matériaux diffèrent grandement de ce que nous retrouvons généralement dans des bâtiments de logements, il était donc intéressant de se pencher sur les fiches produits et de trouver les données environnementales adaptées.
La volonté de Burger King d’avoir recours au bois sur ses nouveaux bâtiments est un progrès, même si les méthodes de calcul ACV actuelles ne permettent pas de valoriser cette démarche d’un point de vue carbone (vivement l’ACV dynamique !). La quantité de matériaux biosourcés permettrait de prétendre à l’atteinte du label Biosourcé Niveau 2. L’impact carbone du lot VRD est considérable, malgré les efforts pour réduire les surfaces d’enrobé bitumineux. Echanger avec Burger King sur des réflexions de nouvelles solutions énergétiques et de matériaux a été très enrichissant.
Des restaurants Burger King encore plus respectueux de l’environnement
Le référentiel E+C- étant un référentiel expérimental, les conclusions de cette étude démontrent qu’il n'est pas forcément adapté à un usage de restauration avec un grand parking extérieur, comme c'est le cas sur les restaurants Burger King.
La future RE2020 intégrera certainement une modulation du poids carbone du lot VRD ce qui permettra d’adapter les objectifs aux différents types de bâtiments tertiaires.
Au niveau énergétique, des solutions existent aujourd’hui afin de réduire les consommations d’eau chaude sanitaire et de chauffage, ce sont celles-ci qui doivent être mises en œuvre pour concevoir des bâtiments moins énergivores.
Cette démarche ne va pas s’arrêter là, Burger King et Kerexpert vont poursuivre ensemble leur réflexion afin de concevoir le restaurant Burger King de demain qui sera encore plus respectueux de l’environnement.
Par Isabelle LANGLAIS – Directrice technique – BET Kerexpert
Source et lien
Isabelle LANGLAIS
Aujourd’hui, Directrice Technique chez Kerexpert, Isabelle Langlais a rejoint le monde du bâtiment il y a plus de 15 ans avec une première expérience enrichissante au sein du groupe Bouygues Bâtiment IDF. L’expérience s’est poursuivie chez Kerexpert, bureau d’études à taille humaine, où les challenges à relever au quotidien ne manquent pas ; notamment la réflexion sur l’amélioration de la performance énergétique et environnementale. Et ce n’est que le début car la RE2020 va nous permettre de concevoir autrement les bâtiments de demain.
Il manque effectivement le sujet des hottes et compensation de hotte...
De l' air chaud rejeté, et de l' air a faire rentré mais que l' on doit réchauffer.
Le puit canadien est il envisageable pour une compensation de hotte ?