Par Thierry Rieser - Gérant du BET Enertech
Les nouveaux bureaux d’Enertech sont certifiés Energie 4 / Carbone 2. Ils sont réalisés en ossature bois et paille, et sans installation de chauffage fixe, et ont coûté 1 120 € HT/m² SHON hors VRD ! Ils ont été récompensés le 8 novembre 2017 par le prix « coup de cœur » des Trophées CFP-ICO à l’occasion du salon Interclima+élec 2017.
L’occasion de faire un bilan sur ce bâtiment démonstrateur et à présent occupé et instrumenté depuis un an.
Un simple bâtiment prototype ? Non ! Car après un an d’occupation de ce bâtiment à l’ambiance très chaleureuse, et de campagne de mesures, nous pouvons à présent annoncer que ce bâtiment tient ses promesses et constitue le démonstrateur d’un concept de bâtiments « low-tech », très performant et à coût maîtrisé, qui a vocation à être massifié.
Les promesses tenues
Les promesses de performance d’abord : deux chiffres à retenir : 7 et 7 !
7 kWh par m² SRT, c’est la consommation d’électricité tous usages confondus (y compris la bureautique) de notre bâtiment. Conforme à notre calcul prévisionnel (basé sur notre expérience de la mesure), mais bien meilleur que le calcul Energie-Carbone, dont notamment la valeur forfaitaire des Aue (autres usages de l’énergie, qui complètent les 5 usages réglementaires) est 10 fois supérieure à la consommation que nous avons atteinte. 7, c’est également le rapport entre l’énergie produite par notre toiture photovoltaïque et notre consommation : nous avons produit 7 fois plus que nous ne consommons !
Comparaison entre les consommations calculées, mesurées sur l’année 2016-2017, et le calcul E+/C-, en kW.h d’énergie primaire (avec le facteur conventionnel 2,58 pour l’électricité) par m² SRT
Le bâtiment tient également ses promesses sur le plan environnemental : son impact climatique très faible le place au niveau Carbone 2 du label E+/C-. Nous avons également pu calculer que grâce à son bilan énergétique positif, notre bâtiment va rembourser son énergie grise de construction en 25 ans.
Ces bons résultats énergétiques et en bilan carbone font de LowCal le 1er bâtiment tertiaire certifié E+/C- selon notre certificateur Certivea, qui est venu nous remettre les labels E+/C-, Effinergie et BBCA, chacun à leur niveau le plus élevé, lors de nos portes ouvertes en octobre 2017.
Enfin, les promesses du bâtiment sont également tenues en matière de confort d’été. Nous n’avons mesuré aucune heure au-dessus de 28°C, malgré notre climat de la Drôme provençale où la température extérieure a atteint 38°C. Comment atteindre ce résultat dans climatisation ? D’abord grâce aux occultations extérieures, notamment les brise soleil orientables (BSO) au sud, qui nous permettent de nous protéger du soleil direct tout en conservant de la lumière naturelle pour travailler. Grâce également à la réduction des consommations d’énergie à l’intérieur du bâtiment, qui réduit d’autant les apports internes. L’inertie de la terre crue stocke la chaleur pendant la journée, et l’aération nocturne et matinale permet de décharger cette chaleur. L’efficacité de ces bonnes pratiques est illustrée par le graphique suivant, où l’on voit l’impact de l’ouverture des fenêtres sur la température intérieure et la température des masses (sonde de température placée dans un mur intérieur en terre crue) :
Mesure de températures sur une semaine d’été : impact de l’aération sur la température intérieure (en bleu et rouge) et sur la température des masses (en vert)
Dans notre approche low-tech, c’est l’utilisateur qui est acteur de son confort. Au lieu d’être dépossédé de l’usage par des automatismes, les outils mis à sa disposition sont simples, compréhensibles, il est ainsi responsabilisé et peut adapter ses pratiques au niveau de confort qui lui convient.
Zoom sur la qualité de l'air intérieur
Notre campagne de mesure a également intégré la dimension de qualité de l’air intérieur, sujet malheureusement non abordé par le label E+/C-.
Les mesures, réalisées par Médiéco, ont montré que la qualité d’air est très satisfaisante sur les indicateurs de CO2 (inférieur à 700 ppm, pour une valeur cible à 1000 ppm) et particules fines (inférieur à 0,5 Mpart/m3, pour un seuil « air intérieur peu chargé en polluant » à 1 Mpart/m3).
En revanche, les mesures de COV légers et globaux sont moins satisfaisantes. L’analyse des mesures passives montre dans le détail que les taux de formaldéhydes sont inférieurs à 30 µg/m3 (valeur guide pour 2015) donc satisfaisantes. Les polluants qui contribuent à dépasser les seuils de COV légers et globaux sont surtout issues du bois et de l’OSB utilisés dans la construction (Hexanal, valeur conforme AFSSET/ANSES, mais supérieure au label Gutes Innenraumklima, Limonène et Alpha-pinène, conformes aux limites d’exposition projet INDEX, mais total COVT supérieur aux préconisations de l’agence fédérale allemande pour l’environnement). Il nous semble important de souligner que ces mesures ont été réalisées dans la première année d’occupation, et avant la période d’été où nous avons largement aéré le bâtiment la nuit et le matin pour contribuer au confort d’été passif. Nous avons donc bon espoir que les résultats seront meilleurs l’année prochaine, du fait de la réduction naturelle des émissions des matériaux (tendance déjà visible dans la comparaison entre un bureau « référence » non occupé et non ventilé et les autres bureaux).
Ces mesures soulignent en tout cas l’importance de la ventilation, en particulier la première année d’exploitation. Le lien direct entre le renouvellement d’air et la qualité de l’air intérieur a été notamment illustré par mesure dynamique suivante :
Mesure dynamique de COVG dans un bureau occupé : impact de la mise en route et de l’arrêt de la ventilation
Ces mesures de QAI nous ont donc amené à changer nos pratiques sur l’utilisation de la ventilation double flux décentralisée. Ces appareils équipant chaque bureau et pilotés par l’utilisateur via un simple interrupteur sont à présent laissés en position allumé le soir. La coupure du réseau électrique par le dernier partant les éteint pour la nuit, mais la remise en route du réseau par le premier arrivant relance à présent tous les appareils, permettant une évacuation rapide des polluants accumulés pendant la nuit. L’aération matinale de courte de durée est également devenue une habitude pour certains salariés (même en hiver !).
Label E+/C-, soyons ambitieux !
Cette remise de prix, ainsi que notre intervention dans le cadre du Cycle Label E+/C- le 6/11 sur Batimat, est pour nous l’occasion de faire savoir que les niveaux les plus élevés du label ne sont pas forcément des bâtiments exceptionnels ni hors de prix.
Au contraire, nous avons démontré avec LowCal (et nous continuerons à le faire en reproduisant ce concept) qu’il est possible d’atteindre le niveau le plus élevé pour un coût de travaux de 1 120 € HT par m² SHON hors VRD, soit un coût inférieur à la construction classique RT2012. Une très bonne nouvelle qui nous l’espérons pourra encourager les pouvoirs publics à viser une future réglementation qui ne soit pas une stagnation par rapport au standard BBC de la RT2005 (que serait le niveau Energie 1 ou 2), mais qui vise réellement des bâtiments à énergie positive.
Récompensé le 8/11/2017 au Mondial du Bâtiment (Batimat + Interclima+élec)
© Chaud Froid Performance
Le prix « coup de cœur » a été remis à Enertech pour son bâtiment LowCal par Jean Christophe Visier, Directeur Energie Environnement du CSTB, et membre du jury des Trophées organisés par la revue CFP et l’association ICO. A cette occasion, Thierry RIESER, gérant d’Enertech a tenu à remercier toute l’équipe d’Enertech, maître d’ouvrage et BE fluides, l’architecte Pierre Traversier et son équipe, les BE structure SIB Solutions et BE Mathieu dont le travail en commun a rendu possible la conception de ce bâtiment prototype, que nous n’aurions pas osé proposer pour un autre maître d’ouvrage que nous-mêmes. Remercier également les entreprises du chantier, toutes des entreprises locales (dans un rayon de 40 km du chantier) qui ont su mettre en œuvre ce bâtiment en bois-paille et dont l’inertie est apportée par de la terre crue.
Par Thierry Rieser - Gérant du BET Enertech
Sources et liens
• Association Ico
• Chaud Froid Performances
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• Le label E+C- passé au crible : points de vue d’un bureau d’études