Par Priscilla PETINGA, membre du comité technique AICVF
La surveillance de la qualité de l’air (QAI) devient annuelle dans les établissements recevant du public (ERP) et notamment dans les écoles. Cet avis d’expert apporte un éclairage sur les nouvelles dispositions de suivi.
Suite à la mise en oeuvre des décrets 2015-1000 du 17 août 2015 et 2022-1690 du 27 décembre 2022 relatifs à la surveillance de la QAI dans les ERP accueillant du public sensible et du décret d’application du 2012-14 du 5 janvier 2012 dans les écoles et les crèches, L’INERIS a établi un constat. Le bilan annonce que seuls 8% des établissements scolaires ont appliqué la réglementation dont 55% des écoles primaires et maternelles selon le webinaire de la DGPR (Direction Générale de la Prévention des Risques) de février 2023.
La situation est particulièrement sensible dans les établissements recevant de jeunes enfants :
• leurs poumons ne sont pas complètement formés ;
• un enfant s’expose à 50% d’air de plus qu’un adulte ;
• en France, 13% des enfants de 11 à 14 ans ont déjà eu une crise d’asthme ;
• le confinement de l’air d’une salle de classe a comme conséquence la baisse des capacités scolaires des enfants.
Après ce retour d’expérience, deux nouveaux décrets et trois arrêtés de décembre 2022 modifient en profondeur la démarche de gestion de la qualité de l’air intérieur dans les ERP accueillant du public sensible tant pour les bâtiments neufs qu’existants. Les modalités et dispositions visant à surveiller et à améliorer la qualité de l’air intérieur (QAI) évoluent significativement à compter du 1er janvier 2023 - Figure 1.
Figure 1 : les nouveaux textes réglementaires applicables dès 1er janvier 2023
Quels sont les établissements concernés par cette réglementation ?
L’ensemble des établissements accueillant du public sensible sont listés dans le code de l’environnement article R221-30 et sont présentés sur la Fiigure 2.
Figure 2 : l’ensemble des établissements recevant du public concernés par la surveillance QAI
A noter :
• L’exclusion des établissements d’activités physiques et sportives couverts dans lesquels sont pratiquées des activités aquatiques, de baignade ou de natation ;
• Une modification des dates d’applicabilité pour permettre l’édition des décrets d’application.
A noter aussi que les valeurs guides de la qualité de l’air intérieur (VGAI) dans le cadre de la surveillance en ERP ont été révisées :
Tableau 1 : les VGAI pour la surveillance de la QAI dans les ERP
Que doit-il être mis en oeuvre pour répondre à cette nouvelle réglementation ?
La surveillance de la qualité de l’air intérieur requiert désormais la mise en oeuvre de 4 parties :
1. Évaluation annuelle des moyens d’aération des bâtiments incluant la mesure à lecture directe de la concentration en dioxyde de carbone de l’air intérieur. Pour chaque pièce examinée, cette évaluation consiste principalement en :
• Une vérification de la fonctionnalité des ouvrants et/ou de la ventilation (bouche de soufflage et bouche d’extraction) ;
• Une mesure sur 2h de temps à minima de la concentration en CO2 dans une salle à occupation normale.
La première évaluation annuelle des moyens d’aération est à réaliser au plus tard en 2024 et les personnes fréquentant l’établissement doivent être informées dans les 30 jours à réception du rapport par le propriétaire ou l’exploitant des résultats.
2. Autodiagnostic de la QAI à réaliser tous les 4 ans (identique au précédent décret), il comprend :
• L’identification des sources d’émission de substances polluantes (matériaux, équipements du site, activités qui sont exercées dans les locaux, matériels pédagogiques, environnement extérieur…) ;
• La maintenance des systèmes de ventilation et des moyens d’aération de l’établissement ;
• Les pratiques de nettoyage ;
• Les pratiques lors de la réalisation de travaux.
3. Campagne de mesures des polluants réglementés réalisée à chaque étape clé de la vie du bâtiment pouvant impacter la QAI (principalement les travaux).
Elle commence dans un délai de 1 mois après la fin de la réalisation des travaux d’une étape clé.
La liste des polluants réglementés est la suivante :
• le formaldéhyde (deux séries de prélèvements, en période de chauffe et hors période de chauffe) ;
• le benzène (deux séries de prélèvements,en période de chauffe et hors période de chauffe) ;
• le dioxyde de carbone (CO2) (une mesure en période de chauffe si elle existe).
A noter : le perchloroéthylène (ou tétrachloroéthylène) est supprimé de ce suivi, son usage étant interdit dans les pressings depuis le 1er janvier 2022.
Les personnes fréquentant l’établissement doivent être informées dans les 30 jours à réception du rapport par le propriétaire ou l’exploitant des résultats.
4. Plan d’actions visant à améliorer la qualité de l’air intérieur
Il doit être réalisé au plus tard dans les 4 ans de l’entrée en vigueur de la réglementation et être actualisé régulièrement.Cette actualisation devra se faire idéalement à l’occasion de la réalisation / mise à jour de chaque étape de la vie du bâtiment (des précisions sont apportées dans le focus ci-après) et de la réglementation.
En complément, il est précisé dans le code de l’environnement article R221-34 que les deux derniers rapports d’évaluation des moyens d’aération et d’analyse des mesures de polluants doivent être conservés par le propriétaire ou, le cas échéant, l’exploitant de l’établissement et tenus à la disposition des agents de contrôle.
Focus sur le point 3 : La campagne de mesure
La campagne de mesure devra être mise en oeuvre lors de travaux « impactant » la QAI. Cette notion est définie précisément dans le décret 2022-1690 du 27 décembre 2022. Elle s’établit en fonction du pourcentage de la surface du bâtiment impactée par les travaux sur une période de 6 mois glissants (voir Figure 3).
Figure 3 : Seuil de déclenchement des mesures
Le décret précise aussi quelles sont les campagnes de mesures à mettre en oeuvre en fonction de la nature des travaux (voir Figure 4).
Figure 4 : définition des travaux et mise en place des campagnes de mesure de polluants
Qui peut réaliser les différents contrôles ?
Les points 1, 2 et 4 peuvent être réalisés :
• par les établissements eux-mêmes (service technique du bâtiment) ;
• par un organisme effectuant les prélèvements et analyses mentionnés à l’article L. 221-8 et à l’article R. 221-31 du code de l’environnement ;
• par un contrôleur technique, par un bureau d’études ou par un ingénieur-conseil intervenant dans le domaine du bâtiment.
Seul un organisme accrédité COFRAC selon le référentiel LAB REF 30 peut réaliser les campagnes de mesure des polluants du point 3.
Conclusion
La mise en place de ces nouveaux décrets s’accompagne d’une volonté du gouvernement de renforcer la surveillance de la qualité de l’air dans les écoles et les crèches, par une périodicité plus élevée de contrôle des moyens d’aération et par l’intégration réglementaire des “travaux” dans les éléments impactant la vie du bâtiment, accompagnés d’une obligation de mesure.
Ces nouveaux textes s’accompagnent d’un transfert d’organisme collecteur des résultats d’analyses. Auparavant, L’INERIS était collecteur des résultats d’analyses des polluants réalisés dans le cadre de la surveillance de la qualité de l’air. Aujourd’hui, la base de données est transférée au CSTB qui prend en charge cette collecte sur le nouveau dispositif réglementaire accessible sous le site : Accueil | Surveillance Air Intérieur (qai-erp.fr).
La communication des résultats pourrait s’envisager sous forme d’une étiquette qualité de l’air comme pour l’étiquette énergétique du DPE (Diagnostic de Performance Energétique) qui aujourd’hui s’affiche à l’entrée de tout ERP.
L’application de cette démarche est réalisable dès aujourd’hui et doit être faite au plus tard en 2024 pour les établissements d’enseignement. Concernant les autres établissements ERP (Etablissement de santé, structure sociale médicale, établissement pénitentiaire, établissement d’activité physique et sportive), la parution des textes d’application est attendue pour fin 2023, voire 2024.
En savoir plus :
• Qualité de l’air intérieur | Ministères Écologie Énergie Territoires - Cliquez ici
• Article R221-30 du Code de l’Environnement - Cliquez ici
• Décret n° 2022-1690 du 27 décembre 2022 modifiant le décret n° 2012-14 du 5 janvier 2012 relatif à l’évaluation des moyens d’aération et à la mesure des polluants effectuées au titre de la surveillance de la qualité de l’air intérieur de certains établissements recevant du public - Cliquez ici
• Arrêté du 27 décembre 2022 modifiant l’arrêté du 1er juin 2016 relatif aux modalités de surveillance de la qualité de l’air intérieur dans certains établissements recevant du public - Cliquez ici
• Arrêté du 27 décembre 2022 modifiant l’arrêté du 1er juin 2016 relatif aux modalités de présentation du rapport d’évaluation des moyens d’aération - Cliquez ici
• Arrêté du 27 décembre 2022 fixant les conditions de réalisation de la mesure à lecture directe de la concentration en dioxyde de carbone dans l’air intérieur au titre de l’évaluation annuelle des moyens d’aération - Cliquez ici
• La qualité de l’air dans nos écoles : l’Ineris a déjà collecté plus de 27 000 données en 18 mois | Ineris - Cliquez ici
Source et Lien
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