Par Philippe Nunes – Ingénieur ENSAIS-ICG – DG d’Xpair et Directeur d’EnerJ-meeting
La Loi AGEC (loi pour la lutte Anti-Gaspillage et Economie Circulaire), l’intégration du facteur "carbone" dans la réglementation environnementale RE 2020, la prise de conscience de l'importance des enjeux sanitaires avec la crise Covid 19, nous obligent à repenser l’enjeu santé dans le bâtiment, les logements, les bureaux et autres lieux de commerces et d’activité.
L’enquête 2021 sur les enjeux de la santé dans le bâtiment.
En partenariat avec le Conseil National de l’Ordre des Architectes, avec le soutien de l’ADEME et du Service Architecture du ministère de la Culture, Bâtiment Santé Plus a commandé à l’ENSAI Junior Consultant (Ecole Nationale de la Statistiques et de l’Analyse de l’information) une large enquête sur les enjeux de la santé dans le bâtiment.
Voici les résultats très signifiants de l’enquête menée au printemps 2021sous forme de batterie de questions fermées, toutes en phase avec l’actualité et avec la réalité du bâtiment aujourd’hui ; enquête qui a permis de dégager les grandes tendances du moment sur les enjeux de la santé dans le bâtiment.
Quelle place accorde-t-on à la santé dans ce qui est bâti et dans ce qui se construit ? Qu’en disent leurs acteurs ? L’enquête révèle des failles, tout en notant des progrès sensibles … La voici :
La prise de conscience de l'importance de la santé s'accélère chez tous les protagonistes de l'acte de bâtir
L’intégration de la santé dans les projets et la conception des produits est la préoccupation prioritaire pour 55 % de toutes les catégories d’acteurs à l’exception des maîtres d’ouvrage/investisseurs/foncières.
En conséquence : il reste encore à convaincre de l’impact et de l’importance du bâti sur la santé des usagers.
Cette préoccupation sanitaire a débuté avant 2000 pour 25 % d’entre eux et s’accélère puisque 41 % des participants intègrent, depuis 2015, l’aspect santé dans tous leurs projets.
En conséquence : demain, la santé ne sera plus un élément de programme, mais une composante intrinsèque de la construction et de la rénovation.
Dans le bâtiment, les quatre critères sanitaires principaux retenus par la globalité des participants sont, de très loin :
- La qualité de l’air intérieur pour 86,3 % d’entre eux.
- Ensuite, l'orientation, ensoleillement, lumière (65,6 %) et le confort thermique (65 %) sont classés presque ex-aequo en deuxième position.
- Suivis de l’acoustique (39,4 %).
- Pour 82,5 % des architectes l'orientation, ensoleillement, lumière est le premier facteur pris en compte et placent l’accès à un espace extérieur et à la nature en quatrième position avant l’acoustique.
En conséquence : l'architecture est le jeu savant, correct et magnifique des volumes assemblés sous la lumière », et, si la qualité de l’air est primordiale, ce sont bien tous les sens qui participent de la santé et de la qualité de vie d’un espace.
Un effet bénéfique et inattendu de la crise sanitaire
La crise sanitaire née de la pandémie de COVID-19 a modifié la prise en compte de la santé dans le bâtiment. Près de 40 % des acteurs du bâtiment s’en disent convaincus.« L’effet COVID » concerne surtout 67,7 % des maîtres d’ouvrage, investisseurs et foncières, mais seulement 15,8 % des entreprises de construction, installation et maintenance.
En conséquence : qu’attendons-nous pour adapter nos bâtiments au risque épidémique ?
La qualité de l’air intérieur, avec une plus grande attention au renouvellement d’air par l’aération et la ventilation, est très fortement mise en avant dans les réponses spontanées des participants. Ensuite, la conception des bâtiments (logements et tertiaires) doit s’adapter aux nouveaux usages, dont le télétravail, doit limiter le risque de grande promiscuité et offrir des espaces extérieurs.
En conséquence : qu’attendons-nous pour adapter nos bâtiments aux nouveaux modes de travail ?
Parmi les solutions de réduction de la transmission aérienne des infections contagieuses dans les bâtiments, l’ensemble des répondants classe, en premier, l’aération par les ouvrants, ensuite la ventilation mécanique puis la filtration de l’air. L’épuration et le recyclage de l’air sont les derniers moyens retenus par tous les acteurs.
En conséquence : l’intelligence de conception, avec des solutions Low-Tech, simples d’usage et d’entretien, permet souvent de répondre aux problématiques rencontrées.
Problème : certains acteurs clés de nos métiers ne sont pas assez informés ou formés aux enjeux sanitaires du bâtiment
Si 66 % des architectes et 73 % des bureaux d'études environnementales qui ont participé à l'enquête sont formés aux impacts sanitaires du bâtiment, la maîtrise d'ouvrage publique
et privée qui définit les objectifs d'un projet l'est beaucoup moins avec seulement 48 % de sensibilisation à la prise en compte de la santé dans les bâtiments.
En conséquence : nous devons œuvrer à cette montée en compétence des maîtres d’ouvrages, par nos recherches, nos communications, grâce aux Défis Bâtiment Santé (voir inscription plus bas) et, s’il le faut, par la norme et le règlement !
C'est principalement la formation continue qui a permis à 38 % des participants d'intégrer la santé dans leurs démarches.
En conséquence : nous devons amplifier le mouvement, en investissant les formations de la maîtrise d’ouvrage et en sensibilisant les pouvoirs publics.
L'économie circulaire : pour l'intégrer dans le bâtiment il y a d'abord un grand besoin d'information
Parmi les familles de matériaux, les biosourcés sont actuellement les plus utilisés dans les projets par 62,5 % des répondants, tout particulièrement par les architectes (71,9 %) et les bureaux d’études environnementales (70,6 %).
En conséquence : la prescription et la mise en œuvre des matériaux biosourcés doit tenir compte de toutes leurs caractéristiques et éviter les a priori sanitaires.
Les matériaux éco-conçus et issus du recyclage concernent un peu plus de 40 % de la globalité des acteurs. Les fabricants et distributeurs de produits de construction et d’aménagement
intérieur (62 %) sont les plus impliqués. 62 % des participants savent qu’un produit qui intègre une fraction de matière recyclée est soumis aux mêmes obligations réglementaires de qualité sanitaire qu’un produit neuf.
En conséquence : l’intégration de matières premières secondaires doit croiser les avantages environnementaux et sanitaires.
Le réemploi et la réutilisation sont trois fois moins utilisés que les matériaux biosourcés. Il est à noter que 18,4 % des répondants ne sont concernés par aucun de ces matériaux.
En conséquence : le réemploi est pour l’instant une démarche militante plus qu’une solution constructive généralisable. Il faut inventer le cadre économique et réglementaire pour en permettre le développement.
Concernant les critères d'utilisation des produits de réemploi, l'absence de substances dangereuses n'est que le troisième pour 55 % des participants alors que les bénéfices environnementaux sont le premier critère pour 76,5 % d'entre eux.
En conséquence : en raison de l’épuisement des ressources, la transformation va remplacer la construction. Nous avons besoin de concevoir en pensant au réemploi, grâce à l’utilisation de matériaux sains et à la traçabilité de leur composition.
L'information sur les bénéfices conjoints environnementaux et sanitaires des matériaux d'économie circulaire dans le bâtiment est peu précise : 52,2 % seulement de la totalité des répondants savent que « un matériau bon pour l’environnement » n’est pas systématiquement synonyme de « bon pour la santé ».
En conséquence : la végétalisation est nécessaire pour la biodiversité et la lutte contre le réchauffement climatique mais elle doit éviter d’augmenter le risque d’allergie. Il en est de même de matériaux de construction dit naturels qui peuvent avoir des effets sanitaires. Il faut donc poursuivre la sensibilisation du public, et la montée en compétence des concepteurs pour une maîtrise de tous les paramètres de l’écologie et de la santé.
93 % des acteurs du bâtiment interrogés ont un besoin d'informations sanitaires sur les différentes familles de produits de réemploi.
En conséquence : l’usage du réemploi est déjà important en travaux publics (TP). Le développer en bâtiment reste complexe. Il faudrait développer des informations par typologie de produits et matériaux pour pouvoir les mettre en œuvre sans risque sanitaire et assurantiel.
Allez plus loin ? Poursuivre le débat ? DEFIS BATIMENT SANTE, C’est le 6 juillet 2021 à Paris, inscrivez-vous !
- Et si le juste équilibre entre circularité et santé était au cœur de la relance et du bâtiment de demain ?
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Par Philippe Nunes – Ingénieur ENSAIS-ICG – DG d’Xpair et Directeur d’EnerJ-meeting
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