Par Anne Demians, architecte et urbaniste et Bruno Georges, directeur développement grands projets et innovation, OTEIS.
Voici le regard croisé d'une architecte et d'un ingénieur sur un retour d'expérience bas carbone d'envergure intégrant la mixité tertiaire.
Les deux intervenants, dans le cadre d’EnerJ-meeting Paris le 7 septembre dernier, sont : Anne Demians, architecte et Urbaniste, Présidente Architectures Anne Demians et Bruno Georges, Directeur développement grands projets et innovation du bureau d’études environnement OTEIS.
Ce projet de mixité tertiaire/logements de 75 000 m² à Aubervilliers, montre la complémentarité inventive et constructive entre architecte et ingénieurs, la mixité et l’évolutivité d’un bâtiment pour les lecteurs d’XPair, en voici la synthèse et la vidéo exclusive.
Regards croisés d'une architecte et d'un ingénieur pour un retour d'expérience d’ICADE
L’architecte Anne Demians pose le projet …
(Extrait de la vidéo) - La spécificité urbaine et la tâche historique du projet, c’est de préserver ce rapport aux entrepôts, avec cet espace en creux qui s’organise autour des halles, donc c’est par cet assemblage assez particulier hybride d’entrepôts ou de halles à rez-de-chaussée, avec des bureaux qui peuvent se transformer en logements, que ce projet y trouve toute sa légitimité et tout son rapport avec l’histoire industriel du site. Cela dégage des espaces assez importants avec cette idée que le bâtiment n’est pas autiste " d’est en ouest " ou " de nord au sud ", il sera ouvert à la fois sur la ville et sur des espaces ouverts.
REVERSO à Aubervilliers pour ICADE – Opération de 75 000 m² ‐ Activités, bureaux et logements
Au rez-de-chaussée, des espaces disponibles avec des éclairages zénithaux, cela n’empêche pas d’avoir un objet d’architecture et dans les étages la possibilité d’accueillir des bureaux et des logements mixtes, avec des plateaux extrêmement fluides et potentiellement des logements.
Donc, cela est la perspective des bureaux qui sont attachés à intégrer toute la technicité embarquée pour des bureaux, avec comme nous le verrons avec des dimensions passives qui sont intégrées afin de pouvoir minorer au maximum cette technicité.
Zone du rez-de-chaussée
75 000 m² c’est très grand et très important, et tout le travail que j’ai essayé de faire à travers de ce projet c’est d’assumer « densité » et « fluidité », notamment à travers un espace en creux assez important de 2 300 m² d’une seule pièce qui sera réellement le puits carbone du projet, et également l’attention à toujours avoir, et ce sera un lieu où l’on ira, un bel espace dans lequel en fait, il y a une vraie dimension humaine.
Puits carbone
Et Bruno Georges, de poursuivre : le carbone élément de conception
Le carbone, nous pouvons voir cela comme « écolo », nous pouvons voir cela comme une « contrainte » de plus nous en avons déjà quelques-unes, et nous pouvons voir cela comme une « dynamisation » de nos habitudes.
Avec des chiffres, nous pouvons voir que nous sommes largement au seuil E3, nous sommes à peu près au seuil C2, nous avons un peu de marge de sécurité compte tenu du contexte, nous savons que nous avons sécurisé le devenir. Nous sommes en avant-projet et nous avons déjà une ACV qui a plus de 200 lignes, nous sommes déjà vraiment dans le détail parce que nous nous apercevons que cette culture carbone ce n’est pas si intuitif que cela, nous n’avons pas vraiment encore les réflexes pour dire « si je tire sur cette ficelle là, ça va bouger au bon endroit », donc nous sommes obligés de tester de nombreuses pistes, d’être dans les détails même si les outils, les fiches que nous avons ne sont pas aussi riches et adaptables, et lorsque nous regardons ce bilan nous nous apercevons que la façade pèse pas mal et c’est un élément fort, cette façade est un des éléments de la réversibilité de tertiaire en résidentiel et donc, l’attention carbone que nous avons sur cette façade doit être forte.
Exemple : L’optimisation des protections solaires des façades nous a amené à combiner protections fixes et mobiles : chaque élément fixe n’a pas ou peu d’impact maintenance, entretien, renouvellement, réduit ceux nettement plus élevés des protections mobiles et améliore la fiabilité globale, …
Cette vision carbone, ce qui est très important de comprendre c’est aussi le plaisir de travailler ensemble, c’est que cela enrichit les rapports entre les concepteurs, car au début nous avons un façadier qui est un peu dans la résistance, parce que les enjeux de décisions ne sont pas guidés par les mêmes indicateurs, et puis d’un seul coup, nous nous rendons compte le poids que ça pèse ce carbone dans la conception, le côté affûté, le côté du détail même en avant-projet, et donc nous nous apercevons que dans une équipe de maîtrise d’œuvre, dans laquelle les gens sont capables de discuter entre eux, d’échanger, de partager, et bien cela enrichit le projet. Personnellement, philosophiquement, cela enrichit les gens et permet aussi l’agilité puisque nous quittons un peu les choses bien assises de notre propre culture, et donc nous comprenons mieux la culture de l’autre, et cela est vraiment transversale dans toute l’équipe, les ingénieurs structures, les ingénieurs façades, bien entendu les architectes, les ingénieurs environnements, les ingénieurs fluides, et du coup cette projection à 50 ans amène à faire des choses différentes.
Nous nous apercevons - schémas ci-avant - qu’en mixant les protections fixes, donc à faible maintenance, à impact carbone plus faible, à coût plus réduit avec de la protection mobile, nous arrivons à des résultats que nous attendions.
Le fait de passer de tertiaire en résidentiel c’est 30 kg de carbone au m². Nous sommes en train de nous rendre compte qu’uniquement par un travail fouillé vraiment pas simple, nous nous apercevons que l’adaptabilité de tertiaire en résidentiel a un impact carbone très faible, 30 kg par rapport à 900 kg si nous voulions reconstruire du résidentiel à cet endroit-là. Cette analyse carbone démystifie les choses, la catastrophe de la double façade.
Et l’architecte Anne Demians de continuer …
La question de ce travail est effectivement sur le poids carbone, avec la question des usages.
Je crois beaucoup à la dimension passive des bâtiments, car nous avons beau avoir une attention partagée sur les usages pour qu’ils soient vertueux, fermer les stores le soir, le matin, etc …, en réalité nous savons que ce n’est pas complétement suivi, et donc dans le bilan général d’un bâtiment, en termes dépenses énergétiques, nous savons très bien que nous aurons beaucoup moins besoin de puissance pour réguler des apports de chaleur qui ne seraient pas souhaités en périodes chaudes.
C’est une chose à laquelle je tiens beaucoup car je pense que ces coursives, ces balcons que je mets sur l’ensemble de la périphérie des bâtiments, que j’avais mis également sur le projet « Black Swans » et qui s’est avéré assez anticipateur de la question du Covid, en fait ce rapport aux espaces extérieurs qui est devenu extrêmement prégnant. Pour ma part, je ne conçois jamais un logement sans espaces extérieurs, les « Black Swans » étaient très généreux sur cet élément-là.
Donc anticiper les nouveaux besoins, et là je pense que pour cette opération nous allons faire des adjonctions de loggias, anticiper également les nouvelles façons de travailler et donc du coup facilement pour les logements ».
Je reviens sur le rôle de ces balcons, donc trois apports :
1 - Coursives d’entretien pour les bureaux
2 - Balcons pour les logements
3 - Brise-soleil
Car la partie haute est assez transparente pour ménager la vue en profondeur, la partie basse est plus opaque et donc permet de faire un brise-soleil passif, et faire en sorte avec l’adjonction d’une allège en partie basse, relève la partie vitrée en partie haute, cela crée forcément une arrivée de lumière en profondeur. Celle-ci est protégée sur une majeure partie en été, donc les rayonnements assez verticaux, protège sans avoir l’adjonction ou très faiblement à certaines heures du soir dans les façades " est et ouest " d’un store sur une seule travée, et en hiver on a plutôt tendance à laisser passer la lumière …
>> Regardez la vidéo de l’intervention > lien
Par Anne Demians, architecte et urbaniste et Bruno Georges, directeur développement grands projets et innovation, OTEIS.
Sources & Liens