Le solaire thermique séduit le non résidentiel

Par Bernard REINTEAU, journaliste spécialisé 

Nous pouvons déplorer le manque de débats sur la chaleur et le solaire thermique en particulier. Mais il est clair que le secteur du solaire thermique se maintient. Si cette technologie a pratiquement déserté le résidentiel, elle reste porteuse en collectif, en tertiaire et en industrie.


Timmel vue aérienne

L’industrie s’équipe de solutions solaires couplées pour optimiser leurs rendements et réduire les charges d’énergies fossiles ou de réseaux


En quelques années, et malgré le léger sursaut enregistré par Uniclima l’an passé, le solaire thermique est pratiquement sorti du panorama des thermiciens. Pourtant, aux « États généraux de la chaleur solaire » organisés par Enerplan en Juin dernier, les participants ont bien montré le potentiel de cette solution technique.

Les secteurs du logement collectif, du tertiaire et des installations industrielles reprennent désormais à leur compte ces équipements qui ont évidemment pour grand intérêt d’assurer un apport d’énergie important et gratuit.

En industrie, un exemple a été donné par l’entreprise alsacienne Timmel Frères, basée à Beinheim (au nord du Bas-Rhin), spécialisée dans le lavage de cuves de camions-citernes et de conteneurs de liquides.


Exemple solaire thermique dans l’industrie : 40% d’EnR&R

Depuis le milieu des années 2010, cette entreprise ci-dessus s’est progressivement équipée pour réduire ses consommations d’énergies ; à noter qu’elle utilise une eau à 80°C.
Dotée de sa propre station d’épuration, Timmel Frères a commencé, en 2017-2018, par installer un récupérateur de chaleur sur les eaux grises d’une puissance de 1 MW ; la récupération effective moyenne annuelle est de 450 MWh, et cet échangeur permet de préchauffer l’eau en provenance d’un forage sur le site de 11°C à 35°C. Il fournit ainsi environ 17,5% des besoins de chaleur.

À partir de 2020, cette entreprise conseillée par le département « Services énergétiques » d’Électricité de Strasbourg a investi dans une double installation solaire.

- En premier lieu, une centrale photovoltaïque en toiture d’une surface de 850 m² et d’une puissance de 160 kWc. Uniquement destinée à l’autoconsommation, elle contribue à l’alimentation des utilités de l’établissement (éclairage, …) et des équipements (moteurs, pompes, …). Par ailleurs, essentiellement pour exploiter l’énergie photovoltaïque en week-end quand l’activité est au repos, l’énergie renouvelable électrique est mise à profit avec une chaudière électrique de 120 kW. L’eau chaude ainsi produite alimente le stockage principal d’eau de process composé de deux ballons d’un volume total de 100 m³ (60 et 40 m³). Cette centrale photovoltaïque couvre un quart des besoins en électricité du site.


timmel frères

Les très importants besoins d’eau à haute température (80°C) sont assurés par une installation multiénergies : gaz naturel, renouvelables et récupérées


- En second lieu, un champ de capteurs solaires thermiques de 1 200 m² posé à proximité de l’entreprise sur la charpente d’un nouveau bâtiment. D’une capacité de production annuelle de 625 MWh, il alimente un ballon tampon de 60 m³ et couvre un quart des besoins de chaleur.

Ainsi, ensemble, capteurs thermiques et récupération de chaleur sur eaux grises couvrent 43% de la chaleur nécessaire. Le chantier mené par Électricité de Strasbourg avec des fournisseurs locaux (Energy Concept à Betschdorf, panneaux photovoltaïques Voltec produits à Dingsheim-sur-Bruche) a été soutenu par l’Ademe à hauteur de 50% sur sa partie solaire, et par la Région Grand-Est sur l’ensemble du projet solaire à hauteur de 10%. Ce chantier a coûté 1,15 M€ (hors aides), et l’entreprise Timmel estime le délai de retour sur investissements entre 8 et 10 ans.


bilan 2022 solaire

L’investissement de 1,15 M€ (avant subventions) permet d’atteindre un niveau respectable de couverture par les énergies renouvelables
et récupérées de près de 40%, taux validé en 2022


Défier les hausses de prix de l’énergie

En Bretagne, le bureau d’étude IthermConseil, animé notamment par Amandine Le Denn (précédemment chez Tecsol), a présenté plusieurs références dans des secteurs similaires : lavage de poids lourds, blanchisserie et équipement d’un Ehpad. Pour les responsables des sites, l’objectif est prioritairement de baisser la dépendance aux fossiles et de réduire les aléas de factures d’énergie.

Pour l’entreprise Pro Lavage installée à Cholet, spécialisée en lavage de poids lourds, l’objectif était la maîtrise des coûts. Pour un prix de l’énergie gaz de 86 €ht/MWh PCS, la chaleur solaire revient, après 55% de subventionnement du chantier, à 63 €ht/MWh.
Sur ce site qui consomme annuellement 1 300 m³ d’eau à 80°C, soit 96 MWh, l’installation se compose de 130 m² de capteurs avec 9 m³ stockage relié à la bâche existante de 20 m³. D’une productivité de 394 kWh/m².an, la production solaire atteint 55 MWh/an, soit plus de la moitié des besoins (54%).

Autre exemple, en négociation lors de la présentation en Juin dernier : l’équipement de la blanchisserie de l’hôpital de Caudan. Ce service utilise annuellement 11 500 m³ d’eau à 65 °C, soit un besoin thermique de 500 MWh. Le projet est de couvrir le bâtiment de 330 m² de capteurs et d’y associer 30 m³ de stockage. D’une productivité estimée à 606 kWh/m².an, cet investissement prend en charge 40% des besoins, soit 200 MWh/an. Le chantier est estimé à 450 000 €ht et devrait être aidé à 50%. Pour un coût d’énergie fossile de 131 €ht/MWh PCS, le solaire revient à 107 €ht/MWh après subvention. Et avantage incontestable de ces solutions : le prix de l’énergie solaire est pérennisé pour une période longue, au moins 20 ans.


Décret Tertiaire : penser au solaire thermique

Pour IthermConseil, la chaleur solaire convient aussi pour des établissements comme les Ehpad où les consommations d’eau sont à la fois stables et importantes, qui, à plus forte raison sont aussi concernés par la réglementation Eco Énergie Tertiaire (le décret « tertiaire ») ; leurs consommations doivent baisser fortement d’ici 30 ans.

Pour le groupe Orpea, ce bureau d’études a formulé une proposition technique pour réduire les besoins d’énergies traditionnelles de 50% pour la seule production d’eau chaude d’un établissement existant.

Sur un établissement consommateur de 1 100 m³ d’eau chaude à 60 °C chaque année (61 MWh/an), les ingénieurs proposent un champ solaire de 61 m² et un stockage de 3 m³ – la productivité du système solaire est de 530 kWh/m².an.

Pour répondre aux objections des responsables de l’Agence régionale de la santé (ARS), généralement en retrait sur le sujet du solaire thermique en raison du risque légionelles, IthermConseil opte pour un mode « ceinture et bretelles » : le montage du système solaire – capteurs et ballon – sera de type « eau morte » ou « eau technique » * tel que décrit dans le rapport Rage sur les Chauffe-eau solaire collectifs avec stockage en eau morte ; et un appoint assuré par une chaudière à gaz. Ce qui garantit le maintien de température sur le bouclage du bâtiment. Le chantier est estimé à 82 000 €ht, avant aide à 45%. Ici, le coût de l’énergie fossile sur 20 ans est établi à 86 €ht/MWh PCS, et le coût de revient solaire est estimé à 98 €ht/MWh.


solaire-eau-morte-ehpad

Les Ehpad, à la fois gros consommateurs d’eau chaude sanitaire et locaux tertiaires, sont intéressés par les installations solaires thermiques
pour baisser leurs besoins en énergie en toute sécurité sanitaire


Avec un contrat de performance énergétique CPE Solaire

Si la solution solaire semble faire ses preuves en collectif et en industrie, les prescripteurs insistent cependant sur l’importance d’y associer un contrat de performance énergétique.

À noter qu’après leur avoir tourné le dos ces dernières années, les bailleurs sociaux regardent à nouveau ces solutions solaires. Les intérêts sont multiples, et essentiellement ceux de la réduction des charges locatives et d’une couverture minimale de 30 à 40% des besoins d’eau chaude sanitaire.


PACTE


Source et Lien

enerplan

Commentaires

  • simon
    0
    05/10/2023

    Très belle démonstration. Je propose que le prochain " papier " sur le solaire thermique porte sur le chauffage, en plus de l'ECS. En effet, au moins dans la moitié Nord de la France, l'hiver, quand il fait beau, il fait froid ( vent faible de Nord ou d'Est ); donc, hors Décembre et Janvier, ces jours-là, la même installation conçue pour l'ECS peut, moyennant qq tvx de plomberie, participer au chauffage.

    • Bernard
      0
      09/10/2023

      Bonne idée, d'autant que des solutions techniques et économiques "intermédiaires" entre le chauffe-eau solaire individuel (Cesi) et le système solaire combiné (SSC) seraient possibles. Je vais creuser. Merci de votre intérêt pour ces articles.


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