Par Vincent Lallemand, responsable efficacité énergétique Cegibat, GRDF - Article rédigé par Cédric Rognon, journaliste
Les études ont été menées dans le cadre du partenariat entre SIA Habitat et GRDF et elles ont été réalisées par le bureau d’études BH Environnement. Elles avaient pour objectif d’étudier l’impact de la RE2020 sur un bâtiment d’habitation collectif de 53 logements situé à Pérenchies (59) en zone climatique H1a, livré fin 2021. L’impact sur l’enveloppe du bâti a été étudié dans un premier temps, puis les conséquences sur les systèmes énergétiques.
Ces études ont été réalisées en début d’année 2022.
La variante de base est un bâtiment Bbio RT2012 - 20 % qui nécessite quelques améliorations pour passer le Bbio RE2020.
Sans surprise, c’est le mode constructif en ossature bois qui obtient le meilleur résultat Bbio.
En fonction des différents modes constructifs et pour la chaudière individuelle gaz, l’écart sur l’IC Construction a été étudié, mettant en valeur comme attendu le bon positionnement de l’ossature bois sur ce critère. L’ossature bois qui avait de très bons positionnements sur l’indicateur Bbio et IC Construction est cependant très pénalisée sur le calcul des DH, puisque le bâtiment a une inertie très faible. Cela aura donc un impact conséquent sur les consommations fictives de refroidissement et donc le Cep nr.
Quelques pistes d’améliorations ont été étudiées pour diminuer ces DH
L’hybridation vaut aussi pour les modes constructifs puisqu’on constate ici que le cas ossature bois + béton bas carbone se positionne plutôt bien sur les trois critères évalués : Bbio, IC Construction et DH.
Étude des différents modes constructifs
Variation du Bbio
Variation de l’IC Construction
Étude de sensibilité sur les DH
Variation des DH
« L’enveloppe va jouer un rôle déterminant. »
Gaetan Deprez,
Responsable innovation énergétique
SIA Habitat
Pourquoi avoir lancé une telle étude ?
Gaetan Deprez : La RE2020 constitue une nouvelle étape dans la conception des logements avec la prise en compte du CO2 pendant les phases construction et exploitation. Nous gérons 46 000 logements dont 80 % chauffés au gaz, principalement des chaudières individuelles. Il nous fallait déterminer si nos pratiques actuelles étaient soutenables et quelle énergie s’inscrirait le mieux à l’avenir dans cette stratégie bas carbone, tout en garantissant la maîtrise de la facture énergétique pour nos locataires et du coût de maintenance de nos équipements.
Que retenez-vous de cette étude ?
G. D. : L’enveloppe va jouer un rôle prédominant dans la RE2020. Pour les matériaux, les premiers seuils ne seront pas restrictifs pour la partie carbone. Mais ces seuils vont baisser et nous devrons alors trouver le bon équilibre entre performance énergétique et environnementale. Pour les systèmes, il faudra se questionner pour chaque projet sur la pertinence de l’énergie utilisée.
Quel avenir pour les solutions gaz dans vos futurs bâtiments ?
G. D. : Jusqu’à présent, nous avions recours presque systématiquement à la chaudière gaz pour sa fiabilité, son confort à l’usage et sa pertinence économique pour nos locataires. Pour nos futurs logements, les solutions gaz devront permettre en plus d’exploiter leur excellente complémentarité avec les énergies renouvelables afin d’aboutir à une consommation plus intelligente. De cette façon, ces solutions nous permettront d’équiper nos futurs logements avec des systèmes énergétiques qui conservent les atouts du gaz pour nos locataires, et qui sont compatibles avec les enjeux environnementaux des prochaines décennies.
« La collaboration avec les architectes est particulièrement importante en RE2020. »
Brieuc d’Herbecourt,
Dirigeant du bureau d’études thermiques
BH Environnement
Quels sont les changements notables par rapport à la RT2012 ?
Brieuc d’Herbecourt : Le plus gros changement est l’analyse du cycle de vie (ACV). C’est un nouveau métier à apprendre. Le nombre d’indicateurs, avec l’apparition des indices Cep, Cep nr, IC Construction, IC Énergie et DH (Degrés-Heures), est aussi plus élevé que dans la RT2012. Les DH sont l’occasion d’alerter les maîtres d'ouvrage (MOA) sur l’inconfort d’été, sujet qui va devenir prépondérant pour construire des bâtiments durables. Chez BH Environnement, nous avons d’ailleurs décidé de ne plus travailler sur les bâtiments de bureaux présentant une grande surface vitrée, que l’on continue à construire mais qui constituent selon nous un non-sens énergétique et écologique.
Quel est le positionnement des solutions gaz ?
B. d’H. : Il n’y aura pas de grand changement jusqu’en 2025 dans le collectif, où on pourra continuer d’installer des chaudières gaz classiques. La PAC hybride permettra de conserver des solutions gaz après 2025. Mais l’inconnue concerne la maintenance de ces nouveaux systèmes. On ne sait pas vraiment combien cela va coûter !
Avez-vous rencontré des difficultés pour réaliser cette étude ?
B. d’H. : Non, même si certaines fiches PEP manquaient. Plus largement, le principal problème sera celui des ACV. Dans le Nord (les habitudes de travail sont, me semble-t-il, différentes selon les régions), ce sont les entreprises qui réalisent les plans d’exécution en début de chantier. Il est difficile d’avoir des ACV précises, par exemple pour connaître les quantités de béton ou d’acier utilisées pour les fondations. L’ACV, qui constitue une valeur clé pour déterminer la conformité à la RE2020, n’est pas facile à anticiper et maîtriser.
Quelles sont les évolutions dans votre manière de travailler aujourd’hui ?
B. d’H. : Nous espérons chez BH Environnement que des interactions fortes et constructives vont continuer, voire augmenter, avec les architectes, les MOA et, pourquoi pas aussi, avec les occupants qui vont devoir s’emparer de ces nouveaux systèmes. La collaboration avec les architectes est particulièrement importante parce que la RE2020 encourage la compacité des bâtiments. Et aussi, un bâtiment durable doit bien s’intégrer dans la ville. Il faut que les habitants soient heureux de le voir dans 50 ans.
Par Vincent Lallemand, responsable efficacité énergétique Cegibat, GRDF. Auteur de la revue Vecteur GAZ, revue d’information de GRDF pour les acteurs de l’énergie du bâtiment
Extrait du Vecteur Gaz 138, numéro spécial consacré à la RE2020
Article rédigé par Cédric Rognon, journaliste
Source et lien
Article intéressant qui met en valeur l'inertie thermique, paramètre primordial pour le confort d'été, particulièrement en zone méditerranéenne.