Par Christian CARDONNEL - Président de CARDONNEL Ingénierie et de l'association ENERPLAN
Avec l'annexe de l'arrêté du 20 juillet paru au JO du MDDTL le 10 août 2011, la réglementation énergétique du bâtiment se complète ….. 1377 pages, 1772 formules référencées, 249 tableaux référencés, 17 chapitres, un fichier PDF de 12 Mo ….. un vrai petit dictionnaire, aussi épais que le petit ROBERT, clin d'œil malicieux à Jean Robert MILLET qui a été la cheville ouvrière de la méthode en relation avec la DHUP et les différents intervenants.
1°) La France : première au record du monde de la réglementation thermique
Avec une méthode de calcul « conventionnelle » au pas horaire, je pense que la France arrive en première place du « Guinness Book » des records du monde de la réglementation thermique du bâtiment.
Si la méthode de calcul est conventionnelle, elle reste très complète et trop complexe aux yeux de certains, pas assez précise et cohérente pour d'autres, et elle doit à mon avis être expliquée et au fil du temps être rendue plus pédagogique. C'est ce que j'essaie de faire en particulier dans le secteur du résidentiel, mais ce n'est pas de tout repos.
Bien sûr dans cette méthode de calcul, certaines conventions, éléments et paramètres de calcul et d'intégration sont discutables. Au fil des mois, soit via les fameux Titres V, soit via la pratique terrain les choses vont s'organiser et peut-être se simplifier.
Il est vrai que les effets de lobbying des uns et des autres, ont conduit à des équilibres parfois complexes :
- Comment prendre en compte les bonnes pratiques d'isolation et d'inertie thermique ?
- Comment concilier la gestion rigoureuse des apports solaires lumineux et thermiques ?
- Comment associer l'émission et la génération de chauffage et d'eau chaude sanitaire sans faire des aigris ?
Il faut que les éléments pris en compte soient opposables et bien souvent certifiés …. Ce n'est pas si simple et les novations ne sont pas toujours faciles à décrire et à prendre en compte.
Quid des recours en conseil d'état déposés par Uniclima et le Gifam ? Pour l'instant pas grand-chose et silence radio, mais il sera bien nécessaire de les traiter en particulier pour les nouveaux concepts et la prise en compte des énergies renouvelables et fatales du bâtiment (eaux grises, air vicié ….). Les industriels, les concepteurs rivalisent d'ingéniosité et la normalisation a bien du mal à suivre.
Je ne suis pas sûr par exemple que la méthodologie de prise en compte des EnR soit en cohérence avec la directive européenne ENR 2009-28-CE.
Une étude et l'analyse détaillée de la méthode TH BCE 2012 permettent de mieux comprendre, mais malheureusement cela n'est pas donné à tous, par manque de temps ou de savoir-faire et avec le moteur de calcul élaboré par le CSTB le syndrome de la « boîte noire » va perdurer.
2°/ La réglementation thermique 2012 n'est pas un outil de conception et de prévision !!
C'est vrai, la réglementation dite RT 2012, n'est pas un outil de conception, surtout avec les conventions prises en compte, mais aujourd'hui, il est difficile de trouver les moyens et le temps de faire une vraie conception avec autant de détails et c'est bien dommage. La pertinence économique d'une bonne conception et d'un vrai travail cohérent de l'équipe de maîtrise d'œuvre (architectes, bureaux d'études spécialisés) avec le maître d'ouvrage étant bien souvent la meilleure des solutions.
Le « calcul administratif RT 2012 » c'est une étape indispensable, il ne doit pas se substituer à la conception et dans le futur une synergie devra se mettre en place.
N'oublions pas la phase essentielle de construction qui doit être réalisée avec des équipes qualifiées, compétentes et qui comprennent les impacts.
Ensuite, la mise en service, les réglages, l'information des usagers puis l'entretien et la maintenance seront essentiels aux bons résultats de confort et économies d'énergie et de ressources.
Demain les valeurs du Bbio, Tic et Cep, même conventionnelles, vont faire foi et peut être jurisprudence. Et pourtant les aléas climatiques, la qualité de la réalisation, le comportement des usagers et la bonne maintenance des équipements vont impacter lourdement sur le résultat final.
Personne ne juge réellement la consommation de sa voiture sur les valeurs UTAC, mais le comportement du conducteur, la charge de la voiture, le parcours et l'entretien global du véhicule sont beaucoup plus impactants.
Espérons qu'il en sera de même pour le bâtiment, mais c'est moins sûr d'autant que les étiquettes du DPE veillent.
Dans le résidentiel par exemple, se chauffer à 19°C en période d'occupation et 16°C en inoccupation, utiliser 500 litres d'eau chaude à 40°C par semaine et par personne, s'éclairer de façon pragmatique, être absent du bâtiment 2 semaines en août et une semaine entre Noël et jour de l'an …. seront très loin de la vraie vie.
Dans le résidentiel, les autres usages multimédia, électroménager dépasseront bien souvent la consommation des usages conventionnels du chauffage, ECS, éclairage et auxiliaires.
Espérons que les futurs outils de répartition des consommations (prévus à l'article 23 de l'arrêté du 27 octobre 2010) et un suivi cohérent du niveau de confort et des différents aléas permettront de mieux contrôler les dérives.
Demain avec les CPE, GPE, « Contrat et Garantie de Performance Énergétique », les choses vont se cristalliser et il sera très important de valider les règles prises en compte.
3°/ Confort d'été, des avancées à attendre en 2012
Dans la méthode de calcul, le traitement du confort d'été reprend le mode de calcul de la RT 2000 et 2005, il est vrai qu'un travail de fond et mise en cohérence des indicateurs de confort d'été est en cours et que les résultats sont attendus pour courant 2012.
L'aspect confort d'été va devenir primordial car le jeu des apports internes et solaires impacte lourdement le résultat de température ambiante ressentie, heureusement que l'inertie thermique et la ventilation naturelle vont œuvrer pour amortir les dérives de canicule, mais c'est un sujet qui va devenir très sensible.
4°/ Le ménage « progrès » est d'ores et déjà à faire dans la RT 2012 !
Si dans les règles TH BCE 2012, les mots soleil, solaire et photovoltaïque sont présents 588 fois, cela montre bien l'impact important du soleil dans les calculs de BBio, Tic et Cep.
Mais c'est bien au global les mots énergie, finale, primaire et les unités W, kW, Wh et kWh qui sont les plus cités avec 3977 occurrences. Le mot confort est cité 75 fois et « Pompe à Chaleur » n'est jamais cité, sont préférés thermodynamique (40 fois) et PAC (56 fois).
Le mot CO2 est seulement cité 2 fois et encore pour parler de ventilation et pas d'énergie.
La RT 2012 est donc bien une réglementation de la performance énergétique et l'aspect CO2 est bel et bien oublié.
Mais dans l'état actuel des choses, faute d'un consensus et de vraies données sur le contenu énergie primaire et CO2 du kWh électrique il est difficile de faire autrement.
À noter que depuis quelques mois, le site Internet RTE (www.rte-france.com) donne les informations sur le véritable contenu CO2 du kWh électrique au fil des heures, une information à suivre avec l'évolution de la charge du réseau électrique et les effets des pointes de consommation électrique.
Il faut faire un vrai ménage sur les m² de surface pris en compte (m² habitable, utile, SHON, RT ….) et les équivalences en énergie primaire : le 1 pour les énergies fossiles et 2.58 pour l'électricité sont des valeurs conventionnelles françaises qui posent des problèmes de conversion avec les autres conventions européennes. Des analyses en énergie grise et en coût global seront également nécessaires.
Espérons que les futurs labels et la prochaine mouture de la réglementation RT 2020 vers le bâtiment à énergie positive, permettent d'aboutir à un nouvel équilibre, à la fois énergétique, environnemental et économique.
N'oublions cependant pas que le bâtiment existant est un enjeu essentiel et primordial avec une consommation d'énergie très supérieure au neuf (sûrement 100 fois plus).
Il est donc nécessaire de mettre rapidement en place un cadre réglementaire adapté, cohérent et plus simple.
Par Christian CARDONNEL
Christian CARDONNEL (chc@cardonnel.fr), expert auprès de la DHUP et diverses
organisations du bâtiment, anime depuis 30 ans le bureau d'études CARDONNEL Ingénierie spécialisé dans le confort durable du bâtiment.
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Christian CARDONNEL et son équipe vous invite à participer aux 8ème journées de l'Efficience Energétique du Bâtiment qui explorera en profondeur le thème de la Rénovation de l'Habitat, en abordant notamment les phases de Conception, Construction et Commissionnement.
Conçue en partenariat avec CFP (Chaud Froid Performance), L'installateur et SYNASAV (Syndicat National de Maintenance et des Services de l'Efficacité Energétique), cette 8ème Convention se déroulera sur 2 jours, au Pavillon Baltard à Nogent-sur-Marne, les 25 et 26 octobre 2011.
Pour toute information complémentaire, s'adresser à :
CARDONNEL Ingénierie 5, rue Mare-à-Tissier - 91280 Saint Pierre du Perray
Tél.: 01 64 98 25 00 - Fax : 01 64 98 25 09
Email :contact@cardonnel.fr - Site internet : www.cardonnel.fr
1377 pages, etc....espérer une cohérence de ce pavé relève de la méthode Coué ! certes c''est un calcul administratif, et le maître d''ouvrage qui ne veut guère payer deux fois, se contente du calcul RT et oublie la conception....et tout cela finira comme d''habitude au tribunal.