Un thème faussement simple : la ventilation ! Questions réponses

Par Roger CADIERGUES – Consultant et Ancien directeur général du COSTIC



En France la ventilation est considérée comme bien cadrée, qu'il s'agisse de ventilation résidentielle, de ventilation tertiaire ou de ventilation des postes de travail. En fait, il s'agit là, plus ou moins, d'une illusion : ce qui est au point tant bien que mal, c'est la réglementation. Voici donc un riche échange de Questions/Réponses avec Roger Cadiergues, autour du thème « faussement simple » de la ventilation. (extrait des lettres de Rogers Cadiergues).



Ventilation avec centrale de traitement d'air

Ventilation avec centrale de traitement d'air




Un thème faussement simple : la ventilation !


Qu'en est-il de la réalité face aux objectifs fondamentaux de la ventilation, même quand on respecte cette réglementation ?.

RC : Je voudrais, en répondant à cette question, ne pas mélanger ventilation résidentielle, ventilation tertiaire, ventilation du travail et ventilation hospitalière.

Commençons par le tertiaire : la ventilation y bénéficie d'une réglementation basée sur des règles que j'ai pu proposer au Conseil Supérieur d'Hygiène dans le cadre de la mise au point du Règlement Sanitaire type. Ces règles sont les suivantes :


  • caractériser le niveau de « pollution olfactive » due à l'occupation en utilisant le CO2 dégagé par les occupants en fonction de leur activité physique (valeurs scientifiques connues),
  • fixer les valeurs maximales de teneur en CO2 acceptables, en fonction des conventions couramment admises,
  • obliger le concepteur du bâtiment à préciser le nombre d'occupants prévus et leur activité physique, ce qui fixera, local par local, le débit d'air neuf à assurer.



Le critère du CO2 est de ne pas dépasser une teneur donnée, par exemple 1000 ppm (millionièmes en volume) de CO2. Ce critère a maintenant plus de 150 ans, mais n'a jamais pu être remplacé, même si on peut prendre des valeurs un peu plus fortes que 1000 ppm, ne serait-ce que par suite de l'augmentation du CO2 extérieur.


Il y a, pourtant, d'autres critères que le CO2 …

RC : Vous voulez, sans doute, parler de la théorie des olfs et des décipols, due à Olaf Fanger. Malheureusement cette théorie est en complète contradiction avec la totalité des recherches sur l'odorat. Il y a quelques années il nous a fallu regrouper trois pays (la Grande Bretagne, la Belgique et la France : le quorum indispensable) pour nous opposer, à Bruxelles, à un projet de norme européenne sur la ventilation basé sur les olfs et décipols. Un projet qui, de ce fait, n'a pas été adopté (il conduisait d'ailleurs à des débits nettement supérieurs à ceux que nous adoptons actuellement).


N'est-il pas mal commode d'être obligé de fixer a priori le nombre d'occupants …

RC : Sans aucun doute, et je vous dirai plus loin comment on peut faire face à cette difficulté. Il y a bien eu, il y a quelques années, la tentation (pour la réglementation thermique) de fixer une occupation par mètre carré selon le type de locaux, mais elle n'a pas été retenue : nous avons été plusieurs à nous y opposer.


Vous avez indiqué que vous reviendriez sur la spécification en CO2 …

RC : Dans la pratique que je conseille, si le contrôle révèle une teneur en CO2 trop forte, il faut augmenter la ventilation. Mais n'intervenez que si cette teneur est supérieure à 1500 ppm en ordre de grandeur (et non pas 1000). Sinon rectifiez les débits d'air neuf : une intervention lourde en général.


N'est-il pas délicat de se baser sur la mesure de CO2

RC : Quand nous avons fixé les débits au Conseil Supérieur d'Hygiène la base suivante a été adoptée : caractériser la pollution olfactive par la teneur de l'ambiance en CO2, valeur dépendant de l'activité respiratoire des occupants. Malheureusement ces bases n'ont pas été indiquées dans la publication finale du Règlement Sanitaire, et c'est dommage car cela a escamoté le rôle potentiel du CO2 dans la régulation des débits de ventilation. Certaines installations sont actuellement régulées par des détecteurs de présence, mais je trouve cette méthode ambiguë. Utiliser les sondes de CO2 me parait, tout au contraire, la méthode à recommander quand il s'agit de régler les débits de ventilation, et ceci bien que ce soit encore, en France, insuffisamment pratiqué.

Il nous reste, maintenant, à examiner la ventilation du travail.


La « ventilation du travail » est-elle très différente de celle du tertiaire ?

RC : Fort heureusement non : les rédacteurs du Code du Travail ont participé aux travaux du Conseil Supérieur d'Hygiène, et ont décidé d'adopter pour les locaux du travail les mêmes bases que celles que nous avions adoptées pour la ventilation tertiaire, à savoir le nombre et l'activité des occupants se traduisant par une certaine production de CO2. C'est important pour la raison suivante : dans beaucoup d'enceintes coexistent des sujets relevant du Règlement Sanitaire alors que d'autres relèvent du Code du Travail. Par exemple, dans un magasin : les clients (qui relèvent du Règlement Sanitaire) et les vendeurs (qui relèvent du Code du Travail). Les textes sont ainsi rédigés qu'il n'y ait pas d'ambiguïté dans l'addition des exigences en matière de débits d'air neuf.




Quid de la ventilation résidentielle ...


Centrale ventilation



En quoi la ventilation résidentielle est-elle spécifique ?

RC : Spécifique pour des raisons diverses. Cette ventilation a introduit une technique jusque là inhabituelle en habitat : la ventilation mécanique. En 1950 c'était une novation forte par rapport à nos habitudes anciennes, alors basées sur la ventilation naturelle. La solution mécanique des habitations fut proposée en France au cours des années 1950-60, mais elle avait déjà été développée en Suède. Il y a d'ailleurs eu – dans notre pays et dans les années 50-60 - quelques applications du système suédois, en particulier dans une opération pilotée, à Paris, par Louis Voillot.


En quoi consiste ce système suédois ?

RC : Au début des années 1960, pour que nos informations sur ce sujet soient complètes, nous avons demandé au Centre Scientifique du Bâtiment suédois de venir nous présenter à Paris l'expérience ayant abouti au choix cité précédemment, l'origine de la solution adoptée étant la suivante. Durant les années 1940 la Suède, cherchant à réduire ses consommations d'énergie, constata qu'en habitation collective la ventilation, souvent mal maîtrisée, était la source de pertes énergétiques très importantes. Il fut alors décidé de lancer des tests in situ consacrés à une nouvelle technique de ventilation résidentielle dite alors « contrôlée ». Deux systèmes furent testés, l'un en ventilation naturelle, l'autre en ventilation mécanique. Il fut rapidement constaté que seule la solution mécanique permettait un contrôle valable. D'où la solution, dite (en suédois) « ventilation mécanique contrôlée » (par opposition à la « ventilation naturelle contrôlée »).


Quelle fut, finalement, la solution française ?

RC : Reprise en France – et plus ou moins modifiée – la solution suédoise de ventilation mécanique contrôlée est devenue ce qu'il est courant d'appeler, en France, la « VMC ». Avec deux configurations types importantes :

  • d'abord le système dit « autoréglable », stabilisant les débits d'extraction,
  • puis le système « hygroréglable », agissant en fonction de l'humidité des locaux desservis.
  • La réglementation résidentielle n'a pas, en France, été préparée comme pour le tertiaire ou le professionnel : elle a, pour l'essentiel, été créée sous l'impulsion d'un seul homme, d'ailleurs dépositaire de brevets – ce qui ne va pas sans quelques ambiguïtés. Cette réglementation utilise le principe simple suivant : balayer l'air du logement en allant des pièces principales vers les pièces de service, les seuls débits spécifiés étant les débits d'extraction.


Il n'y a donc pas de spécification des débits d'air neuf pour les pièces principales ?

RC : Normalement non, et il n'y a qu'une seule obligation de fait : le total des débits d'air neuf doit être égal au total des débits d'extraction. C'est au concepteur de fixer les débits d'air neuf par pièce principale. Prenons un exemple. Pour un logement de trois pièces principales (une salle de séjour et deux chambres), le total des débits d'extraction réglementaire (une cuisine, une salle d'eau, un WC) étant de 150 m³/h, il appartient au concepteur de choisir la répartition des débits d'air neuf (total 150) entre les trois pièces principales, par exemple 90 m³/h dans la salle de séjour et 30 m³/h dans chaque chambre. Si chaque chambre est conçue pour deux personnes, l'application des règles du tertiaire présentée la semaine dernière (pollution interne mesurée par le CO2) conduirait bien à 30 m³/h par chambre. Elle conduirait également à 72 m³/h pour la pièce principale (quatre occupants). Les valeurs adoptées par notre réglementation du résidentiel ne sont donc pas incohérentes. Malheureusement la régulation des débits - le paramètre énergétique de base – n'est assurée que par des techniques qui ne sont pas totalement satisfaisantes.




Une ventilation dite contrôlée ... qui ne l'est pas vraiment ...



Quelles sont donc les difficultés de la ventilation dite mécanique ?

RC : En VMC les débits de ventilation – essentiels sur le plan des consommations énergétiques – se doivent d'être adaptés au principe selon lequel l'air neuf est introduit dans les pièces principales, et rejeté à l'extérieur par les pièces de service. Ce principe de balayage du logement est très séduisant, mais il comporte une difficulté : comment moduler les débits d'air neuf et les débits d'air extrait en fonction des présences et des comportements des occupants. Deux systèmes ont tenté de régler ce problème : le système dit «autoréglable» et le système «hygroréglable». A mon avis ils ne règlent pas vraiment le problème.


Quels devraient donc être les objectifs ?

RC : En théorie, si l'on voulait gérer complètement la ventilation des logements, il faudrait satisfaire trois conditions qui ne sont pas forcément cohérentes :

  • assurer des débits d'air neuf satisfaisants dans les pièces principales,
  • assurer des débits d'extraction adéquats dans les pièces de service,
  • tout cela avec des consommations d'énergie aussi faibles que possible.


Prenons un exemple simple, montrant que ces objectifs ne sont pas respectés avec le système actuel.

Quel est cet exemple …

RC : Examinons les besoins d'un logement type (une pièce principale et deux chambres).

  1. 1. Supposez d'abord que les occupants soient tous absents : les débits (d'air neuf comme d'air extrait) devraient tous être nuls, ou au maximum très faibles.
  2. 2. Supposez ensuite que les occupants habituels soient tous présents dans la salle de séjour : seul l'air neuf correct de cette salle est nécessaire, le reste (air extrait des pièces de service et air neuf introduit dans les chambres) est inutile.
  3. 3. Si la salle de séjour ne contient qu'une partie des occupants, les autres étant absents, il faut alors y réduire le débit d'air neuf au prorata.
  4. 4. Si certains occupants sont dans la salle de séjour et d'autres actifs dans la cuisine les débits d'air neuf dans la salle de séjour et les débits d'air extrait dans la cuisine doivent normalement prendre des valeurs spécifiques, largement différentes des précédentes, les autres débits étant nuls.
  5. 5. Si - la nuit - les occupants dorment dans les chambres, seuls les débits d'air neuf dans ces chambres sont indispensables, mais il n'y a aucun besoin dans la salle de séjour ni dans les pièces de service.
  6. 6. Et ainsi de suite avec les multiples configurations possibles ...


Si l'on savait comment répondre à ces exigences multiples grâce à des régulations adéquates le problème serait résolu. Alors que si vous ne respectez pas ces modulations intrinsèquement indispensables vous provoquez des dépenses énergétiques inutiles. Reste que pour parvenir à la solution idéale il faudrait, a priori, des systèmes de régulation bien plus complexes que ceux – très frustes – actuellement pratiqués. C'est une piste pour les constructeurs de VMC : à eux de trouver les réponses valables en mettant au point de nouveaux systèmes.


En attendant que peut-on faire ?

RC : Par exemple utiliser de la VMC double-flux, avec récupération de chaleur sur l'air extrait (en RC : hiver). Ce n'est évidemment pas parfait, ni sur le plan de la régulation, ni sur le plan économique. Mais c'est, manifestement, une des seules solutions énergétiques actuelles.

Que voulez-vous ajouter ?

RC : Notre bilan « ventilation » n'est pas complet. Nous n'avons pas examiné les ventilations professionnelles proprement dites (des extractions en général). Et nous n'avons pas examiné un domaine assez particulier : celui de la ventilation hospitalière.




Ventilation et qualité de l'air ...


Les problèmes de ventilation sont d'après les échanges précédents liés à l'occupation, mesurée par la teneur en CO2. Si l'on s'intéresse à la qualité de l'air intérieur il est nécessaire d'élargir notre examen. Comment ?

RC : En prenant en compte toutes les sources de pollution intérieure éventuelles. Parmi celles-ci figurent, surtout dans les bâtiments modernes, les polluants dégagés par certains matériaux ou revêtements de construction. Ce serait une erreur de vouloir régler ce problème par un accroissement des débits de ventilation : c'est un problème de discipline des matériaux, une réglementation récente, un peu longue à venir, venant d'ailleurs aider à cette discipline, d'ailleurs largement européenne.


Quelle est cette réglementation ?

RC : Un arrêté du 19 Avril 2011, paru au Journal Officiel avec un certain retard (13 Mai), intitulé « Etiquetage des produits de construction ou de revêtement de mur ou de sol et des peintures et vernis sur leurs émissions de polluants volatils ». Il fait largement référence, pour les essais, aux normes internationales ISO.


Que contient cette réglementation ?

RC : Les produits visés sont les 10 composés organiques volatils (COV) suivants : «formaldéhyde, acétaldéhyde, toluène, tetrachloroéthylène, xylène, 1,2,4-triméthylbenzène, 1,4-dichlorobenzène, ethylbenzène, 2-butoxyéthanol, styrène», auxquels il faut ajouter un onzième composant qu'on appelle « composés organiques volatils totaux » (COVT). Chaque produit est caractérisé par sa composition d'émission, en µg/m³, les émissions - par polluant - étant caractérisées en classes.


Comment sont organisées les classes ?

RC : Les classes sont désignées par les lettres A+ (niveau d'émission peu élevé) à C (niveau d'émission élevé), en passant par A et B. Une étiquette (polychrome ou monochrome) indiquant la classe est obligatoire : elle est de présentation réglementée. La classe globale, pour un produit, est finalement la classe la plus sévère de toutes celles évaluées pour chaque polluant de la liste présentée plus haut.


Les classes sont-elles définies pour des locaux de caractéristique donnée ?

RC : L'arrêté précise ce point, les calculs étant effectués pour un local type, possédant les caractéristiques suivantes : volume de 30 m³, taux de renouvellement d'air de 0,5 h-1, les concentrations limites de classe étant fixées pour chacun des 11 polluants cités plus haut.


Les classes limites sont-elles fixées ?

RC : Il s'agit simplement d'un étiquetage : si des limites réglementaires doivent intervenir elles devront faire l'objet de textes à venir. Personnellement, je conseille de faire en sorte que l'émission totale (matériaux de construction + revêtements + peintures + vernis) soit de classe A+.







par Roger CADIERGUES – Ancien directeur général du COSTIC
Polytechnicien de formation, et consultant international, Roger Cadiergues présente un parcours incomparable dans le génie climatique (vocable dont il est l'inventeur) par les responsabilités tenues et des avancées tant techniques qu'informatiques qui lui sont dûes. Auteur de nombreux ouvrages, il anime entre autre la lettre hebdo d'XPAIR www.xpair.com



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Commentaires

  • ROBERT
    0
    16/01/2012

    Un dossier intéressant sur le Puits Canadiens à cette adresse http://conseils.xpair.com/consulter_savoir_faire/puits_canadien_recuperation_energie.htm


  • a Faure
    0
    13/01/2012

    Je cherche à rénover mon double flux installé depuis 1974( résidence principale). Je cherche des éléments précis d''économie d"énergie selon le système, variante et coût selon la marque ainsi que sur le dimensionnement d''un puits Canadien.
    Merci pour vos infos.
    Cordialement.


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