Par Robert PELZER - ingénieur et président du BET BETEC
Une simulation informatique montre-t-elle automatiquement l’intérêt des émetteurs inductifs des poutres froides par rapport aux ventilo-convecteurs classiques ? Ci ces derniers sont équipés de ventilateurs très basse consommation, qu’en est-il du bilan réglementaire avec le moteur actuel du CSTB ? Nous avons dans le cadre d’une réhabilitation de bureaux parisiens effectué la simulation qui s’est avérée riche d’enseignements.
Bureaux basse consommation ?
Pour la rénovation d’immeubles tertiaires il est possible, en fonction de l’architecture, d’envisager et de comparer deux solutions courantes :
- Les poutres froides : terminaux à induction permettant la flexibilité des locaux
- Les ventilo-convecteurs basse consommation 4 tubes ou 2 tubes 2 fils, équipés de moteurs à très faibles consommations électriques.
Dans le cas du présent projet, le choix de comparaison s’est porté vers ces deux types d’émetteurs, car ils sont annoncés comme équipements dit basse consommation appropriés aux projets de type BBC. Une simulation logicielle avec le moteur de calculs RT 2005 officiel du CSTB a permis d’obtenir des résultats pour le moins surprenants et démontrant que chaque solution technique aussi performante soit-elle sur le papier, est à replacer dans un contexte global et approprié
Caractéristiques du projet
. Bâtiment existant de 19 000 m² situé à Paris, réceptionné en décembre 2000.
. Usages : bureaux, activité liée à la téléphonie mobile
. Energie - chauffage CPCU - rafraîchissement CLIMESPACE
L’installation actuelle comprend
- des ventilo-convecteurs 4 tubes de type classique (ayant des puissances électriques de moteur de ventilation de l’ordre de 80 W)
- des centrales de traitement d’air d’un débit total de 51 305 m³/h pour les bureaux équipés de récupérateurs par batterie d’échange et pompe de charge (efficacité 40%)
Les consommations moyennes sur 3 ans pour le bâtiment actuel donnent les valeurs suivantes
. Chauffage : 1 147 MW/an soit 60,4 kWh/m²/an
. Rafraîchissement : 1 212 MW/an soit 63,8 kWh/m²/an
. Usages électriques : 2 563,5 MW/an soit 134,9 kWh/m²/an
Simulation de calculs RT 2005
Nous avons réalisé une simulation globale avec le moteur officiel du CSTB relatif à la RT 2005, à l’aide du logiciel CLIMAWIN.
Bâtiment existant :
. Cep = 184,28 kWhep/m² Cep réf. = 172,48 kWhep/m
. déficit = - 6,84 %
- Commentaires : le bâtiment a été réceptionné fin 2000. Il n’avait pas l’obligation d’être conforme à la RT 2000. Il n’est pas conforme non plus à la RT 2005 comme le déficit ci-dessus le montre
Bâtiment équipé de ventilo-convecteurs 4 tubes basse consommation (de l’ordre de 7W par moteur électrique à courant continu) :
. Cep = 170,64 kWhep/m² Cep réf. = 172,48 kWhep/m
. gain = 2,7 %
- Commentaires : le fait de remplacer les ventilo-convecteurs initialement alimentés par des moteurs de 80 Watts et de les passer avec des moteurs de 7 W dits à très bases consommation, donne un gain qui rend conforme le bâtiment à la RT 2005. Nous verrons si cet état de fait est satisfaisant.
Bâtiment équipé de poutres froides 4 tubes. (Cette solution nécessite des centrales de traitement d’air de 124 000 m³/h) :
. Cep = 170,64 kWhep/m² Cep réf. = 172,48 kWhep/m
. déficit = - 11,71 %
- Commentaire 1 : les poutres froides nécessitent la mise en œuvre de débit d’air neuf conséquent qui « plombent » le bilan énergétique et le coefficient Cep. De sorte que cette solution poutres froides est encore moins intéressante que les ventilo-convecteurs existants.
- Commentaire 2 : cette simulation et cette situation étonnante pour des équipements poutres froides est relative à un projet à replacer dans son contexte. Peu isolé thermiquement et avec des charges internes (téléphonie/informatique) importantes, le bâtiment est peu approprié à une technologie poutre froide pour laquelle les puissances sont modérées.
Poutres froides : oui mais pour un bâtiment isolé et à charges modérées
Interprétation de la simulation réglementaire
Nous constatons pour le cas particulier de ce bâtiment existant une solution poutre moins
performante que la solution ventilo-convecteurs, cependant nous pouvons pondérer ces résultats :
Le bâti n’est pas très performant et nécessite des terminaux assez puissants, ce qui implique un débit d’air primaire pour les poutres assez important.
Le free-cooling en mi-saison chaude n’est pas pris en compte par la RT 2005
Les gains de rendement sur la production frigorifique dûs à des températures d’évaporation plus élevées ne sont pas valorisés.
Equipements performants : traiter le bâti auparavant
La poutre froide possède bien des avantages en termes de flexibilité d’espace et de confort. Elle s’adapte néanmoins à des charges frigorifiques maîtrisées. La poutre froide reste compatible avec tout type d’activité bureautique, téléphonique ou autre, en rénovation comme en neuf. Il s’agit auparavant de veiller à protéger le bâti (isolation et protection solaire) et à limiter les apports internes (luminaires basse consommation, …). Si nous comparons les solutions ventilo-convecteurs et poutres froides dans un contexte de bâtiment mal isolé et mal protégés de ses apports externes et internes, alors le potentiel énergétique de solution comme les poutres froides n’est plus mis en valeur.
Dans le cas précis du projet de bureaux de 19000 m², la solution ventilo-convecteur émerge à condition de réaliser un remplacement complet de tous les équipements avec des moteurs basse consommation, ne consommant que 7 Watt/unité. En tant que thermicien, nous ne pouvions nous satisfaire d’une solution avec un si faible gain sur le Cep (+2.7%) et avons préconisé une analyse plus globale sur le bâti, et l’optimisation des charges internes.
En résumé …
L’objectif basse consommation dans des opérations de réhabilitation de bureaux ou autres doit passer par une vision globale de l’investissement. Les préconisations techniques ponctuelles ne sont pas toujours judicieuses ni même intéressantes sur le plan du bilan énergétique. Dans le cas du projet de 19000 m² de bureaux, il était erroné de préconiser une solution poutre froide sans traiter les charges initiales, externes et internes. Résultat : le maître d’ouvrage devant les déficits ou les faibles gains démontrés, a stoppé son « investissement équipements » pour repenser plus globalement l’efficacité énergétique de son bâtiment.
Robert PELZER - Président du BET BETEC
Robert PELZER, Ingénieur ENSAIS spécialisé génie thermique, dirige le bureau d’études technique parisien BETEC. Il intervient dans des opérations importantes de réhabilitation de bureaux et de surfaces commerciales à caractéristiques basse consommation.
www.betecsa.com