Par Thiébaut PARENT – Ingénieur INSA Strasbourg Génie Climatique et Énergétique
Dans le domaine de la thermique des bâtiments, les professionnels ont l’habitude d’utiliser des ordres de grandeurs pour effectuer rapidement en première approche différents calculs.
Ainsi, pour évaluer la différence de consommation énergétique au niveau du chauffage dans les bâtiments classiques à des températures de consignes différentes, il était jusqu’à présent d’usage de considérer qu’un écart de 1°C sur la température de consigne de chauffage entraîne un écart de 7% sur les consommations de chauffage. Or, de récentes études, notamment menées par Olivier SIDLER du bureau d’études ENERTECH, remettent en question cette valeur de 7% pour les bâtiments de nouvelle génération, dits à « basse consommation » (BBC). En effet, ces études prétendent que la hausse de consommation de chauffage est en moyenne de 15% à 20% pour ces bâtiments.
Figure 1 : Evolution des besoins de chauffage avec la température de consigne
BBC | RT 2005 | RT 88 | |
Ecarts relatifs de consommation entre des consignes de 22 et 23° | 18,6 | 14,1 | 12,3 |
Ecarts relatifs de consommation entre des consignes de 21 et 22° | 18,1 | 13,2 | 12 |
Ecarts relatifs de consommation entre des consignes de 20 et 21° | 17,4 | 13,2 | 12,1 |
Figure 1 : évolution des besoins de chauffage avec la température de consigne et écarts relatifs
de consommation selon le type de bâtiment et les températures de consigne étudiées
(d'après les résultats d'une étude menée par Olivier SIDLER)
Nous remarquons bien que l'écart de consommation semble augmenter avec les performances thermiques du bâtiment. Cette étude, par contre, amène différentes questions. Premièrement, pour un bâtiment de type RT 1988, l'écart de consommation semble plutôt proche des 12% entre 20 et 21°C que de 7%. De plus, l'étude a été réalisée sur un unique bâtiment, dans une seule région. Tels qu'énoncés, ces résultats ne permettent pas de dire avec certitude si un paramètre particulier influence la différence sur les écarts relatifs de consommation, ni dans quelle proportion. L'objectif de cette étude est donc, dans un premier temps, de vérifier si ces écarts diffèrent ou non suivant la région étudiée. Enfin, nous définirons un bâtiment de référence, pour lequel nous réaliserons différentes études thermiques, afin de comprendre quels paramètres entrent en jeu dans les écarts de consommation de chauffage lors d'une variation de la température de consigne.
Afin de vérifier si les écarts relatifs de consommation de chauffage de +7% pour un bâtiment peu isolé et de +15% à +20% pour des maisons BBC sont pertinents, des études thermiques ont été réalisées pour trois villes différentes, représentatives de trois climats différents. Le calcul thermique, est réalisé avec le logiciel PHPP, logiciel de référence allemand pour la conception de maisons passives.
La maison étudiée est la maison de Mozart. La surface de plancher est de 102,6 m². Sa structure est en béton. La maison peu isolée a des performances thermiques inférieures à celles exigées par la RT 2005. La maison BBC répondrait, en termes de critères, aux standards exigés par la RT 2012.
Le tableau ci-dessous récapitule les différents besoins de chauffage obtenus dans ces études.
Figure 2 : résultats des études thermiques
Nous observons que l’écart relatif de consommation n’est pas le même selon la ville, malgré des hypothèses de calculs identiques. Par ailleurs, comme nous pouvons le constater, les différences d’écarts relatifs entre les maisons peu isolées et BBC ne sont pas les mêmes pour chaque ville (+2,2% à Mâcon, +2,9% à Agen et +9,% à Nice). Ceci nous amène à penser que l’écart relatif de consommation de chauffage dépend de la région géographique, et donc du climat.
Pour vérifier dans quelle mesure la rigueur climatique conditionne l'écart de consommation entre deux températures de consigne, calculons d'abord les besoins pour une maison de type RT 2005, dans différentes villes et pour des valeurs de DJU décroissantes (notons que dans le logiciel PHPP, les périodes de chauffe varient selon la ville) :
Figure 3 : calculs de consommations d'une maison de type RT 2005 dans différentes villes
La figure 3 nous permet d’observer que les écarts relatifs de consommation augmentent lorsque les DJU diminuent. En d’autres termes, plus le climat est doux, plus les écarts relatifs de consommation augmentent. De plus, nous remarquons que plus le rapport entre les apports gratuits (solaires et internes) et les déperditions est élevé, plus l’écart relatif de consommation semble augmenter.
A présent, recalculons ces besoins de chauffage, mais en fixant arbitrairement une même valeur de DJU pour les six villes étudiées, ainsi qu’une période de chauffe identique. Ainsi, les seuls paramètres variables dans l’étude sont la part d’apports solaires reçue par les parois vitrées, ainsi que la température du sol (qui conditionne les échanges thermiques entre la dalle inférieure et le sol). Rappelons enfin que la maison étudiée est la même dans chaque cas.
Figure 4 : calculs de consommations d'une maison de type RT 2005 dans différentes villes
avec une valeur de DJU fixée pour toutes les études
La figure 4 montre que les besoins de chauffage sont différents d'une ville à l'autre, mais que les écarts relatifs de consommations ne varient quasiment plus en comparaison avec les résultats exposés dans la figure 3. En effet, alors qu'il variait de 8 à 17% entre Dijon et Nice précédemment (valeurs de DJU extrêmales), il ne varie plus que de 0,5% lorsqu'on fixe la valeur de DJU. Ceci prouve que la valeur de DJU, donc la rigueur climatique, est le facteur prépondérant qui régit l'écart de consommations pour des consignes de température de chauffage différentes. Le besoin de chauffage en tant que tel n'a donc pas d'influence sur l'écart relatif de consommation de chauffage pour des températures de consigne différentes.
En comparant le rapport entre les apports gratuits et les déperditions aux écarts de consommations calculés, nous remarquons que lorsque ce rapport augmente, l'écart relatif sur les consommations de chauffage pour deux températures de consigne différentes augmente lui aussi. Cette conclusion va à l'encontre de l'idée selon laquelle l'écart de consommation est conditionné par les performances thermiques du bâtiment. Il serait visiblement plus judicieux de dire que ces écarts sont tout d'abord étroitement liés aux conditions climatiques, puis que le rapport entre les apports gratuits et les déperditions du bâtiment conditionne l'écart de consommation observable entre deux températures de consigne différentes.
La figure 5 reprend l'ensemble des résultats des études thermiques réalisées sur des maisons aux caractéristiques différentes pour les villes de Mâcon, Agen et Nice. Pour chacune de ces études, l'écart relatif de consommations entre des températures de consigne de 19°C et 20°C a été calculé, puis tracé en fonction du rapport entre les apports gratuits et les déperditions de chaque maison. L'observation selon laquelle le climat est le facteur déterminant l'évolution de ces écarts est bien visible. En effet, les écarts de consommation calculés pour la ville de Nice sont globalement supérieurs à ceux calculés pour Agen ; et ces derniers sont supérieurs à ceux calculés pour Mâcon à rapports entre apports gratuits et déperditions égaux.
Figure 5 : évolution des écarts relatifs de consommation de chauffage
en fonction du rapport Apports gratuits/Déperditions pour trois villes différentes
Ce résultat pourrait s'expliquer par le fait que, dans les climats plus rudes, les apports gratuits sont valorisés plus efficacement que dans des régions où les déperditions sont plus faibles, et les apports gratuits plus importants.
Les bâtiments BBC vont se généraliser au cours des prochaines années. Quelles conclusions pouvons-nous donc tirer des résultats de cette étude pour ces bâtiments ?
Quelle que soit la région dans laquelle on se trouve, il est clair que le rapport entre apports gratuits valorisables et déperditions est plus important pour les bâtiments à basse consommation que pour des bâtiments classiques. De ce fait, il faudra s'attendre à des écarts de consommation de chauffage importants si les températures de consigne constatées dans ces nouveaux bâtiments diffèrent de la température réglementaire de 19°C, utilisée pour le calcul de consommation. Le comportement de l'utilisateur a donc une influence plus importante sur la facture énergétique dans un bâtiment BBC que dans un bâtiment d'ancienne génération.
Toutefois, un bémol est à apporter à ces résultats. En effet, l'ensemble de cette étude a été réalisée à partir d'écarts relatifs de consommations, ce qui diffère sensiblement de l'impact réel sur la facture énergétique. Ainsi, à Mâcon, un écart relatif de 11% pour une maison BBC se traduit par une consommation supplémentaire de 6,1 kWh/(m².an). D'un autre côté, une différence de 24% pour une maison passive à Nice ne se traduit que par un supplément annuel de 4,4 kWh/(m².an). L'impact a beau être bien plus élevé en part relative à Nice par rapport à Mâcon, il reste inférieur en quantité d'énergie, donc aussi sur la facture libellée en euros…
Cette étude a permis de mettre en avant l'importance de l'influence du climat sur l'évolution de l'écart de consommation de chauffage pour des températures de consigne différentes. Cet écart semble également conditionné par le rapport entre les apports gratuits valorisables et les déperditions du bâtiment. Plus ce rapport est grand, plus l'écart de consommation observé pour deux températures de consigne de chauffage est grand.
Enfin, il semble malheureusement compliqué de généraliser ces résultats en une seule équation, permettant de prédire la hausse de consommation qu'entrainerait une modification de la température de consigne selon la région dans laquelle se trouve le bâtiment. Une sensibilisation du public aux règles d'utilisation à suivre pour les bâtiments énergétiquement efficaces serait sans doute plus aisée et pertinente…
Par Thiébaut PARENT
Ingénieur INSA Strasbourg –
Promotion Galilée, diplômé en Génie Climatique et Énergétique
Chronique issue d'un projet de recherche technologique proposé et réalisé au Costic, encadré par Edouard HOLTZWEILER, dans le cadre de la formation de la filière génie climatique et énergétique de l’INSA de Strasbourg
→ SOURCES & LIENS
Beaucoup de considérations alambiquées pur un constat très simple à expliquer ... 7% a toujours été considéré pour une température extérieure de 0°c. Plus il fait doux, plus le besoin est faible ... S'il fait 17°C dehors et qu'on chauffe à 19°C ... On doit apporter 2°C ... Alors forcément si passe la consigne à 20°C cela donne une augmentation de 30% de l'apport énergétique pour 1°C ...