Par Philippe NUNES - Ingénieur ENSAIS-ICG
La maison basse consommation est-elle rentable ? Oui, si l’on considère l’investissement du bâti de ses équipements techniques et les frais d’exploitation sur 30 ans. Le coût total capitalisé est ainsi inférieur à une construction neuve répondant à la réglementation actuelle.
1 - Habitat basse consommation : une philosophie ou une nécessité ?
Les deux. Réduire à un strict minimum les besoins de chauffage et d’énergie de la maison est une nécessité économique pour chacun et écologique pour la planète. Concevoir un habitat où les pertes thermiques sont minimisées, où les gains sont maximisés et où chaque équipements intègre ces deux données de performance énergétique est une philosophie qui doit changer le comportement du concepteur architecte et ingénieur et de l’acheteur utilisateur qu’est l’occupant de la maison.L’habitat basse consommation, que cela soit dans le neuf ou dans l’existant, est la seule voie pour réduire conséquemment nos émissions de gaz à effet de serre à échéance de 2050 (facteur 4). Effectivement, cela parait loin et proche en même temps !
D’un autre côté, soyons conscient que le législateur a tout prévu. La maison basse consommation sera la référence dans la prochaine réglementation thermique RT 2012, normalement applicable dès le 1er janvier 2013.
2 - Pas de basse consommation sans une très bonne isolation thermique, et une bonne étanchéité à l’air.
Une maison neuve consommant moins de 50 kWh(ep)/m² et par an est une maison à très faibles besoins énergétiques, et qui répond au niveau de performance BBC (Bâtiment Basse Consommation). Dans l’existant, l'objectif de consommation maximale en énergie primaire est fixé à 80 kWh(ep)/m²/an. En France, le label BBC-Effinergie cadre le référentiel BBC aussi bien dans le neuf que dans l’existant. (ep) : énergie primaire provenant des consommations de chauffage, de climatisation éventuelle, de ventilation, d’auxiliaires (pompes/ventilateur/VMC), de production d’eau chaude sanitaire et d’éclairage de la maison.
Dans le domaine de l’isolation thermique, des choix différents et plus conséquents doivent désormais être mis en place : préférez si possible, surtout dans le neuf, une isolation par l’extérieur qui a l’avantage d’éliminer la plupart des ponts thermiques. Pour une isolation intérieure, un doublage de 20 cm de laine de verre est un minimum. Quand, initialement, nous pensions 5 cm de polyuréthane pour isoler le plancher du vide-sanitaire, il faudra désormais mettre en œuvre une épaisseur de 8 cm, …, poser du double vitrage à isolation thermique renforcé (ITR), et 30 cm d’isolant laine de verre par exemple dans les combles.
De plus, chose inhabituelle, il sera nécessaire de limiter toutes les infiltrations d’air parasites dans les joints entre ouvrages, au passage de fourreaux divers, … pour répondre au test de perméabilité limitant à 0,6 m³/h par m² (seuil du label BBC).
3 - Les équipements techniques n’en seront pas moins performants.
La ventilation, essentielle à une bonne qualité d’air, si elle n’est pas de type hygroréglable B, sera à double-flux avec récupérateur (rendement supérieur à 75%) et dotée de ventilateur à faible consommation électrique. Le système de chauffage et de production d’eau chaude sanitaire doit être sélectionné dans le même axe, pour ne pas dire la même philosophie, que l’isolation et la perméabilité du bâti. Soit une efficacité énergétique maximum avec une sélection à sa juste puissance - car des équipements sur-dimensionnés sur-consomment inutilement hormis leur coût plus élevé.
Les chaudières gaz condensation avec un complément solaire thermique pour l’eau chaude sanitaire, les chaudières bois granulés, les pompes à chaleur géothermiques ou simplement aérothermales sont des procédés adaptés à la basse consommation, auxquels il faut associer des émetteurs performants de type panneaux rayonnants, radiateurs basse température, plancher chauffant, …
Pour la gestion d’énergie et la chasse au moindre gaspillage de « kWh », un système intelligent ou domotique doit s’assurer des réductions de températures et de l’extinction de l' éclairage en période d’inoccupation.
4 - Avec toute cette sophistication, la maison BBC n’est-elle pas plus chère à long terme ? Soyons honnête, quel est son coût ou son surcoût ?
Par rapport à une construction neuve (répondant à l’actuelle réglementation RT2005), une maison basse consommation est plus chère de 13% environ. Cela concerne le coût d’investissement de construction, le foncier étant identique.
Signalons que ce surcoût est amoindri par les différentes aides et non des moindres :
- La possibilité d’utiliser le prêt « PTZ vert » avantage supplémentaire du prêt à taux zéro attribué aux opérations BBC. De plus, la déduction des intérêts d’emprunts est étendue de 5 à 7 ans.
- L’exonération possible sur 5 ans de 50% à 100% de la taxe foncière (sur autorisation locale).
Citons également pour une maison ou un lotissement BBC, l’aspect financier avantageux permettant le dépassement de COS (coefficient d’occupation des sols) pour tous les labels «Très haute performance énergétique Energies renouvelables et pompes à chaleur, THPE EnR 2005 » ou label « Bâtiment basse consommation, BBC 2005 » définis par l'arrêté du 3 mai 2007.
Voici donc les points de repères qui fixeront les poids et avantages financiers
- Surcoût d’une maison BBC entre 150 €/m² et 180 €/m² (valeur 2009)
- Une facture de chauffage et d’énergie divisée par 4 ou 5
- Un terrain moins cher si l’on intègre l’avantage d’un COS plus important
- Fidélité accrue des futurs locataires du fait de charges d’énergie 4 à 5 fois moins chères qu’une maison neuve standard
- Une valeur de revente plus forte de l’ordre de 12% (comparaison avec les réalisations Minergie, label Suisse pour maison basse consommation)
5 - Exemple de calcul économique : maison neuve basse conso de 100 m²
Cas d’une maison neuve en Bretagne pour un couple avec deux enfants en première accession.
OPERATION |
RT 2005 Elec |
BBC |
Maison |
127 800 € |
145 600 € |
Terrain |
40 000 € |
40 000 € |
Coût de l'opération |
167 800 € |
185 600 € |
Financement |
||
PTZ (Prêt à taux zéro) |
43 000 € |
43 000 € |
PTZ (majoration) |
20 000 € |
|
Prêt PAS (Prêt Accession Sociale) |
124 800 € |
122 600 € |
Mensualité |
965 € |
1 018 € |
Consommation sur 12 mois |
||
Chauffage |
577 € |
80 € |
Eau chaude sanitaire |
195 € |
85 € |
Total |
772 € |
165 € |
Consommation mensuelle |
64 € |
14 € |
Déduction des intérêts d'emprunts |
20 % (5 ans) |
40 % (7 ans) |
Montant |
7 435 € |
16 487 € |
Déduction mensuelle pendant 7 ans |
- 88,51 € |
- 196,27 € |
Mensualité: les 7 premières années |
941 € |
835 € |
Mensualité au-delà de 7 ans |
1 029 € |
1 032 € |
Coût total sur la durée du prêt de 25 ans |
941 x 7 + 1029 x 18 = |
835 x 7 + 1032 x 18 = |
|
équivalent |
En résumé …
La réalisation d’une maison basse consommation BBC est sur la durée plus économique qu’une maison neuve, et n’occasionne pas de surcoût notoire. La rentabilité est atteinte du fait que le niveau de performance BBC est aujourd’hui aidé par l’Etat par le biais d’aides et avantages (prêt à taux zéro, crédit d’impôt complémentaire sur équipement ENR, …). Dans le neuf la « basse consommation » est un objectif qui se mettra en place plus facilement que dans la rénovation, où les solutions au niveau du bâti seront plus difficiles à mettre en œuvre, notamment pour l’isolation thermique, l’élimination des ponts thermiques, et la diminution des débits d’infiltration.
Philippe NUNES
Ingénieur ENSAIS-ICG et Directeur Général d’XPAIR, il intervient en apportant son éclairage et son expérience de plus de 20 ans dans les métiers du génie climatique et énergétique
→ SOURCES & LIENS