Valeur verte, pour comprendre ce qui fait la valeur d’un bien ...

Fait par Bernard Reinteau, journaliste spécialisé

Le calendrier réglementaire s’accélère peu à peu vers la Valeur Verte du bâtiment. Nouvelle RE2020, Décret tertiaire, nouveau DPE, taxinomie européenne, loi Climat & Résilience, … entrent progressivement en vigueur et développent l’émergence d’une valeur en même temps que la transition écologique du marché immobilier.

Oui, la récente avalanche de réglementations environnementales relatives au bâtiment relance donc la notion de valeur verte imaginée dans les années 2000. Selon Xavier Pelton et Sabine Brunel, auteurs d’un rapport sur ce sujet pour l’OID (Observatoire de l’Immobilier Durable), investisseurs, bailleurs et locataires ont en mains tous les éléments pour apprécier leurs investissements et leurs dépenses avec des outils à vocation environnementale. Ce document présente surtout un intérêt pédagogique pour comprendre comment se construit la valeur d’un bien.


La notion de valeur verte fait bouger les lignes du marché immobilier



valeur verte


Rapport Valeur Verte ou comment la réglementation va faire bouger les lignes
par l’OID – 24 pages  - Février 2022 -

La notion de valeur verte lancée au cours des années 2000 est-elle en train de reprendre du sens ?

Développée par des économistes du secteur de la construction, notamment par Jean Carassus, professeur à l’École des Ponts ParisTech, lors de son passage au CSTB entre 1997 et 2009, ce concept semblait oublié, sinon moins présent dans les discours sur les constructions.

L’excellent rapport réalisé par l’OID fait le point, s’adresse ainsi tout autant aux personnes responsables des enjeux ESG (Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance) qu’à celles en charge des investissements MOA/MOE et de la gestion d’actifs.


Téléchargez le rapport « Valeur Verte ou comment la réglementation va faire bouger les lignes »


La notion de valeur verte lancée au cours des années 2000 est-elle en train de reprendre du sens ? Développée par des économistes du secteur de la construction, notamment par Jean Carassus, professeur à l’École des Ponts ParisTech, lors de son passage au CSTB entre 1997 et 2009, ce concept semblait oublié, sinon moins présent dans les discours sur les constructions.

Or, selon un rapport de Février dernier de l’Observatoire de l’Immobilier Durable (OID) piloté par Xavier Pelton, directeur des investissements chez l’assureur AG2R La Mondiale, et Sabine Brunel, membre de l’OID, cette expression aurait de bonnes raisons de revenir dans le vocabulaire des gestionnaires de patrimoines. Les arguments : le déploiement récent de démarches et réglementations environnementales. Ils citent le dispositif éco-énergie tertiaire qui va pousser les propriétaires de site à progressivement améliorer la performance énergétique de leurs biens ; les modalités de calcul du Diagnostic de Performance Energétique (DPE) entièrement revues et corrigées ; la taxonomie européenne qui trie parmi les technologies environnementalement acceptables ; la loi « climat et résilience » qui, entre autres choses, met en avant la lutte contre l’artificialisation des sols ; la RE2020 qui soutient la recherche de solutions de constructions bas carbone tout en recherchant la réduction des consommations d’énergie.

S’y ajoutent d’autres événements récents. Il faut noter le renchérissement des énergies fossiles lié aux phénomènes structurels (des stocks bas), conjoncturels (la reprise post-covid) et politiques (le renchérissement du coût carbone des sources fossiles, conséquence du plan européen « Fit for 55 » de Juillet 2021 ». D’autre part, la loi Énergie et Climat de 2019 renforce les obligations, pour pratiquement toutes les sociétés de gestion de bien et de fonds, de rédaction de rapports extra-financiers sur les performances environnementales et liées à la gestion des risques, notamment climatiques. Autant de sources d’informations qui intéresseront les analystes financiers.

Cependant, les auteurs le reconnaissent : pour l’instant, les investissements en immobilier d’entreprises se maintiennent à un haut niveau – 24,9 milliards d’euros en 2021 – et les loyers de bureaux connaissent encore une légère augmentation de 1%. Mais, ils entrevoient des signes avant-coureurs tout à fait favorables au retour de la fameuse valeur verte. Pour le moins, le revers de la médaille, c’est-à-dire une « décote brune » synonyme d’une diminution de la valeur des actifs qui présente des risques environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG), pourrait perturber le marché des biens tertiaires et résidentiels existants.


La valeur verte : tout est relatif …

Qu’est-ce que la valeur verte ? L’OID propose cette définition : « […] La valorisation du bien tenant compte des caractéristiques techniques de qualité d’usage de celui-ci, ainsi que sa capacité à maintenir cette qualité d’usage face aux risques climatiques, se distinguant ainsi d’autres biens. »

Les auteurs s’empressent de moduler le propos : « […]

L’impact de la durabilité de l’actif physique ne sera pas le même s’il s’agit d’un centre commercial au sein duquel les clients attendent un niveau de services précis sans se soucier du coût financier ou environnemental de ceux-ci, ou d’une résidence principale pour laquelle l’enjeu de diminution de la consommation énergétique converge avec l’intérêt financier du propriétaire. Dans les relations d’affaires qui lient un bailleur et son locataire de bureaux, les enjeux de standing peuvent là encore entrer en contradiction avec la sobriété énergétique du bâtiment. »

S’il est resté discret durant la dernière décennie, le travail sur la valeur verte s’est poursuivi. Dans son « Grenelle et Obsolescence » de 2012, l’ORIE, Observatoire régional de l’immobilier d’Île-de-France, soulignait notamment : « Au-delà de la question environnementale, l’enjeu pour les bâtiments était d’anticiper les tendances et obligations réglementaires afin d’éviter l’obsolescence. » Ainsi, début des années 2010, la performance énergétique ne recouvrait qu’un enjeu de standing.

Quant au lien entre risques climatiques et valeurs des propriétés, l’OID se rapproche d’un constat dressé par le programme sur l’environnement des Nations Unies en 2019 et cité dans l’étude : « […] Une relation est établie entre des enjeux et questionnements environnementaux et la valeur financière des biens immobiliers dans des cas d’études aux États-Unis. C’est bien la question de l’adéquation entre la valeur financière et la réalité physique qui est ici traitée, notamment concernant la façon d’anticiper et d’intégrer les aléas climatiques qui peuvent affecter les bâtiments. »

L’OID interroge donc plus précisément la définition de la valeur verte : un actif immobilier vert peut-il se résumer aux certificats et labels qui lui sont associés ? Non, trop fragile, car d’expérience, les valeurs recueillies en exploitation font généralement mentir les promesses initiales : les consommations d’énergie sont par exemple bien supérieures au niveau certifié.


Balayer toutes les définitions de la valeur d’un actif


valorisation bien immobilier

Eléments de valorisation des biens immobilier - Source OID -


L’un des intérêts de la copie rendue par Xavier Pelton et Sabine Brunel est certainement d’indiquer – peut-être d’apprendre – ce que recouvre la notion de « valeur » pour un bien immobilier. Un préalable pour comprendre comment la valeur verte peut y trouver sa place. « Si les prix observés lors des transactions immobilières constituent l’indicateur le plus naturel de la valeur d’un actif, il existe bien d’autres paramètres ou définitions possibles de cette valeur. »

Il faut donc lire en détail ces passages du rapport où l’on traite tour à tour de la valeur vénale, de la valeur hypothécaire des biens ou de la valeur de reconstruction à neuf. La chose prend un tour plus technique – technique financière, s’entend – lorsqu’il s’agit de retenir une « méthode de valorisation » parmi deux présentées.

Extraits :

  • La méthode par capitalisation, qui consiste à déterminer un « taux de capitalisation » applicable au revenu généré par le bien est défini en fonction du type d’immeuble et de ses caractéristiques. Le résultat du loyer net divisé par le taux de capitalisation donne la valeur vénale. De fait, plus le taux de capitalisation est faible, plus la valeur des actifs sera élevée.
     
  • La méthode par actualisation des flux, dite aussi Discounted Cash Flow ou DCF. Elle consiste à :

                        - évaluer tous les flux entrants (loyers) et sortants (travaux, charges) sur une période de sept et dix ans ;
                        - les actualiser pour tenir compte de leur calendrier d’occurrence à un taux d’actualisation donné ;
                        - et ainsi estimer la valeur actuelle du bien.

« […] De cette façon, il est possible de comparer et consolider des flux financiers qui ont lieu à des moments différents. » Et de poursuivre : « Le taux d’actualisation reflète la rentabilité attendue par les investisseurs sur un type de bien donné. Cette rentabilité minimale attendue dépend en théorie également du niveau de risque estimé du projet : si un investissement est particulièrement peu risqué, les investisseurs pourront se contenter d’une rentabilité inférieure. Dans cette méthode également, plus le taux d’actualisation est faible, plus la valeur sera élevée. Par ailleurs, ce type de calcul rend mécaniquement intéressant financièrement de retarder toute dépense importante le plus possible. En effet, plus une dépense intervient tardivement, plus elle sera réduite du fait de l’actualisation. »


Un bien immobilier ne vaut que parce qu’il est utilisé

Ne croyez pas qu’il s’agisse là d’enfoncer une porte ouverte, car deux autres paramètres constitutifs de la valeur s’y raccrochent.

  • Le premier est naturellement le montant du loyer, dit loyer facial. Rapporté au mètre carré, c’est un élément des différentes méthodes de valorisation.
  • Le second est le niveau des mesures d’accompagnement généralement négociées avant signature entre le bailleur et le preneur à bail. Ces mesures d’accompagnement sont le résultat d’une négociation. Le locataire peut demander une franchise de loyer temporaire lissée sur la durée ferme d’engagement qui s’exprime en un taux applicable au loyer facial. « Au dernier trimestre 2021, le niveau des mesures d’accompagnement pour les actifs de bureaux en Ile-de-France s’élevait à 24,4%. »


Ces appréciations doivent encore être affinées par la mesure de la fluidité du marché immobilier. Il faut retenir trois notions :

  • La liquidité transactionnelle, qui concerne les cessions d’actifs, mécaniquement liée au prix ;
  • La liquidité locative, qui indique la rapidité avec laquelle les surfaces proposées trouvent preneur. Elle est directement liée à l’attractivité du bien et sa qualité d’usage, mais aussi aux conditions du marché, comme la suroffre du fait des livraisons d’immeubles neufs ;
  • La liquidité financière, c’est-à-dire la disponibilité de financement de l’immobilier professionnel. Les auteurs notent qu’elle a été « en net recul en 2020 (contraction de 23% [...]), [et que] la capacité des biens et portefeuilles immobiliers à attirer des financeurs est une donnée-clé pour le marché.

Dans ce contexte, la prise en compte par les banques notamment de paramètres ESG (Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance) dans leurs politiques d’octroi de prêt constitue donc un élément à ne pas négliger. »

Un constat s’impose, selon Xavier Pelton et Sabine Brunel : « Ces paramètres évoluent à la fois dans un contexte de marché à prendre en compte, mais également dans un contexte plus global que les acteurs doivent intégrer. Ainsi, l’évolution climatique en elle-même et ses conséquences sur les bâtiments, ou encore les évolutions réglementaires – à l’échelle de la France ou plus largement de l’Europe – vont également avoir un impact sur les conditions de réalisation de la valeur ainsi que sur le comportement des usagers. Dès lors il apparaît indispensable de pouvoir anticiper cette influence, afin de gérer au mieux les portefeuilles d’actifs immobiliers. »


impact réglementation valeur

Impacts des réglementations sur les éléments de valeur  - Source OID -


Anticiper les aléas climatiques

En raison de la profusion de données sur l’environnement et les catastrophes naturelles depuis plus d’un quart de siècle explique que la valeur verte est de plus en plus intégrée à la gestion des actifs et des biens. Le rapport cite la société californienne Four Twenty Seven qui « estime que 19% des surfaces de vente et 16% des bureaux en Europe étaient exposés aux inondations et/ou à la montée du niveau de la mer sur l’année 2019. »

La fréquence et l’importance des catastrophes naturelles devraient avoir des conséquences financières importantes. Selon le réassureur Swiss Re, ces phénomènes ont causé 250 milliards de dollars de pertes en 2021. Aux États-Unis, les propriétés exposées au risque de montée du niveau des mers connaissent une décote de 7%. En France, la Caisse Centrale de Réassurance (CCR) et Météo France ont établi en 2018 que les aléas de ruissellement ont augmenté de 50% et ceux de débordement, de 24%. À terme, les primes d’assurance devraient sensiblement augmenter.

Si tout est en place pour voir se développer la fameuse valeur verte, tout dépendra des investisseurs et bailleurs. S’ils font évoluer leurs actifs – rénovation, sobriété énergétique, …, cette notion sera sans intérêt.

En revanche, compte tenu des réglementations, si rien n’est fait, une « décote brune », c’est-à-dire une dépréciation des actifs présentant des risques environnementaux, entamera les patrimoines.

Les auteurs livrent une certitude dans leur conclusion : sans « stratégie alignée » des acteurs de l’immobilier, « ceux qui auront su anticiper les impacts à venir et présenteront des portefeuilles d’actifs durables et résilients seront gagnants sur le marché. »

Toutes les références sont dans la bibliographie du rapport.


Téléchargez le rapport « Valeur Verte ou comment la réglementation va faire bouger les lignes »


Fait par Bernard Reinteau, journaliste spécialisé dans le bâtiment et les solutions de construction, de rénovation à valeurs ajoutées environnementales


Source et lien

oid

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