Par Alliance HQE – GBC France
La RE2020 impose l’utilisation de la méthode d’Analyse du Cycle de Vie (ACV). L’ACV est une méthode multicritère et multi-étapes qui doit fournir aux parties prenantes d’un projet de construction ou de rénovation toutes les informations dont elles ont besoin pour faire les meilleurs choix possibles en fonction des enjeux environnementaux, et ce sans oublier la qualité technique, le confort, le coût, ou encore la durabilité attendus pour l’ouvrage.
Rédigé en collaboration avec de nombreux acteurs du secteur du bâtiment, ce guide a pour objectif de rendre intelligible par tous l’Analyse du Cycle de Vie (ACV), nouvel outil majeur dans l’évaluation de la performance environnementale de nos bâtiment, et se veut avant tout accessible et didactique.
Elaboré par l’Alliance HQE-GBC, ce « Guide sur la richesse de l’ACV » est destiné principalement à accompagner les maîtres d’ouvrage et les maîtres d’œuvre.
Cette chronique cible principalement l’intégration de l’ACV dans est appels d’offre, l’objet - au-delà d’être didactique est d’être utile de permettre d’accompagner le maitre d’ouvrage dans ses décisions environnementales.
L’ACV, un outil incontournable de l’évaluation environnementale pour les appels d’offres
Les enjeux environnementaux sont nombreux et il est possible de se retrouver sans savoir par ou commencer. Si elle est bien intégrée dans l’appel d’offre, l’ACV permet d’accompagner le maitre d’ouvrage dans ses décisions environnementales.
Figurant parmi la liste des critères d’attribution de l’article R 2152-7 du code de la commande publique (CCP), l’analyse en cycle de vie a encore été très peu été expérimentée dans les appels d’offres des 130 000 acheteurs publics de France. Faute de méthodologie approuvée, la sécurité juridique du processus d’achat reste le principal frein à travers le nécessaire respect des principes fondamentaux de la commande publique.
L’ACV suscite de nombreuses interrogations des acheteurs publics mais surtout d’attentes en termes de méthodologies adaptées pour concilier les sphères juridiques, économiques et environnementales d’un projet et tendre vers davantage de neutralité carbone. En vertu de l’article 36 de la loi Climat et Résilience entrée en vigueur en août 2021, l’Etat français s’est engagé à mettre à disposition des outils opérationnels de définition et d’analyse du coût du cycle de vie pour les principaux segments d’achat.
Rendue obligatoire depuis début 2022 par la mise en application de la RE2020 afin de calculer les émissions des GES tout au long du cycle de vie d’un bâtiment, l’ACV est appelée à devenir un outil incontournable de l’évaluation environnementale. Nous allons donc voir ici comment elle peut être intégrée aux projets de construction ou de rénovation.
Bien faire mes choix constructifs
Dans un projet de construction ou de rénovation, le choix des produits s’appuie sur de nombreux critères. Il dépend avant tout des contraintes règlementaires, territoriales, physiques, urbanistiques, et des objectifs de la maitrise d’ouvrage (MOA). Ensuite, lorsque tous ces éléments ont été pris en compte, les indicateurs environnementaux peuvent aussi influencer le choix du produit. Pour ces raisons, la comparaison de produits de construction n’est pas toujours pertinente à l’échelle des produits. Ainsi si on s’en réfère aux normes, la comparaison des performances environnementales de produit peut se faire si « toutes choses sont égales par ailleurs». Les choix constructifs doivent donc se faire en fonction des objectifs du bâtiment, de son contexte et des performances attendues. C’est seulement à ce moment-là qu’on peut discriminer des matériaux remplissant tous les critères en fonction de leur performance environnementale.
Cette comparaison se fait à l’aide des déclarations environnementales (EPD), régies par la norme EN 15804. Celles-ci peuvent-être de plusieurs types :
- Les données spécifiques collectives ou individuelles : Les Fiches de Déclaration Environnementale et Sanitaire pour les produits de construction les Profil Environnemental Produit pour les équipements du bâtiment ;
- Les données par défaut : les DED fournies par le ministère en charge de la construction en l’absence de données spécifiques. Afin d’obtenir un résultat précis, il faut privilégier les données spécifiques et individuelles. Ces données sont disponibles en ligne sur le site de la base de données INIES.
Qui, Quand, Comment ?
1) PRO : Programmation
Phase d’appel d’offre. La MOA définit les besoins de son projet avec l’AMO le cas échéant, ce qui permet d’acter les grands choix constructifs. Elle rédige son cahier des charges
Les actions à mettre en place pour l’ACV
1. Définir les enjeux environnementaux prioritaires de son projet.
2. Décliner les enjeux sélectionnés en prescriptions claires et quantifiées (choisir un jeu d’indicateurs traduisant ces prescriptions).
3. Définir la méthode pour choisir la MOE (format et contenu des documents nécessaires pour réaliser l’ACV esquisse, méthode de réalisation de l’ACV, pondération attribuée à l’ACV dans l’appel d’offre).
4. Etablir un tableau de bord spécifique pour le suivi des critères environnementaux dès le début de l’opération.
2) ESQ : Esquisse
Premiers plans réalisés par l’architecte et donc premiers choix constructifs impactant la performance environnementale
Les actions à mettre en place pour l’ACV
1. Choix des principes constructifs en prenant en compteles résultats d’une ACV partielle
Appel d’offres : Choix de la MOE
Les actions à mettre en place pour l’ACV
1. Choix de la MOE en tenant compte des résultats des ACV présentées
3) AVP : APS & APD - Avant-projet
La MOA et l’AMO travaillent l’évaluation du projet en collaboration avec la MOE
Les actions à mettre en place pour l’ACV
1. Déclinaison de la proposition avec plusieurs pistes d’amélioration
2. Réévaluation de ces nouvelles propositions en réajustant les objectifs environnementaux
3. Choix définitif du mode constructif
4) PC : Permis de construire
La MOA dépose sa demande de permis de construire en respectant les seuils de la réglementation en vigueur
Les actions à mettre en place pour l’ACV
1. La MOA s’engage sur les niveaux de performance carbone qu’elle doit atteindre dans son projet.
5) PRO : Projet
La MOA et l’AMO travaillent l’évaluation du projet en collaboration avec la MOE
Les actions à mettre en place pour l’ACV
1. Affinage du tableau de bord de suivi des enjeux environnementaux. Réajuster les objectifs en fonction des choix constructifs.
2. Réalisation d’une grille de notation de la prise en compte des critères environnementaux par les entreprises.
Conclure une ACV et atteindre les objectifs
6) ACT : Assistance au maître d’ouvrage pour la passation des Contrats de Travaux
La MOA, l’AMO et la MOE procèdent au choix des entreprises
Les actions à mettre en place pour l’ACV
1. Analyse des offres des entreprises par rapport aux enjeux environnementaux définis dans le tableau de bord sur d’éventuelles variantes proposées
7) VISA : Visa des études d’exécution
La MOA, l’AMO et la MOE valident des fiches techniques et des choix exacts des produits
Les actions à mettre en place pour l’ACV
1. Evaluation du projet actualisé en utilisant le plus possible des FDES et PEP individuels
8) AOR : Assistance lors des opérations de réception
Remise du bâtiment à la MOA
Les actions à mettre en place pour l’ACV
1. Prise en compte des ajustements opérés tout au long de la phase de réalisation pour assurer une bonne traçabilité (variation des métrés, changement de produit ou équipement, etc.)
2. Evaluation finale en fonction de ces ajustements
3. L’ACV ainsi réalisée constitue la photographie du bâtiment construit
4. Information aux utilisateurs
Les méthodes multicritères d’évaluation de l’ACV dans les appels d’offres
Afin de bien intégrer l’ACV dans un projet de construction ou de rénovation, il est nécessaire de l’implémenter dès le départ en définissant clairement ses objectifs et les enjeux environnementaux principaux du projet. Ces enjeux environnementaux peuvent être déclinés en prescriptions concrètes et quantifiées afin de faciliter l’identification et la sélection d‘un jeu d’indicateurs pertinents.
Il faut ensuite définir le format et le contenu des documents que les répondants à l’appel d’offre devront fournir.
Avec ces données, le maître d’ouvrage est désormais en capacité de réaliser l’ACV d’une proposition de projet et de la comparer avec les autres. Il existe, pour cette étape d’évaluation, plusieurs méthodes.
Représentation radar de 5 propositions de projet évaluées sur 12 indicateurs
La méthode radar
La méthode radar est une méthode de représentation d’une analyse multicritère. Elle figure sur un même graphique tous les indicateurs sélectionnés. Après avoir calculé pour chaque scénario la valeur des indicateurs considérés, les résultats d’ACV des différentes propositions sont représentés sur un même graphique dont les branches correspondent aux indicateurs environnementaux sélectionnés.
Plus un point est éloigné du centre, plus l’impact du projet correspondant sur cet indicateur est important. Cette méthode offre une bonne visualisation générale des impacts d’un projet et permet aussi de comparer rapidement deux scénarios de projet. Ce type de graphique devient plus compliqué à analyser lorsque le nombre de variantes augmente. Le graphique n’attribue pas de notes aux différentes propositions, le choix du meilleur projet dépend de l’interprétation du maitre d’ouvrage.
Méthode radar pondérée
Cette méthode propose une comparaison à l’échelle des produits et équipements. Cette comparaison est réalisée à l’aide d’une pondération des impacts choisis permettant d’obtenir une note absolue ou relative.
Par exemple, si 4 impacts sont sélectionnés, on attribuera à chacun un pourcentage permettant au total d’arriver à 100% (exemple : changement climatique (50%), déchets (20%), énergie (20%) et eau (10%)) multipliés par la valeur de chaque impact permettant d’obtenir la note ACV finale pour chaque produit, utilisable pour leur comparaison. Cette note pourra être un élément de négociation lors d’un marché privé ou sera une fraction de la note globale lors d’un marché public.
Caractéristiques de la méthode
→ Bonne lisibilité des impacts d’un projet
→ Facilité de comparaison entre les projets
→ Possibilité d’accéder aux notes de chaque indicateur
→ Pas de pondération des indicateurs
→ Perte de lisibilité quand le nombre des scénarios augmente
La méthode radar pondérée
Les méthodes multicritères d’évaluation de l’ACV dans les appels d’offres
Méthode d'évaluation par notation absolue ou relative
La présente méthode a pour objectif de définir un critère de notation des offres basé sur l’ACV. Ce critère prend la forme d’une note sur 10, et se calcule de la manière suivante.
Pour chaque indicateur, l’offre ayant la plus faible valeur d’impact reçoit la note de 10 pour cet indicateur. Les autres projets reçoivent une note selon la formule suivante :
Une fois les notes calculées pour tous les indicateurs, on les ajoute toutes multipliées par leur coefficient de pondération pour créer une note globale.
Le projet ayant alors la note globale la plus haute se voit attribuer la note finale de 10. Les autres projets reçoivent une note finale selon la formule suivante :
Cette méthode de notation peut aussi se décliner avec un référentiel absolu. Dans ce cas, la note des projets est calculée par rapport à la note d’un référentiel extérieur. On peut par exemple utiliser un bâtiment vertueux existant pour définir les notes maximales.
Caractéristiques de la méthode
→ Note finale globale pour chaque offre
→ Notes pour chaque indicateur
→ Possibilité de pondérer les indicateurs
→ Pas de hiérarchisation entre les indicateurs
→ Méthode peu visuelle
Retour d'expérience suite à la mise en oeuvre d'une ACV par le bailleur social Lille Métropole Habitat
Pionniers, le bailleur social Lille Métropole Habitat (LMH) et le CD2E ont développé la méthode d’évaluation par notation relative sur la base d’une ACV multicritère pour une opération de construction de logements sociaux. Développée initialement avec Romain Vermaut, alors chargé de transition énergétique et innovation à LMH, cette méthode sera aussi expérimentée dans les marchés publics de la CARSAT Hauts‑de‑France.
Témoignages
« Les prochaines étapes consisteront à consolider la méthode développée en prenant davantage en compte l’impact économique du recours à l’ACV dans les appels d’offres, ainsi qu’en développant des clauses sanctionnant un prestataire ne jouant pas le jeu et à l’inverse des clauses incitatives pour un partenaire cherchant à optimiser l’impact environnemental du projet dans le respect du budget alloué. »
Romain Vermaut, Directeur des opérations
« Les différentes expérimentations mettent en évidence à la fois les bénéfices de l’ACV et les difficultés rencontrées par les acteurs au cours du processus. La complexité apparente est rapidement dépassée une fois le cadre établi (indicateurs retenus, méthode d’évaluation, outils…), balayant les freins juridiques associés aux principes fondamentaux de la commande publique.
Bien que la RE2020 en France va imposer aux acteurs du bâtiment une nécessaire adaptation, on peut s’interroger sur les limites de l’ACV en terme d’accessibilité à la commande publique pour les PME familiales et de la difficulté à répondre à ce nouveau challenge. La généralisation de l’ACV dans la rénovation et la construction impliquera une démarche de simplification et de pédagogie envers l’ensemble des acteurs du secteur économique.
La méthode ACV sera diffusée largement sur l’outil : laclauseverte.fr pour permettre aux acheteurs de s’inspirer de cette initiative et de capitaliser sur ce retour d’expérience. »
Michaël Surelle, Responsable en achat public durable au CD2E immobilières à la CARSAT
Source et lien
Bonjour,
Il y a des appels d'offres tout au long de la vie du bâtiment.
Pourquoi cet exposé s'arrête-t-il à la phase AOR ?
L'ACV est-elle inutile en Exploitation, en Démantèlement ... ?