Par Gérard GAGET, Responsable Activité Rafraîchissement Adiabatique ADEXSI
Principe naturel et ancestral, le refroidissement adiabatique revient au goût du jour grâce à son faible impact environnemental avec aucun gaz réfrigérant et une consommation électrique très faible sans compresseur, pour un investissement souvent moindre qu’une climatisation.
Les progrès réalisés ces dernières années permettent de répondre à des besoins et applications de plus en plus larges : ERP, bureaux, enseignement, … et même datacenters.
Gérard Gaget revient sur l’évolution des produits et du marché ces dernières années et sur les perspectives de cette solution de rafraîchissement écologique avec un principe 100% naturel.
Le principe du refroidissement adiabatique
Pour passer de l’état liquide à l’état gazeux l’eau a besoin d’énergie. La mise en contact de l’air avec l’eau permet l’évaporation de celle-ci et l’abaissement de la température de l’air. Un rafraîchisseur adiabatique permet l’échange entre l’air et l’eau et l’insufflation d’un air plus frais. On parle de refroidissement adiabatique car l’énergie totale de l’air reste la même (si on occulte l’énergie du ventilateur), l’énergie sensible est transformée en énergie latente sous forme de vapeur d’eau. C’est la chaleur gratuite de l’air qui permet d’évaporer l’eau, d’où un bilan énergétique particulièrement favorable. Le schéma ci-dessous représente les composants que l’on retrouvera dans cette technologie.
Principe du refroidissement adiabatique
Les prémisses ou l’histoire du refroidissement adiabatique
Alors qu’elle a été utilisée par toute les civilisations avant la nôtre pour l’habitat ou même maintenir la fraîcheur des aliments, le refroidissement adiabatique refait son apparition après les premiers chocs pétroliers lorsqu’on commence à chercher des solutions moins énergivores pour refroidir l’air.
Tout d’abord cantonné aux applications industrielles et aux grands volumes la technologie apportait une solution aux projets où la climatisation était trop coûteuse ou mal adaptée. Le refroidissement adiabatique trouvait sa place entre des solutions d’extraction mécanique renouvelant l’air sans le rafraîchir et des solutions de climatisation onéreuses à l’achat ainsi qu’à l’exploitation.
Le but recherché était à l’époque de maintenir un minimum de confort naturel à moindre coût.
En droite ligne avec le développement durable et les prochaines réglementations
En 1997 les accords de Kyoto sont signés. Ils entrent en vigueur en 2005 et obligent les pays signataires à réduire leur empreinte carbone. L’impact de la climatisation, de ses gaz réfrigérants et de ses consommations électriques sur la planète est identifié et les fabricants doivent trouver des solutions aux niveaux des réfrigérants utilisés mais aussi sur la performance des produits de climatisation.
La solution de refroidissement adiabatique refait donc surface car c’est un principe de rafraîchissement 100% naturel, simple et efficace : plus l’air extérieur est chaud, et plus le rafraîchissement adiabatique est efficace !
De plus, la réduction des émissions de GES qu’intègrent dorénavant les réglementations européennes et françaises vont impliquer chaque entreprise, chaque collectivité à s’engager vers des actions environnementales et bas carbone. La prochaine réglementation environnementale RE 2020 sera une des contraintes majeures à respecter dès 2021.
Ainsi, les fabricants de refroidisseurs d’air adiabatique font également évoluer leurs produits pour offrir une alternative réelle à la climatisation classique et ce pour un nombre grandissant d’applications : ERP, bureaux, enseignement, maisons de retraite, salles de sports, locaux commerciaux, locaux industriels, datacenters, …
Des refroidisseurs adiabatiques plus performants
Rafraîchisseur par évaporation sur le toit d’un local de grande hauteur
L’expérience des premières années avait démontré que le refroidissement adiabatique permettait d’amener du confort dans toutes les régions tempérées du globe, celles où la chaleur n’était pas associée à une humidité trop importante. Une optimisation des produits était cependant nécessaire.
- Régulation : La performance du procédé adiabatique est liée à la température et à l’hygrométrie extérieure; il n’est donc pas possible de choisir une température de soufflage. Celle-ci, pour les zones géographiques favorables, est inférieure à 25° même par temps chaud, il est donc possible de maintenir une température de confort en adaptant le débit d’air aux apports calorifiques. La température de soufflage étant la plupart du temps aux alentours de 23,5°C par 35°C extérieur, il est possible de maintenir une température mesurée de 28°C correspondant à un ressenti de 26°C pour un déplacement d’air de 1 m/s environ. C’est la variation de vitesse qui permettra ainsi de maintenir la température de confort souhaitée. Une limite haute d’hygrométrie peut être rajoutée pour s’assurer que l’hygrométrie ne dépassera jamais un certain seuil. Une sonde de température extérieure permet de basculer du mode freecooling (ventilation seule) au mode adiabatique (pompe de circulation d’eau en marche).
- Une meilleure gestion de l’eau : La présence d’eau dans le système entraîne une crainte liée à la légionellose. Les solutions par ruissellement permettent, grâce à un contact entre l’air et l’eau sur média et sans entraînement de gouttelettes, d’éviter tout risque de transmission de bactéries. Elles sont aujourd’hui préférées à la brumisation où le risque de transmission entraîne des contraintes fortes. L’adiabatique par ruissellement n’est pas soumis à l’ICPE 2921. Une bonne gestion de l’eau permet également d’éviter toute eau stagnante en enclenchant des cycles de renouvellement d’eau. Ces mêmes cycles permettent d’éviter l’encrassement en minéraux lié à l’évaporation. La fréquence doit être réglée en fonction du Th (la dureté) de l’eau et de la quantité d’eau évaporée.
- Des échangeurs adiabatiques plus performants :
Le cycle de Maisotsenko appliqué à certains rafraîchisseurs adiabatiques permet faire de l’adiabatique indirect avec un seul échangeur et de se rapprocher du point de rosée. Cela consiste à faire passer de l’air déjà rafraîchi indirectement à travers à un échangeur à plaques vers le côté « humide » pour pouvoir se rapprocher progressivement du point de rosée. Une partie de l’air soufflé passe par des perforations dans la partie humidification de l’échangeur, 20% de l’air soufflé est ainsi perdu dans le procédé mais sa température est plus froide. Le coût actuel de ce type de produit limite pour l’instant son application à des applications de process comme des salles de serveurs mais ce procédé devrait se développer à l’avenir.
- Utiliser l’eau résultante pour le premier étage indirect :
L’eau qui n’est pas évaporée tombe dans un réservoir pour être recyclée. L’eau se retrouve naturellement à une température proche du bulbe humide de l’air (22°C pour une température extérieure de 40°C avec 20% d’HR). En faisant passer l’eau dans une batterie froide, il est possible de refroidir l’air de manière indirecte sans augmentation du poids d’eau dans l’air. L’air refroidi par ce premier étage passe ensuite à travers un échangeur adiabatique direct avec augmentation du poids d’eau en enthalpie constante.
Les différentes améliorations ont permis au rafraîchissement adiabatique d’offrir une alternative pour des applications autrefois réservées à la climatisation.
De nombreux ERP ont ainsi été réalisés notamment dans les bâtiments de grands volumes où des économies importantes pouvaient être réalisées aussi bien au niveau des investissements que de l’exploitation. Un rafraîchisseur adiabatique ne répondant qu’à la problématique de confort d’été, il était devenu important de pouvoir intégrer ce procédé dans des solutions globales et le combinant à d’autres produits.
Refroidissement adiabatique intégré à des solutions globales
Avec des CTA double-flux : Le procédé adiabatique appliqué au rafraîchissement impose un bon renouvellement d’air. Le débit passant à travers un média adiabatique doit impérativement être supérieur ou égal au débit de renouvellement d’air. Ce principe étant respecté, un module adiabatique peut ensuite être positionné sur l’air neuf, sur l’air soufflé (adiabatique direct avec apport en vapeur d’eau sur l’air neuf) ou sur la reprise (adiabatique indirect sans apport de vapeur d’eau sur l’air neuf). Le positionnement sur la reprise est souvent privilégié pour les ERP et les applications tertiaires où la concentration de personnes entraîne une augmentation de la chaleur latente. Il est en revanche nécessaire d’avoir un rendement élevé au niveau de la roue ou des échangeurs à plaques pour ne pas réduire la capacité de rafraîchissement. L’exemple ci-dessous donne les températures restituées pour un rendement global de récupération au niveau de la CTA de 80%.
Il est important pour toute solution intégrant un module adiabatique que le pilotage de de celui-ci soit optimisé. La CTA ou la GTC ne doit pas enclencher le freecooling alors que le module adiabatique permet une température de soufflage inférieure à celle de la température extérieure. La sonde de reprise de la CTA doit être déportée pour pouvoir mesurer la température avant le module adiabatique. Dans l’idéal, la CTA doit piloter le processus adiabatique avec un contact demande de froid et pouvoir réguler la roue en fonction la température en sortie de module adiabatique. L’activation de l’adiabatique permet de ne pas être obligé d’attendre qu’il fasse frais à l’extérieur pour rafraîchir le bâtiment dans les périodes d’inoccupation. Un rafraîchissement actif durant 12 heures d’inoccupation permet d’abaisser la température de manière significative et de pouvoir profiter de l’inertie du bâtiment pour les moments les plus chauds.
- Avec des CTA simple-flux : On est alors forcé de faire de l’adiabatique direct avec insufflation de l’air rafraîchi dans l’ambiance mais ce type de solution convient tout à fait aux grands volumes. Il est simplement nécessaire de prévoir un système d’évacuation de l’air naturel ou mécanique. Il est possible pour l’hiver d’intégrer une batterie d’eau chaude ou un échangeur gaz. Un caisson de mélange est également nécessaire pour limiter l’apport d’air neuf au besoin hygiénique alors qu’on est en tout air neuf l’été.
- Avec des roof-top : Tout roof-top ayant une fonction free cooling peut potentiellement intégrer une fonction adiabatique. Alors que le circuit thermodynamique se met normalement en marche dès que la température extérieure augmente. Il sera possible grâce à la fonction adiabatique de limiter le fonctionnement de la climatisation aux heures les plus chaudes.
- Avec des CTA équipées de roues dessiccantes : Pour les zones géographiques humides ou par soucis d’optimisation de l’abaissement de température, des CTA avec roues dessiccantes peuvent être utilisées pour assécher l’air et rendre le refroidissement adiabatique plus performant. Le coût élevé de ce type de produit n’est justifié que pour des applications de type process ou lorsqu’il y a à disposition une source de chaleur car la roue dessiccante doit être en permanence asséchée pour être régénérée. Le solaire thermique ou une source d’énergie process peuvent être utilisés.
Avantages principaux de la technologie adiabatique
Technologie adiabatique évoluée dans les espaces de grandes hauteurs
Le principal atout de l’adiabatique vient de sa faible empreinte carbone due à une consommation énergétique négligeable. Les consommations énergétiques sont dix fois plus faibles qu’une climatisation et dans le cas d’un raccordement sur ventilation existante, carrément négligeables.
Dans le cas d’une climatisation, la chaleur absorbée dans le bâtiment s’ajoute à l’énergie du compresseur pour être évacuée vers l’extérieur. Ainsi en essayant de maintenir la fraîcheur dans les bâtiments on réchauffe la planète. En adiabatique seule l’énergie nécessaire pour ventiler est perdue. L’eau évaporée n’est ni perdue ni polluée. Dans un bâtiment où il faut combattre 30 kW d’apport, une climatisation consommera environ 10 kW alors qu’un rafraîchisseur seulement 1 kW. La consommation en eau surtout un été sera de 25 m3 environ. L’eau utilisée retournera dans l’atmosphère ou dans les eaux pluviales, c’est le cycle naturel de l’eau. L’utilisateur fera des économies (1000 € par an environ) tout en réduisant son empreinte carbone.
Rafraîchissement adiabatique : Economies d’énergie et empreinte écologique limitée
- Aucun gaz réfrigérant, ni produit chimique.
- Une consommation électrique très faible.
- Une consommation d’eau optimisée : elle dépend de la température extérieure.
- Une utilisation possible de récupération d’eau de pluie : double solution écologique.
- L’eau utilisée n’est pas polluée : une partie s’évapore et une autre est évacuée dans les eaux pluviales. Le cycle naturel de l’eau est respecté.
- Aucun risque de légionellose : aucune micro-gouttelette n’est entraînée dans le flux d’air, la vitesse à travers les échangeurs étant trop faible. Les rafraîchisseurs ne sont pas soumis aux arrêtés ministériels du 14 décembre 2013.
Retour d’expérience pour rafraîchir naturellement sans climatisation : UrbanSoccer à Angers
En 2019, sur le site de l’UrbanSoccer situé à Angers, la climatisation d’origine défaillante a été remplacée par des rafraîchisseurs adiabatiques à soufflage vers le bas. Retour d’expérience sur une solution confortable, saine et rentable …
Rafraîchissement adiabatique pour le gymnase UrbanSoccer à Angers
Une ouverture à travers la toiture a été réalisée par l’agence Nord-Ouest de SIA afin de permettre la mise en place d’un système de diffusion d’air par gaine textile au niveau des couloirs d’accès aux terrains. Cette mise en place permet de ne pas avoir de gaine directement au-dessus de la zone de jeu ; le système de soufflage longue portée permettant d’amener l’air et de créer un confort thermique sur l’ensemble du terrain.
Aujourd’hui, chacun des cinq espaces indoor de foot de ce centre UrbanSoccer dispose d’un rafraîchisseur autonome permettant une souplesse totale d’utilisation.
Les rafraîchisseurs fonctionnent en «tout air neuf» eu égard au renouvellement d’air à apporter aux occupants, l’air vicié est donc renouvelé en permanence, pour un air frais, hygiénique et confortable.
Alors que la climatisation assèche l’air, ce qui peut rendre malade, les rafraîchisseurs d’air par évaporation maintiennent une hygrométrie bénéfique pour le corps humain selon les recommandations de la norme NF 7730. L’électricité statique diminue et le bon fonctionnement des machines est assuré.
Retour d’expérience pour climatiser un datacenter
Les locaux techniques (salles électriques, serveurs informatiques, etc.) subissent des apports calorifiques importants. Les calories sont générées par le matériel informatique situé à l’intérieur du local.
Schéma d'une climatisation traditionnelle pour datacenter
Si l’apport d’air neuf est insuffisant, il peut faire chaud même pour de faibles températures à l’extérieur du bâtiment. Lorsque ce type de local est équipé de climatisation traditionnelle, celle-ci fonctionne presque toute l’année avec de coûts d’exploitations très importants.
Les solutions de Rafraîchissement d’Air par Evaporation utilisent dans un premier temps le fonctionnement « free cooling » c'est-à-dire la fraîcheur « gratuite » à l’extérieur du bâtiment pour maintenir la température souhaitée. Il faut pour cela prévoir une introduction d’air neuf ainsi qu’une évacuation.
Le maintien du taux d’hygrométrie souhaité est assuré par un appareil situé à l’intérieur du local.
Que se passe-t-il lorsque la température est élevée ? L’air neuf est refroidi de façon adiabatique.
Il en résulte un air suffisamment frais et humide pour garantir les conditions souhaitées dans le local et cela avec 10 fois moins d’électricité consommée et cela sur 365 jours sans discontinuer.
Au-delà de 18°, le système adiabatique s'enclenche et la températre de soufflage n'excède pas 23°
Conclusion
Si l’on veut continuer de rafraîchir les bâtiments sans réchauffer la planète, le refroidissement adiabatique s’imposera comme l’alternative naturelle à la climatisation, voire une solution de référence.
Combiner l’adiabatique à des solutions de ventilation permet d’en optimiser le fonctionnement.
Le vrai bouleversement consistera à concevoir des bâtiments avec un renouvellement d’air suffisant et combiné au refroidissement adiabatique afin d’obtenir un confort d’été avec le minimum de consommation électrique et d’impact en termes de gaz à effet de serre (GES).
L’être humain aura toujours besoin de confort, à lui d’utiliser les solutions que la planète lui propose naturellement, les anciennes civilisations l’avaient compris.
Avec les crises climatiques et les canicules à répétition, la solution de rafraîchissement adiabatique est appelée à un développement important, en neuf comme en rénovation.
Par Gérard GAGET, Responsable Activité Rafraîchissement Adiabatique, ADEXSI, co-fondateur de Cooléa et concepteur de la gamme de rafraîchisseurs AdiaBox
Source et lien
Bonjour,
Les datacenters font souvent intervenir des équipements informatiques variés en puissance et en contraintes environnementales - le fameux couple température/hygrométrie -.
Il serait sage d'ajouter en précision les systèmes de refroidissement adiabatique directs ne peuvent s'appliquer à toutes les salles informatiques et qu'une étude des conditions de fonctionnements des serveurs est obligatoire.
Par ailleurs, la puissance frigorifique de ces systèmes est tributaire du bulbe humide extérieur et se voit réduite lorsque l'air extérieur devient de plus en plus humide.
Selon les niveaux de fiabilité requis dans la salle informatique, il sera toujours nécessaire de prévoir un dispositif de refroidissement actifs à compression mécanique.
Ne pas oublier de mentionner que l'eau utilisée dans ces systèmes est de l'eau potable et que les consommations d'eau peuvent devenir importantes dans le cas de puissances élevées. La disponibilité de l'eau potable devenant un enjeux majeur dans notre avenir.