Par David Lebannier – Ingénieur énergie-environnement - BET Pouget Consultants
La RE2020 est progressive avec des seuils carbone de plus en plus contraignants en 2025, 2028 et 2031.
Ce retour d’expérience concerne un bâtiment de 24 logements collectifs à Paris (11ème), multi-certifié BBCA, effinergie+, biosourcé, … et montre que d’ores et déjà il est relativement facile de respecter les seuils carbone 2025 de la RE2020 actuelle.
Cette présentation de David Lebannier du BET Pouget Consultants, effectuée lors de la Journée d’EnerJ-meeting le 31 Mars dernier, est proposée en exclusivité aux lecteurs d’XPair et de plus en vidéo de 20 minutes !
Retour d’expérience RE2020 en logements collectifs avec seuils échéance 2025
Les indicateurs qui vont évoluer dans la RE2020 sont les indicateurs carbone
RE2020 : évolution des exigences en 2025, 2028 et 2031
Pour la prochaine échéance de la RE2020 en 2025, l’indicateur Bbio qui caractérise la qualité de l’enveloppe, ainsi que les consommations d’énergie primaire et le confort d’été ne sont pas impactés. Les deux indicateurs qui vont évoluer c’est l’Ic Construction, impact carbone des produits de construction, et l’Ic Energie (émissions de carbone des consommations d’énergie). Soit, comme le montre le graphique ci-avant, un bond de 12% en 2025, un bond vraiment significatif pour l’Ic Energie puisque l’on divise par plus de deux les valeurs, avec une petite dérogation pour les réseaux de chaleur pour leur laisser un peu plus de temps pour se décarboner, puisque ce sont des acteurs qui mettent un peu plus de temps à se décarboner.
Les incidences des seuils 2025
Pour l’indicateur Ic Energie, dès aujourd’hui c’est assez simple d’évaluer les incidences. Plus de gaz fossile en 2025, pour ne parler que des logements collectifs.
Les solutions hybrides – faisant intervenir deux générateurs l’un à côté de l’autre, pas besoin forcément d’être sous le même capot, c’est par exemple une pompe à chaleur qui va faire l’eau chaude sanitaire et la chaudière gaz va faire l’appoint et qui intervient sur le chauffage.
Ce combo nous l’utilisons déjà très régulièrement depuis de très nombreuses années, c’est une technique maîtrisée et qui peut être compatible « seuils 2025 » de la RE2020. Ce combo fonctionne par exemple sur le principe que la pompe à chaleur travaille sur l’eau chaude sanitaire et le gaz pour le chauffage, c’est une solution en capacité de respecter les seuils 2025. En parallèle, il va falloir renforcer le niveau d’isolation pour compenser un peu les émissions, donc c’est possible mais avec un renforcement de l’isolation significatif du bâti.
A noter que ce qui émerge dans les mois qui viennent, ce sont des solutions où la pompe à chaleur reste avec un appoint gaz mais qui intervient également sur le chauffage. Si nous admettons que cette pompe à chaleur fait 50% du chauffage, cette solution, ce package n’a plus besoin de renforcement d’isolation pour passer les seuils 2025. Nous pouvons aller encore plus loin, l’enjeu maintenant va être que la pompe à chaleur intervienne réellement et que ce ne soit pas le gaz qui prenne le relais dans la vraie vie du bâtiment, ou du moins de façon minime.
Pour l’indicateur Ic Construction, nous faisons la comptabilité des éléments qui constituent le bâtiment et nous leur mettons une donnée environnementale en face, un impact carbone. Il se trouve que la base INIES, qui collecte ces données, est en perpétuelle évolution puisque les acteurs fournissent et justifient leur impact carbone. Si nous faisons une analyse de cycle de vie aujourd’hui nous n’obtiendrons pas le même résultat que si nous faisions une analyse de cycle de vie en 2025, nous n'aurions pas les mêmes données environnementales. La base INIES va nécessairement évoluer dans le bon sens et les valeurs par défaut, pénalisantes, se réduire progressivement.
Aujourd’hui si nous faisons une analyse de cycle de vie, nous obtenons un résultat à 740 kgCO₂ c’est une moyenne, il y a environ 200 kgCO₂ de valeur par défaut ou de lot forfaitaire, 40 kgCO₂ seulement sur les lots architecturaux, nous sommes bientôt au bout du chemin, il reste quelques éléments à justifier, et 160 kgCO₂ dans les lots CVC, plomberie, électricité avec une partie de ces lots qui va sûrement évoluer significativement puisque ces acteurs, qui n’étaient pas encadrés dans le E+C-, pour eux c’est tout nouveau de faire cette comptabilité carbone pour le CVC, électricité, nous leur laissons un peu de temps pour justifier tout cela.
En 2025 nous aurons moins de valeurs par défaut, donc l’impact carbone dans le bâtiment diminuerait si nous refaisions le calcul en 2025.
Incidence de seuils 2025 de la RE2020
Au fur et à mesure que les acteurs industriels vont fournir des données environnementales, nous allons savoir caractériser plus précisément chacun des éléments et optimiser plus facilement le calcul. Il y a notamment des configurateurs qui font leur entrée, des logiciels qui nous permettent de définir plus précisément ces données. Tout cela va dans le bon sens.
Les industriels, les acteurs vont optimiser leur process de fabrication, et nous BET maître d’œuvre, nous allons monter en compétence. Aujourd’hui, ces exigences amènent certes un peu de frustration dans la conception des bâtiments. Mais il va falloir que les architectes, les maîtres d’ouvrage et nous-mêmes BET, nous apprenions à concevoir avec ce réflexe de conception pour composer et construire à plus bas carbone.
Il sera plus simple de respecter la RE2025 que la RE2020
Globalement, il est assez difficile de savoir quelles vont être les incidences techniques concrètes des seuils 2025, 2028 et 2031. Nous pressentons que ce sera beaucoup plus simple de respecter la RE2025, c'est-à-dire les seuils 2025, que de respecter la RE2020 actuelle. Plus de données environnementales, plus d’outils et logiciels, des acteurs engagés et formés, etc ...
Et ainsi va aller la courbe d’apprentissage pour respecter également les prochains seuils 2028 et 2031.
Si nous avions à parier, nous dirions que ce bâtiment aurait la capacité de respecter plus facilement les seuils 2028, voire peut être plus.
Retour d’expérience d’un bâtiment RE2025
Bâtiment RE2025 de 24 logements dans Paris (11ème)
L’enjeu de ce retour d’expérience « RE2020 – seuils 2025 », soit un bâtiment de 24 logements collectifs à Paris (11ème), est que déjà il se situe en milieu urbain dense avec notamment ce grand immeuble à l’arrière - Cf. photo - qui a une vue directe sur le toit du bâtiment, une difficulté supplémentaire non négligeable pour intégrer des pompes à chaleur, et donc une contrainte visuelle et acoustique à traiter.
Le mode constructif est assez innovant. En façade nous avons des éléments préfabriqués, une ossature bois, avec une façade en béton de 7 ou 8 cm qui est coulée en usine et connectée à la façade. L’intérêt c’est que nous gardions une finition extérieure minérale que nous pouvons matricer, ce qui nous donne une liberté architecturale.
Côté structure du bâtiment, c’est un mixte bois-béton, mais chacun de ces éléments à un rôle structurel. Il y a des solives, nous fermons et nous venons couler en place, nous aurions pu le faire en préfabriqué, une dalle béton de 8 ou 12 cm. Cet élément béton n’est pas là juste pour être déposé sur l’élément bois, il joue vraiment un vrai rôle structurel. Il est solidaire grâce à ses connecteurs du bois et il joue un rôle structurel autant que le bois.
Mode constructif bâtiment RE2025
Côté équipements techniques, nous sommes sur du 100% pompes à chaleur. C’est une solution de chauffage collectif, avec une pompe à chaleur monobloc haute température qui est disposée en toiture et qui alimente un réseau d’eau. Celui-ci descend dans un local technique alimenter des ballons d’eau chaude, et ensuite l’installation reste, vue d’avion similaire à une chaufferie gaz terrasse. L’un des intérêts de cette solution, c’est que nous ne venons pas bousculer les métiers que nous sollicitons actuellement dans le bâtiment : réseaux bitubes de chauffage, ballons d’eau chaude, …
Pompe à chaleur en toiture : soigner ses flux d’air et son acoustique
Attention néanmoins avec la PAC en terrasse car il y a un enjeu acoustique, une pompe à chaleur ça vibre et un bâtiment ossature bois c’est particulièrement sensible aux vibrations. Ici, nous avons un mode constructif bois-béton qui encaisse un peu mieux les vibrations, ce n’est pas vraiment un enjeu mais si nous avions été sur du 100% ossature bois, deux solutions plus contraignantes auraient été étudiées :
- Soit la pompe à chaleur à solidariser du noyau béton qui est souvent là pour des raisons structurelles dans les bâtiments ossature bois.
- Soit la mettre sur une dalle béton, des plots anti-vibratiles, voire des ressorts, mais nous sommes encore presque dans l’expérimental et là, nous manquons de retour d’expérience.
Ic Energie est largement au-delà du seuil de 2025 donc nous pouvons aller beaucoup plus loin, et un Ic Construction où l’on passe les seuils 2025 sans trop de problèmes, avec un lot CVC fluides qui a un peu gonflé à cause de la pompe à chaleur, mais un lot structure et autre qui a diminué.
Ce n’est pas le seul moyen de respecter cette RE2025, qui au passage va sûrement nous être exigée dans les « Pinels plus » dans certains actes, certains labels dès aujourd’hui.
Nous aurions pu faire par exemple du 100% bois en structure, nous aurions pu aussi, et c’est un certain challenge, mobiliser du béton bas carbone et être très attentif à l’impact carbone du second œuvre, d’aller très loin sur le second œuvre.
Conclusion : on a besoin d’aller plus loin que la RE2020
Ce retour d’expérience montre que nous pouvons d’ores et déjà atteindre des seuils plus ambitieux que ceux de base de la RE2020 actuelle. Cependant, nous avons besoin d’aller loin afin d’être en rupture sur le carbone, et également sur le confort d’été à ne pas oublier.
Il faut qu’on apprenne aujourd’hui à concevoir des bâtiments qui soient compatibles avec le confort d’été de demain, crise climatique oblige. Nous ne pensons pas que ce soit le cas à ce jour. Il faut que nous définissions ce qu’il faut faire et si nous ne savons pas le faire aujourd’hui, il faudra anticiper les évolutions que pourrait avoir ce bâtiment d’ici 2050.
Par ailleurs, le futur label RE2020 sera également un tremplin intéressant à saisir dès que possible pour aller plus loin que la réglementation qui représente par définition le seuil le plus bas à ne pas franchir.
Par David Lebannier – Ingénieur énergie-environnement - BET Pouget Consultants
Sources & Liens