Par Véronique Bertrand - Ingénieure génie climatique et énergétique
Le Ministère de la Transition écologique vient de publier ce mercredi 24 novembre un rapport de presse faisant le point sur la prochaine réglementation environnementale RE2020. Ce rapport co-signé par Barbara Pompili, Ministre de la Transition écologique et Emmanuelle Wargon, Ministre déléguée chargée du logement, précise en 14 pages les objectifs et nuances à ce jour, le planning et les premières dispositions du futur label de la RE 2020, en préparation, et qui sera présenté dès 2021.
Logo de la future RE2020
Téléchargez le dossier RE 2020 du 24/11/2020 du Ministère de la Transition écologique
La RE 2020 : rappel des objectifs et ambition jusqu’en 2030
La RE2020 est la future réglementation environnementale des bâtiments neufs. Il s’agit donc de préparer les bâtiments qui seront les lieux de vie des Français pour les décennies à venir : un quart des bâtiments de la France de 2050 ne sont pas encore construits.
Aussi, avec la RE2020, le Gouvernement poursuit trois objectifs principaux :
- donner la priorité à la sobriété énergétique et à la décarbonation de l’énergie ;
- diminuer l’impact carbone de la construction des bâtiments ;
- en garantir la fraicheur en cas de forte chaleur.
A noter / A retenir
- Evolution « carbone ». C’est le point 2 ci-avant : la RE2020 introduit une évolution méthodologique majeure qui intègre la prise en compte de l’impact carbone sur l’ensemble du cycle de vie du bâtiment, y compris ses phases de construction et de démolition
- Bâtiments adaptés au changement climatique. C’est le point 3 ci-avant. Alors que l’inconfort l’été est un défaut souvent relevé de nombreux bâtiments construits selon la RT2012, la réglementation RE2020 imposera une exigence spécifique.
- Inscrire la RE2020 dans le temps long. En fixant une trajectoire progressive : la réglementation sera progressivement de plus en plus exigeante, depuis son entrée en vigueur en 2021, jusqu’à 2030 avec trois jalons prévus en 2024, 2027 et 2030 qui constituent autant de marches de rehaussement des exigences.
- Un label d’État, qui sera créé dans la foulée de la RE2020. En parallèle, ce nouveau label permettra à ceux qui le souhaitent, maîtres d’ouvrage publics ou privés, d’anticiper les futures exigences de la RE2020, de montrer l’exemple et de préfigurer les bâtiments d’après-demain, bâtiments davantage ambitieux sur les plans énergie, carbone, confort d’été et holistique …
Un calendrier RE 2020 dès l’année prochaine
RE 2020 : construction bas carbone et confort d’été pour tous
La RE2020 est prévue par la loi sur l’évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (Elan). Initiée en janvier 2020 pour une application initialement prévue au 1er janvier 2021, le Gouvernement a décidé de décaler l’élaboration de la RE2020 en raison de la crise sanitaire. La réglementation entrera en vigueur à l’été 2021. Elle concernera les bâtiments dont les permis de construire seront déposés postérieurement à cette date.
La première échéance d’entrée en vigueur concernera les logements ainsi que les bureaux et l’enseignement.
Les bâtiments tertiaires plus spécifiques feront l’objet d’un volet ultérieur de la réglementation. Le label accompagnant la RE2020 sera consolidé au second semestre 2021.
Les premiers textes réglementaires (décret et arrêté) concernant les logements seront mis en consultation tout début décembre. Au-delà des grandes orientations et des principaux paramètres, la phase de consultation qui s’ouvre permettra de recueillir les retours et avis techniques de toutes les parties prenantes pour procéder aux derniers ajustements de la future réglementation.
L’ensemble de la réglementation dans sa version définitive pourra être publié d’ici la fin du premier trimestre 2021, ce qui donnera à tous les acteurs de la filière de la construction un temps d’appropriation avant l’entrée en vigueur.
La réglementation pour les bâtiments tertiaires scolaires et de bureaux sera mise en consultation en léger décalage avec une entrée en vigueur concomitante à celle du résidentiel. La réglementation concernant le tertiaire spécifique fera quant à elle l’objet d’un décalage d’environ un an.
RE 2020, une transition nécessairement à coûts maîtrisés
Une réglementation RE2020 à coûts maîtrisés
De manière générale, rendre la réglementation de la construction plus exigeante peut induire des surcoûts pour le secteur du bâtiment, répercutés le long de la chaîne, jusqu’au prix du logement lui-même.
À titre de comparaison, les surcoûts anticipés lors de l’élaboration de la RT2012 étaient de 10% à 15% des coûts de construction, mais le Commissariat général au développement durable a estimé a posteriori que ceux-ci ne s’étaient que faiblement matérialisés et avaient été rapidement absorbés par les effets d’apprentissage.
La longue expérimentation du label BBC avait en effet aidé à préparer l’adaptation du secteur. Les surcoûts anticipés pour la RE2020 tels qu’estimés sur la base des exigences de l’horizon 2030 ne dépassent pas 10% du coût de construction actuel, que ce soit pour des maisons individuelles ou des logements collectifs.
Surtout, les exigences étant d’application progressive dans le temps, les surcoûts immédiats (liés aux exigences prévues à l’entrée en vigueur) sont bien plus faibles (de l’ordre de 3 à 4% des coûts de construction) et les phénomènes d’apprentissage pourront jouer à plein d’ici 2030.
Enfin, ces surcoûts sont à mettre en lien avec les gains socio-économiques obtenus sur la durée de vie des bâtiments : baisse de facture énergétique, émissions de carbone évitées, création d’emplois locaux, etc.
Commentaire de la rédaction Xpair
Par rapport à la RT2012, augmenter les performances thermique, valoriser le vecteur bas carbone, prendre davantage en compte le confort d'été, sont certes des nécessités et des évidences qui inévitablement auront un impact sur le coût de la construction (pas du foncier !). Les récentes critiques parues dans la presse craignant une réglementation RE2020 peu exigeante, « molle », ne sont pas dénuées de bon sens car si ces niveaux d'exigence étaient trop élevés pour réglementer l'ensemble de la construction neuve, c'est toute la filière du bâtiment qui pourrait en pâtir eu égard aux surcoûts incompatibles avec l'économie actuelle d'autant plus aggravée par la crise COVID. Par ailleurs, la proposition immédiate par le ministère d'un nouveau label d'état tient également du bon sens car cela permet pour ceux qui veulent aller plus loin, en valorisant davantage leur construction et leur patrimoine, de proposer des bâtiments labellisés et encore plus performants.
Création imminente d’un label d’État RE 2020
Les exigences de la RE2020 seront progressives dans le temps, notamment en ce qui concerne l’empreinte carbone de la phase de construction, mais aussi pour l’exclusion du chauffage au gaz dans les logements collectifs, qui interviendra à partir de 2024. Il apparaît en effet nécessaire à la fois de fixer un horizon précis, cadencé et clair, compatible avec les objectifs climatiques de la France, que tous les acteurs peuvent anticiper et préparer et ce, dans le même délai. Ceci également pour ainsi laisser le temps nécessaire à l’adaptation de l’ensemble de la filière, qu’il s’agisse des modes de conception, des matériaux, équipements et technologies utilisés, mais aussi des façons de construire et de faire qui exigeront que les compagnons et artisans modifient leurs pratiques et se forment.
Cela est en particulier vrai pour l’usage du bois et des matériaux biosourcés : le recours large au bois d’œuvre et matériaux biosourcés modifiera substantiellement les manières de concevoir, d’approvisionner et de mener les chantiers.
La progressivité de la réglementation RE 2020 laisse la liberté aux acteurs de la chaîne, dans toute la diversité de leurs capacités et situations, de choisir leur rythme pour rejoindre les objectifs. À n’en pas douter, de nombreux concepteurs, commanditaires et maîtres d’ouvrage choisiront d’anticiper les exigences réglementaires et d’engager rapidement les transformations nécessaires pour atteindre un régime stable compatible avec les objectifs finaux.
Création imminente d’un label d’État : pour favoriser cette mobilisation et activer la capacité d’anticipation de l’ensemble de la chaîne, le Gouvernement prévoit également de créer un label d’État. Il aura pour principal objectif de valoriser et récompenser les bâtiments qui atteindront les exigences des étapes suivantes de la RE2020, c’est- à-dire ceux qui prennent de l’avance sur la réglementation. Ayant vocation à évoluer dans le temps, le label pourra aussi prendre en compte des critères nouveaux ainsi que la capacité des concepteurs à innover, afin de préfigurer les bâtiments d’après-demain.
Ce label constituera un signe d’exemplarité dont pourront se saisir les collectivités locales, bailleurs sociaux, maîtres d’ouvrage publics et privés. Il pourra également être accompagné d’incitations fiscales ou réglementaires.
L’élaboration de ce label fait déjà l’objet d’une phase de concertation, sous l’égide du Plan bâtiment durable, qui réunit les principales parties prenantes ainsi que les porteurs des labels déjà existants (Alliance HQE, BBCA, Effinergie, etc.).
La publication de la première mouture du label est prévue pour le second semestre 2021.
Pour la 1ère fois, un seuil maximal d’émissions de gaz à effet de serre
Pour assurer que les énergies utilisées soient les moins carbonées possibles, pour la 1ère fois la réglementation fixera un seuil maximal d’émissions de gaz à effet de serre des consommations d’énergie.
L’enjeu est de cesser d’utiliser des énergies fossiles dans les bâtiments neufs, alors qu’aujourd’hui encore les logements au gaz sont majoritaires en constructions neuves.
En maison individuelle, où les solutions non fossiles sont très courantes et parfaitement maîtrisées (notamment la pompe à chaleur ou le chauffage biomasse), le seuil sera fixé à 4 kgCO2/m2/an dès l’entrée en vigueur de la RE2020 et exclura de fait des systèmes utilisant exclusivement du gaz. Alors qu’une maison moyenne existante chauffée au gaz émet près de 5 tonnes de CO2/an, la même maison aux normes RE2020 émettra moins de 0,5 tonne, soit 10 fois moins !
En logement collectif, la transition sera progressive entre 2021 et 2024, car aujourd’hui encore 75% des logements collectifs neufs construits sont chauffés au gaz. Les alternatives (réseau de chaleur, chaufferie biomasse, pompe à chaleur collective, solaire thermique) sont nombreuses, mais doivent encore se développer à grande échelle et la filière doit s’approprier les conceptions qui accompagnent ce changement. Aussi le seuil sera d’abord fixé à 14 kgCO2/m2/an, laissant ainsi encore la possibilité d’installer du chauffage au gaz à condition que les logements soient très performants énergétiquement. Ensuite, dès 2024, le seuil sera ramené à 6 kgCO2/m2/an, excluant de fait le chauffage exclusivement au gaz, mais permettant le développement de solutions innovantes, y compris hybrides (telles des pompes à chaleur utilisant un léger appoint de gaz en cas de grand froid).
Zoom sur le confort d’été traité dans la prochaine RE 2020
Confort d’été avec la prochaine RE 2020
De nombreux bâtiments construits selon la RT2012 s’avèrent inconfortables en cas de fortes chaleurs, au détriment de leurs occupants ou usagers. Or, le réchauffement climatique va intensifier et augmenter le nombre d’épisodes caniculaires. C’est pourquoi, pour que les bâtiments de demain soient adaptés au changement climatique, le Gouvernement a souhaité que la RE2020 améliore nettement la prise en compte du confort d’été et fixe une exigence spécifique.
La RE2020 intégrera d’abord le besoin de froid dans le calcul du besoin énergétique du bâtiment (Bbio), celui-ci étant soumis à des exigences renforcées. Sur la base d’un scénario météo similaire à la canicule de 2003, un indicateur de confort d’été sera calculé lors de la conception du bâtiment, qui s’exprimera en degré.heure (DH)*.
La RE2020 fixera un seuil haut maximal de 1250 DH qu’il sera interdit de dépasser, ce qui correspondrait à une période de 25 jours durant laquelle le logement serait continûment à 30°C le jour et 28°C la nuit. Ce seuil sera le même partout en France. Comme il sera plus difficile à respecter dans le sud de la France (pourtour méditerranéen et arrière-pays provençal) pour les logements construits dans ces zones climatiques chaudes, il sera possible de déroger à certaines exigences constructives, notamment celles qui nécessiteraient un recours trop important à des matériaux biosourcés.
Parallèlement, la RE2020 fixera un seuil bas à 350 DH, à partir duquel des pénalités s’appliqueront dans le calcul de la performance énergétique. Ces pénalités seront forfaitaires afin d’inciter tous les bâtiments à faire des efforts de conception permettant de réduire le nombre d’heures au-dessus du seuil.
Dans l’ensemble des cas, les solutions de climatisation dites passives seront encouragées par la réglementation, à travers son moteur de calcul, qu’il s’agisse par exemple de la forme du bâtiment, de son orientation, de protection contre le soleil, de l’installation de brasseurs d’air ou encore de puits climatiques, etc. Il s’agit d’améliorer à faible coût et de manière durable le confort des bâtiments l’été.
Cet indicateur et cette exigence sont nouveaux pour une réglementation thermique et la réalité exacte du niveau de confort d’usage qu’ils traduisent reste à évaluer finement. Aussi, en fonction des retours d’expérience à l’issue des premières années de réglementation, cette exigence pourra être renforcée.
(*) Il s’agit du nombre d’heures dans l’année durant lesquelles le bâtiment dépasserait le seuil de 28°C le jour.
(26°C la nuit), multiplié par la différence entre la température simulée et l’écart avec la limite de 28°C (resp. 26°C).
Par exemple, pour simplifier, s’il fait 20°C toute l’année dans un logement, excepté pendant 10 jours et 10 nuits durant lesquels la température grimpe à 30°C en continu, l’indicateur du confort d’été sera de 720 DH ( 2°C x 12h x 10 jours + 4°C x 12h x 10 nuits).
Par Véronique Bertrand - Ingénieure génie climatique et énergétique – Consultante Xpair
Téléchargez le dossier RE 2020 du 24/11/2020 du Ministère de la Transition écologique
Source et lien
Et pour les matériaux, le moteur de calcul intègrera-t-il le déphasage, l'inertie du bâtiment?