Légionelles et eaux sanitaires, comprendre pour mieux traiter

le 04 Décembre 2017

Par Roland MESKEL - Directeur Technique Caleffi France - Professeur à la faculté des sciences, université Claude Bernard Lyon I - Novembre 2017

LA PROBLEMATIQUE : de l’origine à la prolifération

bactérie legionella

Que savons-nous depuis le 18 janvier 1977 date de l’annonce de la découverte de la bactérie legionella par le microbiologiste Joseph Mc DADE du CDC (Centers for Disease Control and Prevention) ?

1/ Origine de la bactérie

En février 1982, Les travaux de Janet Stout et de Victor L.Yu mettent en évidence l’origine hydro Tellurique de la bactérie. Elle est donc présente à l’état naturel dans les eaux douces, lacs, rivières ou les sols humides. L’eau de ville étant prélevée dans ces milieux, la bactérie va être véhiculée par l’eau froide et contaminer les réseaux d’eaux sanitaires (chaudes et froides).


2/ Colonisation des réseaux

Les forces électrostatiques engendrées par le glissement de l’eau sur les parois des conduites vont retenir les éléments véhiculés par l’eau, constituer un biofilm adhérent aux parois internes des tuyauteries et coloniser l’installation.

bactérie legionella

Costerton & Stewart

- étape 1 : apport d’éléments
- étape 2 : attachement
- étape 3 : apparition et début de maturation du biofilm
- étape 4 : maturation
- étape 5 : érosion, détachement et dispersion

biofilm

Image de biofilm prise au microscope à balayage électronique

La couche limite de Von Karman
Les travaux de Théodore Von Karman dans la dynamique des fluides ont démontré qu’en régime turbulent, il existe une couche limite dans laquelle le régime est laminaire.

Régime turbulent

Régime turbulent - Source J.Ligen & M.le Guay



Régime laminaire

Régime laminaire - Source J.Ligen & M.le Guay

Les faibles vitesses en régime laminaire vont favoriser les dépôts alimentant le biofilm.


3/ Influence de la température

Comme le montre le graphique qui suit, la température joue un rôle important dans sa croissance et sa destruction.

Influence de la température

La bactérie se développe entre 16 et 45°C et décroit entre 45 et 65°C, températures que l’on trouve sur nos installations d’eaux sanitaires.

Température

Localisation

Aspects bactériologiques

 

 

Croissance

Destruction

10 à 20°C

Arrivée d’eau froide

Lente

 

20 à 30°C

Tronçon d’eau froide en chaufferie la nuit en absence de soutirage

Moyenne

 

35 à 40°C

Mélange eau chaude eau froide au point de soutirage

Rapide

 

50°C

Retour de bouclage

 

6h 20 min (soit 22 800 secondes)

55°C

Retour de bouclage

 

14 min (soit 840 secondes)

60°C

Départ bouclage

 

45 secondes

70°C

Production

 

1,4 secondes

73°C

Production

 

0,4 seconde

(Temps de destruction issus des travaux de Sanden GN, Fields, Barbaree JM, Feeley JC et Good RC. USA 989)

Ce tableau met en évidence que si la température à la production d’ECS est suffisante pour éliminer la bactérie, le mélange avec de l’eau froide au point de soutirage sera contaminé.

L’équilibrage des boucles indispensable pour un bon fonctionnement de l’installation ne suffira donc pas à lui seul à régler le problème.


4/ Multiplication des bactéries

Multiplication des bactéries

La bactérie se reproduit par scissiparité. Elle se divise en deux et chaque division s’appelle un cycle. La durée du cycle varie en fonction de l’environnement (température et nourriture), 4heures en moyenne.

Nb de cycles

Nb de bactéries développées à partir d’une au départ

Temps

 

 

Heures

Jours

10

1 024

40 h

1 jour et 16 heures

14

16 384

56 h

2 jours et 8 heures

17

131 072

68 h

2 jours et 20 heures

20

1 048 576

80 h

3 jours et 8 heures

Un bras mort n’est donc pas seulement une zone de stagnation, mais aussi un point de soutirage non utilisé un week-end.

L'ANALYSE ET LE SAVOIR FAIRE DE L'INDUSTRIEL

1/ La lutte par voie chimique

Le seul produit autorisé en France est le chlore sous ses différentes formes.
L’image qui suit montre le mécanisme de résistance de la bactérie aux biocides dans le biofilm.

lutte par voie chimique

Source Phil Stewart, Peg Dirckx

1. Les bactéries libres dans l’eau sont tuées par le biocide.
2. Le biocide pénètre en faible profondeur et tue les bactéries (couche jaune).
3. Les bactéries situées en dessous (couleur verte) seront stressées mais pas tuées.
4. Les bactéries en violet ne seront pas affectées et resteront vivantes.
5. Le chlore étant absorbé par la biomasse que constitue le biofilm, les quantités disponibles deviennent insuffisantes pour être efficaces.

L’action mécanique de l’eau décrochera le biofilm profond et les bactéries violettes seront à nouveau dispersées.

Ce mécanisme explique pourquoi, après un choc chloré, le circuit est recolonisé rapidement.

Les légionelles sont aussi présentes dans des amibes qui sont insensibles au chlore et vont contribuer à la contamination.

amibes

Remarque : le chlore en trop forte quantité fragilise les installations.


2/ La lutte par voie thermique classique

La conduction thermique est capable de traverser le biofilm en profondeur, et si le couple temps/température est respecté les bactéries seront tuées.

Température

Temps

50°C

6h 20 min (soit 22 800 secondes)

55°C

14 min (soit 840 secondes)

60°C

45 secondes

70°C

1,4 secondes

73°C

0,4 seconde

Dans une production d’ECS instantanée par échangeur à plaques, si le débit réel qui traverse l’échangeur est supérieur à celui calculé, la température de sortie va chuter et le couple temps/température ne sera pas respecté.
Pour régler ce problème il faut installer un limiteur de débit à l’entrée d’eau froide calibré au débit calculé.

limiteur de débit

Limiteur de débit AUTOFLOW pour maintenir la température par la maîtrise du débit.

Limiteur de débit AUTOFLOW

La voie thermique classique ne traite que la production d’eau chaude sanitaire et le bouclage. L’eau froide reste toujours un élément contaminant.


3/ Choc thermique jusqu’au point de soutirage

Dans la mesure où l’installation supporte une température de 70°C, il est possible de limiter la prolifération des bactéries en réalisant régulièrement des chocs thermiques jusqu’aux points de soutirage.
Pour cela il faut régler les mitigeurs en position désinfection et équiper chaque point de puisage de cartouches anti brûlure à limitation de débit lors de l’opération et ouvrir tous les robinets d’eau chaude en même temps. Cette procédure évite les rétro contaminations par ouvertures séquentielles.

douches

Exemple de rétro contamination
Pour maintenir la température à la production on ouvre les robinets du bas pendant quelques minutes à 70°C, on les ferme, puis on ouvre ceux du haut. Dans cette situation le biofilm dans la conduite du haut peut se décrocher et descendre dans la conduite du bas entre les phases de désinfection.
Commencer par le haut serait une solution, pour cela il faut avoir la certitude de la géométrie du réseau !!!

Cartouche anti brûlure à limitation de débit :
Dispositif de sécurité, d’économie d’eau et d’énergie, permet l’ouverture de tous les points de soutirage lors du choc thermique en restant dans la puissance définie par le coefficient de simultanéité de l’installation.
Ces cartouches se posent facilement sur toutes les installations existantes.

Cartouche anti brûlure à limitation de débit

Cartouche anti brûlure à limitation de débit

Désinfection d’une douche à 12 l/min à 70°C

Classique

Avec cartouche

Débit en litre /minute

12

0,6

Volume d’eau utilisé sur 30 minutes en litres

360

18

Puissance nécessaire en kW

25

1,25



Désinfection de 30 douches

Classique

Avec cartouche

Débit en litre /minute

360

18

Volume d’eau utilisé sur 30 minutes en litres

10 800

540

Puissance nécessaire en kW

750

37,5


4/ La lutte par voie thermique sur l’eau froide et l’eau chaude

En traitant par voie thermique l’eau chaude et l’eau froide nous traitons les problèmes des résistances aux biocides et du traitement thermique uniquement sur l’eau chaude.

Principe de base
L’eau froide qui entre dans le système est portée à haute température (70°C) dans l’échangeur de désinfection pour provoquer une lyse bactérienne (par éclatement des bactéries), elle passe ensuite dans un ballon de pasteurisation où elle va transiter au moins 5 minutes. Une partie de cette eau alimente l’entrée chaude d’un mitigeur thermostatique, l’autre partie traverse un échangeur de récupération pour réinjecter l’énergie récupérée et pour produire de l’eau froide traitée qui alimente le mitigeur de bouclage et les points de soutirage.

La désinfection à 70°C est en continu à la production. A la mise en service ou lors d’une défaillance de l’installation, la régulation permet de faire un choc thermique dans les circuits de distribution de l’eau chaude et de l’eau froide.

Les schémas qui suivent font l’objet d’un brevet CALEFFI exploité par la société CHAROT dans la gamme PASTORCLEAN.

Les installations équipées de ce système et exploitées par un personnel compétent donnent aujourd’hui entière satisfaction.

Ce procédé a fait l’objet d’un suivi scientifique et d’une communication à l’institut Pasteur au congrès international « legionella 2009 ».

Suivi scientifique

bactérie legionella

SOLUTIONS PRODUITS ET CONCEPT

Comme explicité au paragraphe 4/ ci-dessus, c’est en en traitant par voie thermique l’eau chaude et l’eau froide que nous traiterons les problèmes des résistances aux biocides et du traitement thermique uniquement sur l’eau chaude. Ce concept apporte aujourd’hui toute les garanties de lutte efficace contre la légionnela pour des installations dans l’hospitalier, les collectivités, les établissements ERP, ….

Pastorclean

Pastorclean de Charot

  • Les coûts en investissements et en exploitation sont inférieurs à une solution de production traditionnelle si l’on rajoute un système de chloration avec les consommables.
  • Pose identique à un système classique

Rappel : Contrôle et maîtrise légionelles obligatoire dans les ERP depuis l’arrêté du 1er février 2010)

PASTORCLEAN
Production instantanée

PASTORCLEAN Production instantanée

PASTORCLEAN
Production semi-instantanée

PASTORCLEAN Production semi-instantanée

PASTORCLEAN
Production instantanée avec récupération d’énergie

PASTORCLEAN Production instantanée avec récupération d’énergie

PASTORCLEAN
Production semi-instantanée avec récupération d’énergie

PASTORCLEAN Production semi-instantanée avec récupération d’énergie

Equilibrage des boucles d’ECS par vannes dynamiques AUTOFLOW
Les vannes dynamiques offrent des possibilités que les vannes statiques classiques ne permettent pas.

Equilibrage des boucles d’ECS par vannes dynamiques AUTOFLOW

Circuit fermé en absence de demande d’ECS

Circuit fermé en absence de demande d’ECS

La vanne est équipée d’une cartouche tarée au débit souhaité. En fonction des variations de pression la cartouche se déplace pour modifier la géométrie de l’orifice de passage de l’eau. Aucun réglage n’est nécessaire, posé c’est réglé.

Circuit ouvert lors d’une demande d’ECS

Circuit ouvert lors d’une demande d’ECS

La pression chute et le débit varie en fonction de la pression disponible. Avec une ouverture à géométrie variable le diamètre de passage est supérieur à 1 mm pour permettre l’évacuation des impuretés.