Concept global BEPAS & BEPOS pour immeubles de grande hauteur

Par Alain GARNIER - ingénieur et directeur du bureau d’études GARNIER à Reims

Avec la RT 2020, l’échéance pour les Bâtiments à Energie Positive, les BEPOS, n’est que dans 10 ans.
D’ores et déjà, maîtres d’ouvrage et maîtres d’œuvre peuvent concevoir des immeubles de logements à énergie positive afin de créer les premières références qui seront riches d’enseignement.

A ce jour, il n’existe pas d’immeuble de grande hauteur intégrant des systèmes solaires capables de chauffer, de produire de l’eau chaude et de l’électricité. La raison principale est qu’il est difficile de placer des capteurs solaires sur ces immeubles hauts dont la surface en toiture est très limitée par rapport aux surfaces habitables.

Mais alors, quel concept global à énergie positive adopter pour ces immeubles hauts ? Cette chronique apporte des réponses tant conceptuelles que concrètes.

1°/ Exemple de bâtiment de logements grande hauteur

Prenons pour exemple un bâtiment de 17 niveaux dont 16 habitables, comportant 90 logements en duplex de 8 m de largeur, disposés en « U » et dont l’espace situé au milieu correspondra à des atriums superposés en 4 cantonnements d’une hauteur unitaire d’environ 10,8 m.

Leur façade extérieure sera orientée au Nord pour ne pas avoir de problème de surchauffe en été.

Le coefficient de forme d’un tel bâtiment qui aurait dû être de 1,4 repasse à 1 sur le plan des besoins thermiques de chauffage grâce aux atriums qui seront fermés.

2°/ L’atrium : le cœur des logements

Commençons par le traitement de l’atrium, le cœur des logements. L’atrium, sur le plan social, permettra de faire rencontrer les familles autour dans un lieu attrayant et sécuritaire pour les enfants et les personnes âgées. Sur le plan thermique, il constituera un volume tampon intéressant en hiver car il recevra de l’air chaud provenant du solaire passif, il apportera de l’éclairage naturel sur l’arrière des logements et contribuera à produire de l’électricité.

Les séjours des logements seront situés sur les façades périphériques extérieures, les pièces d’eau et de moindre utilisation exigeant moins de lumière seront situées du côté atrium et formeront un barrage au bruit.

L’atrium comportera plus de 50% d’ouverture sur l’extérieur pour ne pas être considéré comme un local habitable mais plutôt comme une place extérieure, capable de recevoir l’air et la lumière nécessaire aux logements contigus.

L’atrium comportera une façade extérieure vitrée constituée de persiennes motorisées en verre trempé (sécurit) de façon à en faire un tampon thermique en hiver et lui garantir une température positive, et la mettre à l’abri des intempéries. En cas d’incendie ou de coupure électrique, ces persiennes motorisées s’ouvriront de façon à évacuer d’éventuelles fumées.

Traitement des surchauffes en été

L’atrium sera équipé de brasseurs d’air plafonniers qui serviront d’anti-stratificateurs.

La toiture de l’atrium le plus haut pourra recevoir des capteurs solaires photovoltaïques transparents lesquels permettront une production d’électricité, une sérigraphie pour limiter le rayonnement solaire en même temps qu’une amenée de lumière naturelle.

Rayonnement solaire en hiver où il n’y aura qu’un besoin de chauffage



Façades Sud / Est - Janvier 8 h     Façades Sud / Est - Janvier 9 h





Façade Sud - Janvier 13 h            Façades Sud / Ouest - Janvier 16 h
A 17 h il fera nuit…

3°/ Pour arriver à chauffer de façon passive un immeuble haut, …

Pour arriver à réaliser des immeubles hauts en BEPOS (≤ 0 kWhep/m²/an), nous devrons traquer le moindre kWh de perte de chaleur en hiver et veiller au confort d’été. Ce ne sera pas facile, même si on connaît bien la climatologie, les déplacements du soleil, la thermique du bâtiment, la thermodynamique et les techniques solaires.



Pour arriver à chauffer de façon passive un immeuble haut, nous aurons recours à de l’air chaud qui circulera de façon naturelle dans la veine d’air de la façade double peau d’étage. Nous n’aurons pas de consommations électriques de ventilateurs.

Cet air chaud circulera intelligemment comme le fait le sang dans les vaisseaux sanguins d ’un corps humain.

Pour obtenir la circulation de l’air chaud, on aura besoin d’un cœur, celui-ci sera obtenu par l’effet moteur obtenu par la cheminée thermique dont la puissance sera fonction de sa température et de la différence de hauteur entre la prise d’air frais côté soleil et la prise de rejet d’air chaud située en haut de l’atrium (côté Nord).






Schéma de principe du chauffage combine : passif + actif

Ce schéma de principe permettra à la fois :

  • Un chauffage solaire passif prioritaire
  • Un chauffage solaire actif d’appoint avec son stockage
  • Un chauffage thermodynamique avec un couplage solaire d’appoint et de secours

Juin 12 h solaire

Protections solaires 

  • Le soleil se heurtera aux balcons et pénètrera à peine dans les logements
  • Les capteurs solaires verticaux ne recevront que très peu de rayonnement solaire, juste à leur pied ce qui leur évitera de monter en température

Décembre 12 h solaire

  • Chauffage solaire passif : le soleil pénètrera amplement, avec un angle de 21°, dans les logements orientés au Sud.
  • Chauffage solaire actif : les capteurs solaires verticaux recevront un maximum de rayonnement solaire en façade Sud.





Décembre 9 h solaire

  • Chauffage solaire passif : le soleil pénètrera amplement, à l’horizontal, dans les logements orientés à l’Est.
  • Chauffage solaire actif : les capteurs solaires verticaux recevront un maximum de rayonnement solaire en façade Est.

4°/ Optimisation énergétique hiver et été



En été, toutes les persiennes vitrées de la façade double peau seront ouvertes afin de désurchauffer les veines d’air, celles en périphérie comme celles de l’atrium.

La fonction de brise-soleil ainsi que celle de désurchauffe sera assurée par l’inclinaison adéquate des registres à lames de verre. Elles seront inclinées automatiquement en fonction de la position du soleil et de la température dans la veine d’air au moyen de moteurs et d’un tracker solaire par façade.

La protection solaire sera réalisée grâce à un effet de réflexion-absorption obtenu par le matériau de la lame. En fonction du type de verre choisi (verre clair, coloré, sérigraphie, film de protection...), on pourra gérer de manière précise et spécifique la transmission de la chaleur et de la lumière.

Registres pour prise d’air frais et brise-soleil MC Mullen Architectural

De part leur inclinaison modifiable, les registres en verre serviront de brise-soleil extérieurs et aussi à permettre l’évacuation de la chaleur de la veine d’air par convection naturelle. En d'autres mots ; en été protection maximale contre la chaleur et en hiver captation de l'énergie solaire passive.

La présence de l'atrium modifiera l'organisation de la ventilation du bâtiment, les mouvements d'air dépendront de la saison et de l'effet recherché.

En hiver :

L'air des veines vitrées sera sensiblement plus chaud que l'air extérieur. La prise d'air sera réalisée sur la façade ensoleillée au moyen des registres motorisés en position d’ouverture.

L’effet thermique entrainera l’air chaud jusque dans l'atrium.

La veine d’air chaud réalisera ainsi un chauffage solaire passif des façades à l’ombre ainsi que de l’atrium.

1. Le matin le soleil réchauffera la façade Est, puis grâce à l’effet thermique la chaleur partira dans la veine d’air au Sud puis à l’Ouest, pour finir dans l’atrium.

2. A midi, le soleil réchauffera la façade Sud, puis grâce à l’effet thermique la chaleur se séparera dans les veines d’air Est et Ouest, pour finir dans l’atrium.

3. Le soir le soleil réchauffera la façade Est, puis grâce à l’effet thermique la chaleur partira dans la veine d’air au Sud puis à l’Ouest, pour finir dans l’atrium.

L'intérêt de cette façade double peau sera renforcé par la présence de chauffage actif. Les capteurs solaires non vitrés - absorbeurs nécessaires au chauffage seront disposés dans les veines d’air pour être à l’abri du vent froid.

  • De jour, ils recevront le rayonnement solaire et fonctionneront en capteur solaire.
  • De nuit, ils fonctionneront en absorbeurs ; ils récupéreront la chaleur restant dans la veine d’air entretenue par l’inertie du mur (isolation intérieure). Si la température de la veine d’air descend et se retrouve face à celle extérieure, les persiennes vitrées seront ouvertes.

L’air chaud piégé dans la veine d’air de la façade double peau de la façade ensoleillée (Est, Sud, Ouest suivant les heures) se dirigera de façon naturelle vers l’atrium plus froid (Nord). Cet air chaud diminuera au passage les déperditions des surfaces extérieures des logements en contact.



Doc. BET A. Garnier



Rayonnement solaire en été où il n’y aura qu’un besoin de rafraîchissement


Façade Nord - Juin 13 h                                Façades Sud - Juin 13 h

Les masques intégrés au bâtiment tel que les balcons, serviront de pare soleil, ils permettront de limiter la surchauffe des logements ainsi que des capteurs solaires destinés au chauffage.
Les lamelles en verre feuilleté des façades Est, Sud et Ouest seront ouvertes et leur inclinaison permettra de réfléchir le rayonnement solaire.








Ombres portées sur les façades par les masques intégrés en été à 12 h solaire

Sur le bâtiment ci-dessus, les parties en rouge représentent les capteurs non vitrés - absorbeurs - dissipateurs (qui en fait sont de couleur noir anthracite) destinés au chauffage percevant le soleil. Ceux en bleu pourraient servir de dissipateur au cas- ù il y aurait une température excessive à l’intérieur de ceux-ci ; ce qui arrivera rarement puisque ce type de capteur n’excède généralement pas 70°C.

On voit que les capteurs sur la façade exposée au soleil sont bien protégés du rayonnement de façon à ne pas récupérer trop de chaleur ; de plus, les registres vitrés de la veine d’air seront inclinés en position pare soleil.

Les façades à l’ombre devraient, si la température dans les veines d’air est excessive,  avoir leurs registres vitrés inclinés en position d’ouverture pour dissiper la chaleur.

Le peu de rayonnement solaire qui pénétrera, permettra de maintenir une lumière naturelle agréable sans éblouissement.



Pénétration de la lumière sur l’un des plateaux en été à 12 h solaire (écorché)

La présence de l'atrium modifie l'organisation de la ventilation du bâtiment. Les mouvements d'air dépendront de la saison et de l'effet recherché.

1. En hiver, l'air de l'atrium sera sensiblement plus chaud que l'air extérieur.

2. En période ensoleillée, l'atrium collecte la chaleur venant des façades double peau en le réchauffant et en diminuant les déperditions des logements proches. Une économie d'énergie importante aura lieu.

Le principe de fonctionnement du chauffage solaire actif

Les installations collectives

Nous devons réaliser le chauffage et la production d’eau chaude en utilisant au maximum les énergies renouvelables et nous devons également tenir compte que nous sommes dans le cas d’immeubles hauts avec peu de surface de toiture.

5°) Deux solutions solaires possibles

Au départ, nous aurons deux choix possibles :

  • Soit de réaliser une installation solaire combinée
    On ne trouve que quelques dizaines d'installations en France pour différentes raisons :
    - Plus grande complexité que les installations solaires réservées à la production d'eau chaude sanitaire.
    - Cette cible n'est pas prise en compte dans le plan Soleil. L'absence de subventions nationales, même si quelques régions aident au cas par cas, rend la rentabilité de tels projets aléatoires, d'autant plus qu'en collectif, les prix des énergies substituées sont généralement plus bas qu'en individuel.

Notre performance ne dépasserait pas 200 kWh/m² ce qui serait faible au regard de la complexité et du coût de travaux.

  • Soit de réaliser deux installations solaires séparées : chauffage et production d’eau chaude sanitaire

Ce choix impliquera d’être vigilant sur la désurchauffe en été de l’installation solaire destinée au chauffage.

Nous choisirons la seconde solution consistant à réaliser deux installations solaires séparées (chauffage et production d’eau chaude sanitaire).

Pour les raisons suivantes :

  • Le peu de surface de la toiture terrasse ne nous permet pas d’installer le nombre de capteurs solaire qu’il nous faudrait.
  • Avec deux installations séparées, nous pourrons plus facilement mettre en œuvre un système de désurchauffe des capteurs solaires destinés au chauffage.
  • L’installation sera moins complexe du point de vue de sa régulation.
  • Le rendement solaire sera meilleur en production d’eau chaude comme en chauffage, car nous pourrons mettre en œuvre des capteurs de type différent et correspondant mieux aux gradients de température en présence.

Choix de systèmes :

  • Chauffage solaire actif : couplage solaire et pompes à chaleur

    - Des capteurs solaires non vitrés – absorbeurs seront installés verticalement devant les trumeaux, dans les veines d’air de la façade double peau. Ceux-ci seront couplés à une pompe à chaleur (machines à absorption gaz de type eau - eau).

    - Des échangeurs de chaleur seront installés afin de réaliser une disconnection hydraulique des circuits de chauffage. Ils permettront d’avoir un maximum de 3 bars dans chaque circuit (pression d’épreuve 4,5 b et PN 6). Ces échangeurs auront un pincement de 2K de façon à ne pas trop dégrader le rendement thermique global et seront installés dans les sous-stations des cantonnements.

  • Production d’eau chaude solaire : préchauffage solaire + appoint ou secours par couplage solaire et pompes à chaleur

    - Des capteurs solaires plans vitrés seront installés en toiture terrasse et seront raccordés à des stockages d’eau chaude situés dans les sous-stations des cantonnements.

    - Des échangeurs de chaleur destinés au préchauffage pour la disconnection hydraulique des circuits d’eau chaude sanitaire seront également installés. Ils permettront d’avoir un minimum de 2 bars sur les points de puisage les plus haut. Ces échangeurs auront un pincement de 2K de façon à ne pas trop dégrader le rendement global et seront installés dans les sous-stations des cantonnements.

Le schéma de principe sera conçu de telle sorte :

  • Que le solaire actif soit prioritaire par rapport à la chaufferie.
  • Que les capteurs solaires puissent se convertir en dissipateurs de chaleur en été pour refroidir ceux exposés au soleil qui risqueraient d’être détruits.
  • Que l’on puisse utiliser de l’eau pure dans les circuits afin d’éviter un coût supplémentaire dû au glycol et une baisse de rendement.
  • Que l’on puisse recueillir gravitairement toute l’eau pure.

Régulation des zones sur un même plateau

Le rafraîchissement

Bien souvent, le free cooling par rafraîchissement nocturne du plancher collaborant permettra de pouvoir passer les pics de température.
Si pendant plusieurs jours de suite il y a un fort ensoleillement et que la chaleur résiduelle arrive à s’accumuler en créant des surchauffes dans certains logements, il faudra envisager un rafraîchissement naturel plus poussé au moyen d’un système combiné : aéroréfrigérant adiabatique + plancher rafraîchissant mince (free chilling + slab cooling).

Un aéroréfrigérant adiabatique correspond à une tour de refroidissement hybride (sec + adiabatique) qui réalise un refroidissement évaporatif par voie humide. L’appoint en eau de l’aéroréfrigérant adiabatique ne se fera qu’aux moments des pics de température; la plupart du temps il fonctionnera à sec, il utilisera de préférence de l’eau de pluie stockée dans une citerne enterrée ou de l’eau de surface pompée dans un lac ou une nappe d’eau.



Doc. BET A. Garnier – Aéroréfrigérant adiabatique fonctionnant en free chilling






Doc. BET A. Garnier – Plancher rafraîchissant mince (slab cooling)

Free chilling : utilisation de sources froides pour la rejection de chaleur, comme les aéroréfrigérants adiabatiques (refroidissement surtout de nuit quand la température humide extérieur décroit avec l’écart diurne), ou de sondes géothermiques (refroidissement jour et nuit).
Slab cooling : rafraîchissement par rayonnement au moyen d’un plancher ou d’un plafond.

Ce rafraîchissement consistera à intégrer des tuyauteries disposées en escargot dans les chapes minces de chaque niveau, de l'eau froide provenant de l’aéroréfrigérant adiabatique circulera à l’intérieur. Si le bilan thermique le permet et pour rester économe en énergie, la chaleur accumulée en journée ne sera déchargée que la nuit- ù l’on pourra plus facilement refroidir l’eau grâce à l’écart diurne.

Si les tubes du plancher mince (sur plancher collaborant, isolé en dessous) sont parcourus par de l'eau à 16/20°C et si l'ambiance se trouve à 26°C, la température de surface avoisinera les 20,6°C. Le plancher émettra environ 35 Wf/m² vers le haut et 12 Wf/m² vers le bas, soit une puissance totale de refroidissement de 57 Wf/m².



Résultat obtenu dans des bureaux à Stuttgart fonctionnant en free chilling

  • Gris : température extérieure (avec des pointes dépassant 35°C)
  • Vert : température intérieure (avec un maximum de 26°C)
  • Rose : température du point de rosée de l'ambiance

Alain Garnier
Alain Garnier est ingénieur et directeur du bureau d’études GARNIER 120 rue Gambetta à Reims – Lauréat du premier prix de l’Eco-Efficacité catégorie « concepteurs » en 2009 récompense remise lors de l’UCE (Université du confort et de l'eau) de ICO à Lille.
www.be-garnier.fr

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Commentaires

  • hamli
    0
    03/04/2012

    J'aime bien cette chronique et bien noté les avantages et dispositions de l'atrium. J'aurais aimé en savoir plus sur les atriums, ....


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