Par Gérard GAGET, Responsable d'activité rafraîchissement adiabatique, ADEXSI
Le rafraîchissement adiabatique gagne en popularité grâce à sa technologie naturelle, une tendance notamment soutenue par la réglementation environnementale RE2020. Toutefois, cette méthode est parfois remise en question en raison de sa consommation d'eau. Quelle est la réalité ? Cette chronique vise à décrypter et expliquer pourquoi, dans un contexte environnemental et de réduction des émissions de carbone, la technologie de refroidissement adiabatique reste préférable à celle des climatiseurs à compresseur.
Commençons par les principes
Le refroidissement adiabatique
L'adiabatique se réfère à un processus thermodynamique qui se déroule sans échange de chaleur avec l'environnement. Cela signifie que la température d'un système adiabatique varie sans ajout ni retrait de chaleur.
La chaleur est transférée d’un mode sensible (la température) à un mode latent (la vapeur d’eau). C'est la chaleur naturellement présente dans l'air qui permet l'évaporation de l'eau, entraînant ainsi des coûts de fonctionnement très faibles. Voici comment ce principe est appliqué dans un rafraîchisseur d'air :
Le principe de la climatisation
À l'inverse, la climatisation nécessite de l'énergie pour alimenter un compresseur qui, grâce à l'évaporation d'un fluide frigorigène, extrait la chaleur de l'air. Cette chaleur, ajoutée à celle produite par le fonctionnement du compresseur, est évacuée vers l'extérieur, contribuant ainsi à l'augmentation de la température urbaine et à la formation d'îlots de chaleur dans les villes.
Comparons les consommations d’eau
Quelle est la pouvoir de rafraichissement d’un m3 d’eau ?
L'énergie nécessaire pour évaporer 1 m³ d'eau dépend de divers facteurs, tels que la température ambiante, la pression atmosphérique, et le taux d'humidité. Typiquement, il faut environ 2260 MJ (soit 0.628 MWh) pour évaporer un mètre cube d'eau sous des conditions de température et de pression atmosphériques standards. Par conséquent, il est nécessaire d'utiliser approximativement 1.6 m³ d'eau pour générer un MWh de capacité de refroidissement.
Il faut également de l’eau pour produire de l’électricité !
La quantité d'eau requise pour produire un MWh d'électricité varie grandement en fonction du type de centrale électrique utilisée. Voici quelques exemples qui illustrent la consommation d'eau nécessaire pour générer un MWh d'électricité selon différents types de centrales :
- Centrale thermique au charbon : entre 1 000 et 2 000 litres par MWh
- Centrale thermique au gaz naturel : entre 500 et 1 000 litres par MWh
- Centrale nucléaire : entre 2 000 et 4 000 litres par MWh
- Centrale hydraulique : entre 1 000 et 2 000 litres par MWh
- Centrale éolienne : entre 0 et 10 litres par MWh (l'eau est principalement utilisée pour le nettoyage des équipements)
- Centrale solaire photovoltaïque : entre 0 et 1 litre par MWh
Il est essentiel de souligner que ces chiffres peuvent fluctuer selon plusieurs facteurs, notamment la technologie employée, l'efficacité de la centrale, et les conditions environnementales locales.
La source d’électricité varie selon le pays et la saison, mais en France, où l'électricité est principalement d'origine nucléaire, la consommation moyenne est d'environ 3 m³ d'eau par MWh produit. Une climatisation avec un rapport d'efficacité énergétique (EER) de 3 (rendement moyen observé en période de canicule) produira trois fois plus d'énergie frigorifique qu'elle ne consomme d'électricité, nécessitant ainsi environ 1 m³ d'eau par MWh de froid, comparé à 1,6 m³ pour le refroidissement adiabatique. Cependant, en termes de consommation électrique, la climatisation requiert généralement dix fois plus d'électricité que le rafraîchissement adiabatique, qui se limite essentiellement à l'énergie consommée par le ventilateur. Si on tient compte du CEP (Coeficient d’Energie Primaire) pour l’acheminement de l’électricité par le réseau, alors on arrive à une consommation d’eau équivalente.
Vaut-il mieux consommer de l’eau ou de l’électricité ?
L’avis de la planète
L'eau utilisée dans le rafraîchissement adiabatique n'est pas perdue, elle change simplement d'état. La quantité totale d'eau sur la planète reste constante, seules sa forme et sa répartition changent.
Similairement, l'évapotranspiration des arbres consomme également de l'eau, mais ce processus contribue à la formation de vapeur d'eau, de nuages et, ultimement, de pluie.
Remplacer toutes les climatisations d'une ville par des rafraîchisseurs adiabatiques équivaudrait à l'effet environnemental de planter des arbres le long de chaque rue. Environ 100 litres d'eau sont nécessaires pour rafraîchir un appartement de taille moyenne en ville pendant l'été. Un platane adulte peut consommer entre 100 et 200 litres d'eau, en fonction de sa taille et des conditions environnementales.
Si une climatisation traditionnelle était installée à la place, il y aurait toujours une consommation d'eau, nécessaire à la production de l'électricité utilisée par l'appareil, mais sans aucun processus d'évaporation pour générer de la fraîcheur là où elle est nécessaire. À la place, un condenseur rejetterait l'énergie extraite de l'intérieur ainsi que l'énergie consommée par le compresseur à une température avoisinant les 50°C, contribuant potentiellement à l'augmentation des températures urbaines.
L’avis de celui qui paye la facture !
Le coût total combinant eau et électricité pour le rafraîchissement adiabatique dépend du prix du kWh et du coût par mètre cube d'eau. En prenant en compte une consommation électrique réduite de 90% et un coût approximatif de 5 € par mètre cube d'eau, les coûts d'exploitation peuvent être réduits d'au moins six fois par rapport aux systèmes traditionnels de climatisation.
100 L d'eau par jour pour rafraîchir 100 m2 est-ce beaucoup ?
La consommation journalière d’un français moyen (en intégrant toutes les consommation directs et indirects comme celle liée à la nourriture et à l’achat de biens matériels) est supérieure à 5000 litres.
On a tendance à oublier qu’il faut une quantité d’eau très importante pour arriver à produire un steak : 4600 litres d’eau pour 300g, ou pour produire un jean : 11000 litres.
Tout bien de consommation nécessite de l’eau pour sa production mais contrairement au rafraîchissement, ces procédés qu’ils soient agricoles ou industriels polluent l’eau et la planète.
Le rafraîchissement par évaporation, qu’il vienne des arbres ou de rafraîchisseurs ne pollue pas la planète.
Parlons d’entropie, l’unité de mesure du chaos, et de l’impact sur la planète
Dans le cas de l’électricité
L'utilisation de l'électricité augmente l'entropie de la planète, en particulier lorsque produite par des sources non renouvelables comme le charbon, le pétrole, ou le gaz naturel, qui libèrent d'importantes quantités de chaleur dans l'environnement, exacerbant le réchauffement global. Même l'électricité issue de sources renouvelables, telle que l'énergie solaire ou éolienne, nécessite des infrastructures et des matériaux qui peuvent aussi affecter l'environnement. Ainsi, la production d'électricité, quelle que soit sa source, contribue à la dégradation environnementale, à l'utilisation intensive des ressources naturelles, et à la génération de déchets.
Dans le cas de l’adiabatique
Le refroidissement adiabatique est un processus où la température d’un système baisse sans échange de chaleur avec l’environnement extérieur. Dans ce scénario, l’entropie du système reste constante car il n'y a pas de transfert de chaleur. L'entropie, qui mesure le désordre ou la répartition de l'énergie dans un système, ne change pas lors d'un refroidissement adiabatique puisque, bien que l'énergie interne diminue avec la baisse de température, la répartition de cette énergie au sein du système ne varie pas. Ainsi, malgré la réduction de la température, l'entropie du système demeure inchangée.
L’eau peut se récupérer, pas l’électricité
Comme nous l'avons vu, chaque kWh consommé augmente l'entropie de la planète, mais ce n'est pas le cas de l'eau. L'eau évaporée, ainsi que l'eau évacuée lors de sa régénération (pour éliminer les concentrations minérales), rejoint le cycle perpétuel de l'eau. Nous la retrouvons sous forme de pluie et il est alors possible de la récupérer.
Bien que le rafraîchissement adiabatique par évaporation ne présente aucun risque sanitaire, notamment grâce à l'absence de microgouttelettes, l'utilisation de l'eau de pluie pour ce type de refroidissement est soumise à des restrictions visant à protéger la qualité de l'eau et l'environnement. Voici quelques règles importantes à suivre :
- L'eau de pluie collectée ne doit pas être en contact avec des matériaux ou substances susceptibles de la contaminer, tels que des produits chimiques, des pesticides ou des déchets
- L'eau de pluie doit être filtrée et traitée pour éliminer les impuretés avant d'être utilisée pour le refroidissement adiabatique
- Il est interdit d'utiliser l'eau de pluie collectée pour le refroidissement adiabatique si elle est destinée à un usage alimentaire ou sanitaire
- Il est recommandé d'installer des dispositifs de contrôle et de surveillance pour garantir la qualité de l'eau de pluie utilisée
- Il est important de respecter les règles de bonnes pratiques en matière de gestion de l'eau de pluie pour limiter les risques de prolifération de bactéries ou de contaminants
L'utilisation de l'eau de pluie uniquement pour le rafraîchissement par évaporation réduit les contraintes réglementaires, car l'eau transformée en vapeur ne présente pas les mêmes risques que l'eau liquide. De plus, il n'y a pas de restrictions spécifiques liées à l'ICPE 2921 pour ce type d'utilisation.
Conclusion sur le rafraîchissement adiabatique et la consommation d'eau
Bien que le rafraîchissement adiabatique consomme de l'eau, il est important de noter que la production d'électricité nécessaire pour alimenter les climatiseurs en consomme également. Cependant, l'impact environnemental global du rafraîchissement adiabatique est généralement moindre par rapport à celui de la climatisation.
- Consommation électrique réduite : moins de CO2, moins d’entropie
- Pas de gaz à effet de serre
- Pas de réchauffement via l’évacuation des calories à l’extérieur
- Produits plus économiques, moins couteux à l’exploitation
- Possibilité de récupérer l’ingrédient essentiel à son fonctionnement : l’eau
- Participe au cycle naturel de l’eau
Le rafraîchissement adiabatique nous a été donné par la nature. Associé à des bâtiments dont la conception permet de réduire les charges thermiques cette technologie permet de maintenir le niveau de confort recherché avec une consommation d’eau faible et sans impact sur l’environnement.
Il est également important de noter que la climatisation par compresseur électrique a une empreinte carbone substantiellement plus élevée que celle du rafraîchissement adiabatique, considéré comme une solution low-tech. Cette différence s'explique par la diversité et la complexité des composants utilisés dans les systèmes de climatisation, souvent produits et transportés depuis des lieux éloignés, bien au-delà de nos frontières.
Enfin n’oublions pas que l’origine de du réchauffement climatique viens de la production de CO2 elle-même proportionnelle à la consommation d’énergie, en divisant par 10 le besoin en énergie pour une même production de froid l’adiabatique contribue à réduire l’impact des besoins en rafraichissement sur la planète.
La question que je me pose c'est une fois évaporée que devient cette eau dans le bâtiment ?
Si elle s'échappe à l'extérieur pas de pbm mais quelle part condense à l'intérieur ?
Condensation = dégagement de chaleur mais aussi risques de moisissures ou autres soucis liés à l'humidité.
Attention je ne dis pas que c'est pas bien, juste que je m'interroge sur la suite du cycle.