Par Alain MAUGARD, président de QUALIBAT le 04 Juillet 2019
Si au départ le BEPOS concerne le bâtiment, il trouve un intérêt grandissant lorsqu’il est collectif et fédère les communautés de bâtiments. Quartier ou îlot ? Comment situer le concept BEPOS au sens collectif du terme ?
L’îlot et l’éco-quartier raccourcissent les distances !
Dès qu’il y a au sein d’une collectivité élargie un échange d’énergies quelles qu’elles soient, renouvelables, fatales, …, nous sommes dans une logique d’optimisation collaborative et le quartier s’y prête bien.
Les solutions BEPOS à l’échelle du quartier intègrent les équipements publics de quartier, les lieux d’activité, de commerces de proximité, et les transports en commun. Comparativement à l’îlot qui n’intègre pas la mobilité, l’éco-quartier intègre la mobilité.
La présence de commerces est loin d’être neutre car elle raccourcit » les distances et améliore les modes de vie. Certains pensent à juste titre que nous gagnerions en efficacité énergétique et nous diminuerions l’empreinte écologique de fonctionnement du quartier, si ce quartier était organisé et équipé de commerces de proximité. Ne voit-on pas revenir dans les zones denses les grandes enseignes commerciales comme Carrefour Market, Monoprix, ... ? La solution des hypermarchés qui externalisent le commerce de masse oblige les consommateurs à prendre leur voiture pour se rendre en périphérie urbaine, est peut-être d’un temps révolu à la fois pour le consommateur et pour les commerçants. Faire revenir les commerces en ville, à proximité des lieux de vie et de lieux de travail, faire en sorte que nous ayons le moins possible besoin de notre voiture, que nous disposions des services à proximité immédiate, avec des distances atteignables à pied, cela change beaucoup de choses : notre dépense énergétique, nos liens sociaux, nos modes de vie ! L’éco-quartier ainsi développé devient plurifonctionnel et le territoire n’est plus « zoné » en lieux de travail, lieux de logements, lieux de commerces.
Dès que nous passons à la communauté d’immeubles, nous avons de meilleures réponses BEPOS
En zone dense, il est entendu, et nous y reviendrons, que la complémentarité des bâtiments nécessite un Grid électrique qui doit très bien fonctionner à l’échelle de l’îlot d’abord et du quartier ensuite ; il ne faut pas oublier les réseaux de chaleur car si nous avons un objectif BEPOS en zone dense, nous n’y arriverons pas uniquement avec la production d’électricité photovoltaïque. Une autre alternative pour y arriver est aussi la fabrication de chaleur (et d’électricité si cogénération) par biomasse, à l’échelle de l’îlot ou du quartier.
Ainsi l’intérêt d’une chaufferie au bois sera qu’elle soit suffisamment dimensionnée avec une grande capacité correspondant à l’échelle d’un îlot de bâtiments. Même si la micro cogénération est désormais possible pour le logement, la cogénération qui permet de produire concomitamment de la chaleur et de l’électricité a plus de sens et de pertinence économique à l’échelle de l’îlot.
De même si nous faisons appel à la géothermie, si celle-ci est réalisée avec des installations collectives, l’intérêt économique se trouve être nettement supérieur. Le fait de réaliser des forages pour un immeuble peut intéresser les immeubles voisins. Les infrastructures de forage d’un immeuble neuf peuvent ainsi être surdimensionnées à moindre coût ou à coût optimisé afin d’en faire profiter les immeubles voisins pour raccorder leurs pompes à chaleur ! L’ingénierie collective et nouvelle qui peut ainsi se développer déterminera quelle est la taille optimum du puits géothermique qu’il faut créer pour que l’opération soit la plus économique possible. Ainsi dès que vous mettez en communauté des immeubles, vous trouvez des solutions optimisées. Dès que vous vous situez à l’échelle de l’îlot puis du quartier, vous trouvez des réponses BEPOS économiquement plus viables.
La solution collective BEPOS est sans doute la plus intelligente et facilite l’autonomie
Grâce à la communauté d’immeubles et à son effet d’échelle, les échanges de chaleur et d’électricité permettent une meilleure gestion des ressources (foncières, énergétiques, …) et réduisent le foisonnement en facilitant la capacité d’autosuffisance et d’indépendance énergétique qui elle augmente. Plus grande est la taille de la communauté, plus aisée sera la gestion des stockages et plus grande l’autosuffisance d’énergie par rapport au réseau électrique. Si vous êtes autosuffisant à 25%, 50% ou à 75% ; les marges de manœuvre sont différentes. À 25%, vous pourrez de temps en temps procéder à des « effacements ». A 50% votre stratégie de revente devient performante, et si vous arrivez à 75% vous êtes quasiment en totale autonomie programmée. Imaginons que vous pouvez vous effacer pendant 15 jours dans les périodes intermédiaires, et pendant quelques heures dans les périodes les plus tendues pour votre distributeur, les gains pourront être très significatifs.
L’acharnement thérapeutique d’aller jusqu’au bout du BEPOS bâtiment par bâtiment peut conduire à des prix marginaux déraisonnables. Cela n’enlève rien à tout ce qu’on a dit sur le bâtiment isolé BEPOS car c’est grâce à lui que tout le raisonnement collectif prend de la valeur. Si nous étions partis du contraire, c'est-à-dire du BEPOS collectif, îlot ou quartier, pour arriver au BEPOS bâtiment, le cheminement aurait été plus difficile avec sans doute un échec à la clef. C’est parce que nous avons poussé l’analyse au sein du bâtiment (BEPOS, à la suite des différentes RT), que nous avons pu saisir toute l’intelligence supplémentaire que nous apporte l’échelle collective de l’ilot et du quartier positif.
« Devenons BEPOS à plusieurs » est ainsi plus viable économiquement. Un îlot pourra être positif en énergie, un quartier pourra être positif ; et ce sous deux aspects. Soit l’îlot ou le quartier est positif car il est la somme de bâtiments positifs BEPOS, soit l’îlot ou le quartier est positif car c’est la somme d’une pluralité de bâtiments plus ou moins positifs. L’avantage de cette dernière disposition est d’abaisser les coûts en raisonnant à l’échelle collective.
Ainsi, nous nous retrouvons dans des considérations BEPOS élargies. Cependant je découvre que je peux faire moins cher si nous « agissons à plusieurs » en « concevant à plusieurs » un ensemble collectif BEPOS. C’est la logique économique elle-même qui pousse à réaliser du BEPOS collectif en zone dense.
La solution BEPOS individuelle est-elle alors à mettre de côté ?
Non, car en zone isolée la solution BEPOS notamment maison individuelle va trouver un intérêt grandissant notamment avec un stockage lié au véhicule électrique. Il est plus facile d’arriver au BEPOS en maison individuelle car nous disposons de plus de possibilités de surfaces photovoltaïques (meilleur ratio de surface toit par rapport à surface habitable) et de possibilités géothermiques. Mais la maison individuelle isolée ne peut être desservie par les transports en commun ; donc le challenge BEPOS doit être étendu à sa desserte par véhicule individuel. Donc, le BEPOS de la maison individuelle est Bâtiment + Voiture (idée voiture électrique par exemple qui est compatible avec des trajets courts et qui peut servir de stockage à la production électrique de la maison). En zone urbaine dense, la réponse est plus nuancée, et nous devons élargir notre réflexion car sont à portée de nous d’autres conceptions collectives économiquement moins chères comme nous l’avons vu. Bien évidemment collectif implique de faire ensemble pour l’intérêt commun, en revanche même en zone dense si nous n’arrivons pas à nous mettre d’accord, alors réalisons notre bâtiment seul BEPOS. Les autres et le voisinage nous envierons la valeur créée, et c’est ainsi qu’ils reconsidéreront peut-être leur position.
Nouvelle ingénierie BEPOS et nouveaux textes de lois
Je pense qu’il faut se dépêcher car réglementation, ingénierie et textes de lois sont concomitants. Les solutions BEPOS collectives en zone dense demanderont une nouvelle ingénierie pour organiser les solutions sur le plan technique et administratif. Ingénierie BEPOS de l’îlot, ingénierie BEPOS du quartier vont être à inventer, …, ou sont déjà en préparation. Les prestataires déjà implantés dans les services aux communes tels que VEOLIA, SUEZ et VINCI réfléchissent sur ce type de solutions de bâtiments positifs à l’échelle du quartier. En parallèle, les acteurs du bâtiment comme BOUYGUES et EIFFAGE sont en train de découvrir le potentiel des services liés à la construction dans le quartier et la ville. Pour de tels acteurs, initialement condamnés à rechercher, continument de nouveaux chantiers dans leurs activités de construction, la perspective de nouveaux services liés au BEPOS collectif est d’un grand intérêt, et ils ne vont pas laisser aux autres le monopole de ces services. Les uns possédant déjà un avantage dans l’économie des réseaux (eau, déchets), et dans les installations de parkings avec des potentiels d’installations photovoltaïques et de bornes intérieures de rechargement de véhicule électrique. Les autres étant à la pointe des techniques de construction de bâtiments et d’aménagements urbains.
Enfin, il va falloir sans doute trouver des textes de lois qui permettront de mettre en œuvre l’intérêt collectif du BEPOS. Est-ce que cela passera par de l’expropriation de surface de toit par exemple ? Par des servitudes de passage de réseaux urbains, …C’est l’intérêt public qui devra être mis en avant et prévaloir sur le droit privé.
Ces dispositions de droit ne seront pas simples à mettre en œuvre, cependant, nous aurions tort de nous en priver et de ne pas anticiper.
Ce qui vous attend pour la prochaine chronique ?
Nous découvrons que faire du BEPOS collectif a du sens d’autant plus que la diversité et la densité urbaine est présente. Ce sens permet d’obtenir plus d’économies, de meilleures valeurs foncières et une qualité de vie de l’individu supérieure, comme nous allons le voir dans notre prochaine chronique.
Alain Maugard
Autant je suis favorable à une très bonne isolation thermique des maisons individuelles, autant je suis effrayé par la débauche d'exigences technologiques qui ne peut que freiner un peu plus la construction de logements. Et à quoi sert d'économiser 1000 € de consommations si c'est pour s'exposer à des réparations de milliers d'€ à brève échéance ?