La concurrence sur le marché de l’électricité s’intensifie et prend un nouveau visage. C’est une des principales conclusions de l’étude « Le marché français de l’électricité » publiée en octobre 2017 par Les Echos Etudes. Celle-ci fournit une analyse à 360°, transversale et prospective, du secteur et anticipe l’impact des 3 facteurs de disruption (autoconsommation/autoproduction, stockage, digital) sur la recomposition de sa chaîne de valeur.
La transition énergétique est à l’oeuvre
Hors aléas climatiques, la consommation d’électricité est stable ces dernières années et plafonne aux alentours des 470 TWh par an. Si la hausse de la population (+ 3 % entre 2010 et 2016) et la généralisation des smartphones et autres appareils multimédias jouent en faveur d’une hausse de la demande d’électricité, la morosité économique, mais aussi et surtout, la baisse du taux de placement du chauffage électrique dans les constructions neuves avec l’application de la RT 2012 et les nombreuses mesures de maîtrise de la consommation d’énergie (programmes de rénovation énergétique, certificats d’économie d’énergie, etc.) modèrent voire diminuent les besoins.
Parallèlement, le mix de production d’électricité se transforme petit à petit avec la montée en puissance régulière des modes de production d’origine renouvelable, éolien et photovoltaïque en tête, et l’éviction progressive des énergies fossiles. Près de 18 % de l’électricité produite est désormais issue des énergies renouvelables contre 13 % en 2008. Quant au nucléaire, pour le moment, rien ne bouge. Si l’objectif de ramener sa contribution de 72 % aujourd’hui à 50 % en 2025 est irréaliste, la transition énergétique est, néanmoins, bien en cours, même si elle prendra (beaucoup) plus de temps que prévu…
Les nouveaux entrants se multiplient
L’atonie du marché en volume ne freine pas les ardeurs des nouveaux entrants qui arrivent en masse depuis 3 ans, accélérant l’érosion de la part de marché d’EDF. ENI, ekWateur, GreenYellow, Plüm Energie, Total… sont parmi les nouveaux fournisseurs avec lesquels il faut désormais compter. Mais face à cette concurrence vive, les marges sont particulièrement serrées sur les segments des entreprises et des industriels. Sur le mass market, elles sont meilleures, mais le segment commence à être encombré. Il faut rivaliser d’inventivité et les offres commencent à être innovantes avec une segmentation plus fine : offres dédiées aux propriétaires de voitures électriques (Engie, Lampiris), offres misant sur les circuits courts (Ilek), etc.
Le retrait des tarifs bleus sur le segment des petits consommateurs, cette exception Française, accélèrerait encore davantage la montée des opérateurs alternatifs. Si ce scénario se confirmait, Les Echos Etudes estiment ainsi qu’ils pourraient réussir à capter 30 % environ du marché des particuliers à l’horizon 2020 (contre 13 % actuellement) et doubler leur part sur la cible des petits professionnels pour représenter 50 % de la consommation en volume.
Production décentralisée, stockage et digital vont recomposer la chaîne de valeur de l’électricité
Dans cette arène concurrentielle, une compétition d’un nouveau genre se profile. Le marché de l’électricité est en effet à l’aube d’une révolution qui va modifier en profondeur sa chaîne de valeur.
D’un côté, l’autoconsommation et l’autoproduction démarrent en France, facilitées par les progrès technologiques et un environnement règlementaire favorable. Leur développement est de nature à remettre en question l’organisation complète du système électrique, notamment les besoins de production centralisée et l’économie des réseaux.
Parallèlement, le stockage d’électricité, également émergeant sur le plan commercial, a, quant à lui, la capacité de dynamiter la chaîne de valeur de l’électricité : moindre volatilité des prix de gros, gestion de l’intermittence de l’éolien et du photovoltaïque, moindre recours aux fournisseurs et aux réseaux…
Enfin, le digital est la pierre angulaire de la transformation du secteur en permettant de nouvelles solutions (compteurs communicants, IoT…) et de nouveaux business models (plateformes de mise en relation entre clients et fournisseurs, développement de nouveaux services…).
Vendre que de l’électricité ne suffira bientôt peut-être plus. De nouveaux acteurs abordent le marché de l’électricité par la bande via des solutions de stockage (Daimler, Nissan, Schneider Electric, Tesla…), les objets connectés (Comwatt, Netatmo, Qivivo…) ou encore en tentant de bookiniser le marché (JeChange, Selectra…). Les acteurs traditionnels ne sont pas en reste avec un élargissement de l’offre avec de nouvelles solutions (Sowee et Mon Soleil & moi d’EDF, My Power et Elec’Charge d’Engie par exemple). Le marché est à l’aube d’une transformation profonde. Quelle forme prendra t-elle ? Qui en profitera ?
Marché de l'électricité : les 3 chiffres à connaître
→ 28% : la part de marché déjà captée par les fournisseurs alternatifs depuis l'ouverture à la concurrence
(+8 points en 2 ans)
→ 20% : la part des ménages qui pourraient quitter EDF en cas de disparition des tarifs bleus
(soit entre 5 et 7 millions de sites résidentiels)
→ 15 à 20 : le nombre d'entrants potentiels sur le marché dans les 3 ans à venir