Par Emmanuel Acchiardi, Sous-directeur DHUP
La réglementation environnementale 2020 se prépare pour remplacer la RT 2012. Des évolutions importantes voire un changement de paradigme avec la dimension carbone vont concerner toutes les constructions neuves. Voici en exclusivité et en vidéo pour les lecteurs d'XPAIR la conférence d’Emmanuel Acchiardi, lors de la Journée de l'Efficacité Energétique et Environnementale du Bâtiment EnerJ-meeting, le 10 octobre dernier à Nantes.
La préparation de la future réglementation environnementale
Nous revenons rapidement sur l’expérimentation E+C- lancée maintenant il y a à peu près 3 ans. L’idée est de tester des bâtiments neufs, des bâtiments réels selon les standards du référentiel E+C- donc à la fois en énergie et en carbone, le référentiel qui lui-même avait été élaboré auparavant avec l’ensemble des acteurs.
Le deuxième intérêt était, au vu des résultats de cette expérimentation grandeur réelle, d’adapter les exigences de la future réglementation qui nous attend ces prochains mois, et de faire monter en compétence l’ensemble de la filière notamment sur ces nouvelles questions de carbone et d’analyse du cycle de vie.
Il y a donc le référentiel énergie carbone qui est la méthode de calcul, les niveaux énergie de 1 à 4 en allant vers l’énergie positive et 2 niveaux de carbone 1 et 2 ; le niveau 2 étant le plus exigeant, analyse sur l’ensemble du cycle de vie à la fois en construction et en exploitation avec la double approche, donc un seuil gaz effet de serre qui est la somme d’un seuil sur les produits de construction et un seuil exploitation.
Près de 1000 opérations testées au travers du label E+C- qui préfigure la future RE 2020
Il y avait également un label non obligatoire mais pour attester son résultat en E et en C, la possibilité de se faire labelliser, d’avoir une attestation d’atteinte d’un niveau, puis un observatoire dans lequel nous regardons quelles sont les performances des opérations qui rentrent.
A ce jour, nous en sommes à peu près à moins de 1 000 opérations depuis presque trois ans. Cela n’a pas commencé tout de suite, les acteurs ne se sont pas précipités et cela s’est accéléré en 2017 lorsqu’il y a eu confirmation que nous irions vers une réglementation environnementale qui serait sur l’énergie et le carbone.
Ce que nous pouvons constater c’est une dominante de résidentiel, d’abord bâtiment collectif, notamment les logements sociaux, parce qu’il y a eu une opération dédiée au logement social pour expérimenter des logements sociaux plus performants que les standards actuels, la maison individuelle qui était partie la première avec des pionniers qui voulaient tester la maison individuelle E+C- et puis le tertiaire qui est arrivé après, à ce jour il y a à peu près 14% des bâtiments qui sont tertiaires, là aussi avec un problème de représentativité, de diversité, comme déjà précisé le tertiaire c’est des bâtiments très différents, donc sur ces 1 000 opérations, il y a une centaine de bâtiments tertiaires.
Ce que nous pouvons observer c’est un échantillon restreint de quelques mois, nous voyons que la plupart des bâtiments sont entre E2 et E3 et entre C1 et C2, nous pouvons avoir globalement un C1 mais en réalité sur la partie produits de construction c’est plus difficile d’atteindre le niveau C1, nous voyons bien que la difficulté, parce que c’est le principal impact, c’est d’atteindre des bonnes performances sur la partie construction par rapport à la partie exploitation, cela donne une représentation avec tous les points d’une opération, ce nuage de points situe les opérations par rapport à l’échelle E et C sur 487 bâtiments, il faudra regarder dans quelques semaines l’Observatoire dans sa globalité.
Si nous regardons par rapport aux typologies de bâtiment
Nous voyons que le logement collectif est un peu mieux situé que la maison individuelle sur les échelles carbone, et ceci était sur un échantillon de 200 opérations. Si nous regardons en fonction du contributeur nous voyons bien que le poids des matériaux des produits de construction par rapport à l’énergie, par rapport au chantier, nous voyons bien le poids respectif des différents contributeurs de l’impact carbone en fonction des typologies maisons individuelles, logements collectifs et bâtiments tertiaires.
Si nous regardons en fonction du matériau de construction
C’est intéressant de voir que nous avons plus d’opérations béton, car c’est la vraie vie aujourd’hui, nous voyons que quel que soit le matériau utilisé nous pouvons atteindre les niveaux entre C1 et C2. Nous avons la même chose sur les différents vecteurs énergétiques. L’expérimentation visait à montrer que quels que soient les modes constructifs, quels que soient les vecteurs énergétiques, les niveaux avaient été calés pour que l’ensemble des situations constructives et énergétiques soient présentes et c’est le cas aujourd’hui dans l’expérimentation, nous avons un échantillon suffisamment représentatif pour pouvoir le vérifier.
Comment allons-nous procéder pour aller vers la réglementation environnementale RE 2020 ?
Cet observatoire qui a à peu près un millier de bâtiments, nous amène à la question : comment allons-nous aller vers la réglementation environnementale ?
En fait nous y sommes déjà depuis plusieurs mois, donc d’abord les objectifs de la RE ne sont pas tout à fait ceux qu’ils étaient quand nous avons lancé l’expérimentation, depuis il y a un élément important qui est la loi Elan publiée en 2018 qui est venue pour la première fois parler de la performance environnementale des bâtiments. Tout ce qui n’était finalement qu’une expérimentation, une ambition de progression s’est concrétisée dans la loi et c’est un élément important, et donc avec notamment la partie de la capacité de stockage de carbone est inscrite dans la loi, donc la prise en compte de la capacité des matériaux de construction à stocker du carbone est dans la loi et donc la nouvelle réglementation doit le prendre en compte, ce qui veut dire par rapport au début de l’expérimentation qu’il faut affiner les objectifs car cela influe sur ce que nous préparons à la future réglementation RE 2020.
Nous avons bien sûr renforcement de la sobriété de l’efficacité et cela est une continuité par rapport aux années précédentes, aux réglementations précédentes nous sommes donc dans la suite. Généraliser le recours à la chaleur renouvelable, là nous avons également un autre élément qui est arrivé depuis l’expérimentation qui est la Programmation Pluriannuelle de l’Energie, on a une politique énergétique évidemment le bâtiment est un volet important de cette politique énergétique donc toute action politique et publique sur le bâtiment ne peut ignorer ce qui se passe sur la politique énergétique, donc le recours à la chaleur renouvelable est un objectif, une priorité de la PPE , cela ne l’était pas autant forcément en 2015, 2016 lorsque nous avons mis en place l’expérimentation et de ce fait c’est un objectif supplémentaire qui est venu pimenter nos travaux de la préparation de la RE.
Autre élément et au fil du temps nous voyons bien que c’est un élément important, c’est l’amélioration de la prise en compte du confort d’été, aujourd’hui dans la RT nous avons un indicateur du confort d’été qui n’est absolument pas satisfaisant, qui n’est pas représentatif avec des épisodes de canicule plus nombreux, plus longs et évidemment nous nous posons la question comment prendre en compte d’une part le confort d’été dans sa réalité et comment l’intégrer dès l’amont, le confort d’été ne doit pas être une composante supplémentaire mais qui doit être pris en compte en amont dès la conception du bâtiment, cela s’appelle le bio-climatisme.
Sur le climat, la nouveauté c’est la prise en compte du carbone de l’impact climat sur l’ensemble du cycle de vie et donc la loi Elan qui est venue rajouter la partie stockage carbone. Vous voyez des objectifs un peu différents de ce qu’ils étaient à l’entrée de l’expérimentation.
Comment avons-nous procédé depuis quelques mois pour l’élaboration de la RE ?
D’abord il y a eu un travail d’expert comme précisé il y a des sujets nouveaux, confort d’été, stockage du carbone, …, un certain nombre de groupes d’experts il y en a eu 16, ceux qui sont en bleu sont les travaux restants ou encore en cours – cf. Vidéo , la plupart des travaux ont été faits pour la première partie de la concertation qui était sur la méthode.
Un certain nombre de travaux vont se dérouler notamment ceux qui évoquent la conformité réglementaire ou les innovations et également la complétude des données. La plupart des travaux d’expertise ont déjà eu lieu et ont été transmis aux partenaires que nous avons concertés.
Nous avons donc fait la partie méthodes de calculs et les indicateurs, donc cette partie est derrière nous, il y a des arbitrages en cours, nous allons tester en général les différents indicateurs, énergie, carbone, chaleur renouvelable car c’est un élément nouveau, capacité des matériaux à stocker du carbone car c’est aussi un élément nouveau, confort d’été car c’est important, cette première phase acte que nous allons tester tous ces indicateurs.
Ce qui nous attend c’est le plus difficile, c’est la partie exigence, C’est le cœur du dispositif. Nous allons exploiter l’observatoire E+C- dont nous vous avons présenté quelques résultats partiels, nous allons l’exploiter sur sa totalité, nous allons faire une phase de modélisation car nous sommes en train de recruter plusieurs bureaux d’études pour faire des simulations de plusieurs centaines de bâtiments et tester tous ces indicateurs qui ont été définis dans la première partie de la concertation, et par la suite nous engagerons sur la base de ces travaux la deuxième phase de concertation sur les exigences réglementaires donc le seuil du E et le seuil du C, l’énergie et le carbone et cela se passera début 2020 et printemps 2020. Puis il y aura l’écriture des textes, la publication des textes est prévue conformément à la loi Elan en 2020, et la loi Elan précise que l’entrée en vigueur de ces textes interviendra à partir de 2020.
Le troisième volet qui est important est le volet d’accompagnement des acteurs
Tout ce que nous avons actuellement nécessite que les acteurs s’approprient la méthode, les questions des données environnementales, les outils, etc., donc il y a un groupe de concertation dédié qui a commencé à travailler mais qui va monter en puissance au moment où nous allons finir les exigences sur les besoins de formation pour tels et tels publics, les bureaux d’études, les architectes, les entreprises et donc quelles compétences à acquérir, quels outils nécessaires, donc ce groupe de concertation va monter en puissance en 2020.
Il y a ces 3 volets, l’un antérieur, l’un qui est le cœur de la réglementation, les exigences, quels seuils nous allons mettre, en exploitant l’observatoire et en faisant un travail supplémentaire de modélisation sur les bâtiments.
Quelques points de vigilance nous attendent
Il y a cette question des données environnementales, nous avons énormément progressé depuis le lancement de l’expérimentation, elle a eu aussi pour intérêt de faire prendre conscience aux industriels, aux fabricants de matériels d’équipements qu’il fallait avancer sur cette question, donc les données ont été de plus en plus nombreuses, à ce jour il y a plus de de 2 000 références, que ce soit en équipement ou en produit mais il reste encore beaucoup de manquements et donc nous avons recours à des données pénalisantes qui alourdissent le bilan carbone artificiellement donc nous n’avons pas le vrai poids carbone et c’est dommage, ou alors il y a des méthodes de types configurateurs pour avoir des familles de données mais ce n’est pas aussi fiable et précis que les données spécifiques par produit, donc il faut que nous travaillons encore pendant les mois restants avant l’entrée en vigueur de la réglementation sur cette question des données environnementales, c’est vraiment un sujet important.
Le recours à la chaleur renouvelable est aussi un sujet intéressant à de débattre car la question est de savoir si c’est un moyen ou un objectif, et si cela finalement nous emmène vers des filières précises ou des équipements au lieu de laisser le champ ouvert à plus de dispositifs énergétiques.
Le deuxième sujet c’est la faisabilité économique
Dans l’Observatoire, nous regardons la faisabilité technique et nous regardons aussi les coûts, à quel coût obtenons-nous tel ou tel niveau ? A ce jour nous n’avons pas encore un échantillon assez fiable et diversifié pour avoir des résultats, mais évidemment que nous regardons les correspondances entre les coûts et la faisabilité technique quand les maîtres d’ouvrage nous donnent les données. C’est vrai, dans le logement social, c’est la contrepartie des aides, la bonification lorsqu’ils font des opérations performantes, nous pouvons exiger d’eux des données économiques, c’est un peu plus difficile dans les autres secteurs. Nous regarderons ce sujet au moment de passer à la réglementation 2020.
Le troisième sujet de concertation c’est que les acteurs soient bien formés, compétents et que la réglementation soit appropriée pour qu’elle puisse se mettre en œuvre.
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"RE 2020 : après l’expérimentation E+C-, les dispositions réglementaires pressenties"
Conférence d'Emmanuel Acchiardi, Sous-directeur de la qualité et du développement durable dans la construction, DHUP
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"RE 2020 : après l’expérimentation E+C-, les dispositions réglementaires pressenties"
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Architecte de formation et administrateur civil, Emmanuel Acchiardi a exercé plusieurs postes au sein des services déconcentrés du ministère chargé de l'environnement. Il a été directeur adjoint à la direction villes et territoires durables à l’ADEME de 2011 à 2016. Depuis 2016, il est responsable à la DHUP de la sous-direction chargée d’élaborer et mettre en oeuvre les politiques de la qualité de la construction.
Sources et liens