Par Rodrigue Leclech, associé Pouget Consultants et Noémie Houard, directrice de la Stratégie et de l’Innovation de l’EpaMarne
Une plus grande qualité du logement impacte sur les surfaces et formes et doit nécessairement apporter une réponse à l’équation coût-carbone d’aujourd’hui. Voici pour les lecteurs d’Xpair en exclusivité et en avant-première les extraits d'une conférence élargie programmée le 9 fév. 2023 à EnerJ-meeting Paris Palais Brongniart : une présentation des plus intéressante en mode teasing !
Les EPA, Etablissements Publics d'Aménagement, une expertise pour construire la ville de demain
1. Les EPA, Etablissements Publics d'Aménagement, aménageurs de l’Etat : engagés dans la transition écologique
Aménageurs publics de référence de l’est francilien, EpaMarne et EpaFrance interviennent sur 44 communes principalement situées en Seine-et-Marne et dans le Val-de-Marne. Ils ont pour mission d’aménager le cadre de vie. Ils ont aussi pour ambition d’anticiper les mutations – climatiques ou sociétales – afin de bâtir la ville de demain et d’après-demain.
Les deux EPA, bénéficient d’un ancrage territorial fort et du recul nécessaire à une vision de long terme au service du bien commun. Ils réunissent promoteurs et investisseurs pour réaliser les programmes immobiliers nécessaires au développement du territoire, sur des fonciers maîtrisés et sécurisés.
En tant que développeurs et prescripteurs, ils fixent aux promoteurs un cahier des charges précis et exigeant en matière d’environnement et d’innovation. En tant que maîtres d’ouvrage, ils réalisent les équipements publics qui complètent les programmes urbains.
Epamarne et EpaFrance sont engagés depuis longtemps dans la transition écologique et ont traduit leurs objectifs dans leur Projet Stratégique et Opérationnel qui couvre la période 2020 – 2024. Dans ce document-cadre, ils ont fait du climat un défi majeur et identifient trois leviers pour le relever :
- Privilégier l’écoconstruction en utilisant des éco-matériaux en circuits courts ;
- Mixer les énergies pour améliorer la performance des bâtiments et des quartiers ;
- Limiter l’artificialisation des sols et leur imperméabilisation.
Avec 2 000 logements produits chaque année, les enjeux de réduction des impacts environnementaux sont forts. EpaMarne et EpaFrance ont anticipé la RE2020 en se fixant depuis plusieurs années des objectifs très ambitieux en termes de sobriété énergie-carbone et de construction bois, notamment avec l’utilisation ambitieuse du label E+C- qui préfigurait cette nouvelle réglementation. Ainsi, en 2021, 50% de la surface de plancher globale et 96% des surfaces résidentielles développées par EpaMarne prévoyaient le label E+C- ou équivalent. Le niveau de base du label E+C- a toujours été dépassé !
2. Le but de l’étude est de vérifier compatibilité qualité de logement avec le coût et le carbone
A l’automne 2021, à l’approche de la RE2020, plusieurs opérations engagées dans la démarche E+C- avec des niveaux variables ont été converties sous la méthode de calcul de la RE2020. Cela a permis d’adapter à chaque ZAC les niveaux RE2020 (2022 ou 2025) demandés lors des consultations. Ainsi l’objectif fixé en 2022 est de commercialiser 73% des surfaces de logement avec un niveau à minima égale à la RE 2025 (RE2020 avec exigeances 2025).
En parallèle, le rapport Girometti-Leclercq de la mission sur la qualité du logement paru en septembre 2021 définit des critères de qualité d’usage à intégrer aux logements. Ce rapport est depuis devenu un véritable référentiel repris et utilisé par les collectivités et notamment intégré, en partie, dans les critères donnant accès au Pinel +. La crise sanitaire du Covid a amplifié le phénomène et a été une prise de conscience et un accélérateur de la transformation de nos sociétés. Durant la période de confinement les inégalités et les défauts du logement sont devenus pour certains un réel frein dans leur vie quotidienne notamment lors du télétravail.
L’accumulation de crises que nous connaissons alourdit encore l’équation complexe à résoudre pour les professionnels de l’aménagement et de la construction : comment construire des logements de qualité qui répondent à la fois aux nouvelles aspirations sociales et à la nouvelle Règlementation Environnementale ou la loi Climat et résilience dans un contexte de coûts maîtrisés ?
Ces critères de qualité viennent en outre impacter les logements sur leurs surfaces, sur leurs formes et peuvent impliquer une augmentation des émissions carbone et des coûts de construction.
Le but de l’étude présentée ici est de mesurer cet impact et de vérifier la compatibilité entre les critères de qualité d’usage et les différents niveaux de la RE2020. Une estimation économique a également été menée.
L’étude a été réalisée sur une opération située à Bry-Sur-Marne de 2665m² habitable pour 47 logements et a été réalisée en plusieurs phases :
- Calage du projet de base – niveau RE2020 ;
- Intégration des critères de qualité d’usage et mesure des impacts RE2020 ;
- Atteinte du niveau 2025 de la RE2020.
3. Projet de base, niveau RE2020
Le projet initial est relativement classique avec les prestations ci-dessous :
Avec ces caractéristiques le projet respecte l’ensemble des critères de la RE2020 avec notamment un indicateur Icconstruction à 757kgCO2/m² (pour un seuil limite à 780), avec un coût de construction actualisé en février 2022 à 1700€/m²habitable.
4. Intégration des critères de qualité d’usage et mesure des impacts RE2020
Chaque logement a été analysé au regard des critères de qualité d’usage. Ci-dessous un extrait de ce travail :
Les modifications principales à intégrer au projet pour respecter le référentiel de qualité sont les suivantes :
- Augmenter les surfaces des séjours, et des chambres ;
- Revoir le pas d’étage à 2,7m ;
- Agrandir des surfaces de balcon ;
- Ajouter une fenêtre.
Ces évolutions sont compatibles avec ce projet dans le respect du PLU, notamment via une augmentation du gabarit du bâtiment de 36m² par niveau.
L’intégration des critères de qualité d’usage a de fait un impact sur les émissions carbone avec une hausse de 20kgCO2/m² (+2,6%) avec principalement un impact lié aux balcons (+7kgCO2/m²) et à la hauteur de pas d’étage qui augmente la surface de voiles extérieurs (+5kgCO2/m²).
A noter que pour favoriser la modularité des logements, nous modifions ici le mode constructif en passant en poteaux/dalles et refends légers en cloisons séparatives plâtres. Cela implique une économie de carbone de 15kgCO2/m². Pour compenser l’écart d’émissions carbone restant par rapport au niveau de base nous proposons de passer en menuiseries bois (-9kgCO2/m²). Nous obtenons ainsi un bâtiment qui répond au référentiel Girometti-Leclercq et à la RE2020 niveau 2022.
Du point de vue économique, l’intégration du référentiel de qualité implique un surcout de 40€/m², le passage en menuiseries bois de 30€/m². Le projet atteint donc un cout de construction de 1770€/m².
5. Atteinte du niveau 2025 de la RE2020
Le millésime 2025 de la RE2020 impose deux choses :
- Une décarbonation des systèmes de production de chaleur (indicateur Icénergie) ;
- Une baisse des émissions carbone des matériaux de 12% (indicateur Icconstruction).
Pour répondre au premier point, la solution initiale de chauffage gaz n’est plus compatible. Il convient alors de passer en système de type PAC air/eau. Cela permet le respect du Icénergie niveau 2025 avec une division par 8 des émissions de CO2 énergie !! Le surcout de ce type de système a été évalué à 30€/m², surcout qui devrait rapidement baisser avec la généralisation rapide des systèmes thermodynamiques.
Malheureusement les équipements thermodynamiques ne bénéficient pas à ce jour de contenu CO2 validé par une PEP[1]. L’utilisation d’une valeur par défaut implique une augmentation de l’indicateur Icconstruction d’environ 15kgCO2/m², augmentant l’effort nécessaire pour atteindre le niveau 2025 situé à 690kgCO2/m² !
Les leviers d’améliorations carbone sont connus et plusieurs solutions sont envisageables. Nous avons alors étudié plusieurs bouquets de solution compatibles avec le niveau 2025 présentés ci-dessous avec les surcouts associés :
[1] PEP = Profil Environnemental Produit, c’est l’équivalent des FDES pour les systèmes
6. En 1ère conclusion : qualité des logements et niveau RE2025 sont d’ores et déjà compatibles
Cette étude montre qu’il est donc possible d’associer qualité des logements avec un niveau 2025 de la RE2020 avec un surcout estimé de 140€/m², soit 8,6%. Evidemment un projet qui serait conçu avec ces objectifs présenterait un surcout moindre puisque intégré dès l’amont dans la conception du projet.
La baisse d’émission carbone est alors d’environ 570kgCO2/m² soit 44%, et le projet intègre de 14 à 31kg/m² de matière biosourcé selon le bouquet choisi.
Cette mission a été financée par l’EpaMarne et réalisée par le groupement Ecologie Urbaine et Citoyenne, Overdrive et POUGET Consultants.
Par Rodrigue Leclech, responsable Pôle Construction IDF et associé Pouget Consultants et Noémie Houard, directrice de la Stratégie et de l’Innovation de l’EpaMarne
Sources et liens
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