Par Alain MAUGARD, président de QUALIBAT le 04 Juillet 2019
1°) L’internet des objets est rentré dans notre habitation …
Devons-nous en avoir peur, devons-nous résister à l’intrusion de cette toile ou devons-nous en profiter tant les avantages nous paraissent grands. Nous nous sommes pris entre nos peurs et nos désirs. Il faut souligner que l’internet des objets dans la maison nous interpelle davantage que la connectivité dans les bureaux à l’instar des systèmes GTB gérant les équipements, le confort, le bien-être.
La maison, c’est notre foyer, un lieu d’intimité et quelque part de protection de nos proches et il est bien normal que nous nous interrogions sur cette forme d’intrusion du « big data extérieur ». Le dilemme est que nous restons très sensibles et avides de nouveaux services qui présentent nombre d’avantages pour faciliter et rendre plus confortable notre vie. Le smartphone mutation du simple téléphone nous a envahi même si nous sommes très souvent tracés autant que nous sommes connectés. Nous sentons bien arriver dans la maison la connectivité entre les objets, l’arrivée d’assistants robots à reconnaissance vocale qui pourront nous parler, nous rappeler nos rendez-vous, appeler un taxi, …, devenir nos compagnons.
Un magnifique champ des possibles ouvre donc un espace considérable, car nos attentes aujourd’hui sont dans la connectivité, dans le partage, des biens et des services. La demande est là et est en attente, et bien évidemment l’offre en profite et va y répondre d’une manière intense et accélérée. Certes nous allons rencontrer des applications gadgets comme pour notre smartphone, cependant, nous allons également découvrir des applications forts utiles et qui ont un réel intérêt pour notre vie, notre confort, notre bien-être, notre sécurité. Et de plus, ces améliorations de vie seront à la portée de tous !
Face à cette appétence, il y a les risques qui apparaissent comme la confidentialité des données, l’utilisation malveillante de ces données qui peut provoquer de nouveaux dangers. L’accès aux données est une nouvelle richesse de ce 21ème siècle. Les sociétés de marketing le savent et l’utiliseront pour vous faire consommer en fonction de vos désirs « numérisés et mis à jour en continu ». L’acte malveillant d’agir à distance pourrait-il être évité ? Pourra-t-on contrer les hackers qui pourraient mettre la main sur le fonctionnement de votre maison, qui pourraient augmenter à distance votre chauffage à 30°, qui pourraient le couper ? Et si vos habitudes ainsi numérisées et détournées se trouvaient dans les mains de cambrioleurs ? Si aujourd’hui nous acceptons d’être connectés et tracés dans les lieux externes, par des services externes (GPS, caméras, mouvements bancaires, ...), la connectivité dans notre lieu de vie intime qu’est notre habitat représente l’évolution nouvelle qui nous attend. Il est fort probable que nous allons l’accepter et que la balance entre avantages et inconvénients penchera vers le fait d’accepter les risques (tout en les diminuant) et de profiter des services dont nous sommes dépourvus aujourd’hui : services médicaux et urgences, services à la personne, services de partage, augmentation de notre confort et bien-être, et malgré tout notre sécurité. La balance, nous le sentons bien, penchera du côté des avantages, et les inconvénients évolueront également vers une sécurité renforcée des données, une surveillance plus rigoureuse de leur exploitation par la CNIL. Enfin, il y aura toujours le choix, de ne pas être connecté chez soi, de vivre différemment, mais combien résisteront ? Aujourd’hui, combien d’irréductibles ne possèdent toujours pas de portable ?
La question de cette déconnexion possible se pose donc. Connecté, l’occupant devient plus actif et plus dynamique, il devient « un usager » de services. Néanmoins, il y a de fortes chances que dans le lieu de vie personnelle qu’est l’habitat, nous voulions maîtriser l’intrusion extérieure et garder la main sur les automatismes. C'est-à-dire soit se déconnecter, soit prendre la main sur des scénarios de logiciels, dès qu’on le souhaite, et de la manière la plus facile.
2°) La question est donc ; est-ce que les usages de connectivité vont s’imposer à nous ou c’est nous qui allons garder la liberté d’usage ?
Avec toutes les capacités d’automaticité que nous allons avoir - et que nous avons déjà - pour régler la température des pièces, régler leur ensoleillement et leur niveau des protections solaires, nous voyons bien que nous nous dirigeons de plus en plus vers une gestion technique du bâtiment qui s’applique non seulement aux bureaux mais aussi au logement. Une domotique nouvelle qui passe par l’interconnexion des objets.
La question qui se pose est la suivante : le logement peut se régler automatiquement et je ne suis qu’un consommateur de ces usages qui sont préparés, préfabriqués par des automatismes ou bien c’est moi qui « commande » et à certains moments c’est moi qui décide. Par exemple en été, même si le soleil est fort et chauffe les vitrages, j’ai envie d’avoir de la lumière. C’est moi qui décide si les volets sont ouverts. Je dois pouvoir déroger facilement aux automatismes et aux scénarios pensés pour moi.
Ainsi, ce développement des automatismes n’est viable du moins dans l’habitat que si je garde le choix, le pouvoir, sans me faire manipuler tout le temps, sans tomber dans l’esclavage des automatismes. C’est intéressant d’être un occupant-usager mais non un usager-esclave. Garder le pouvoir sur la machine et lui donner la main quand cela est intéressant de mon point de vue. Par exemple, en mon absence qu’il y ait des automatismes qui gèrent mon logement notamment avec des protections solaires pour que lorsque je rentre le soir celui-ci soit le plus rafraîchi possible. Il y a un intérêt de confort que j’approuve la plupart du temps sauf si j’ai décidé que ma maison avec des volets fermés peut attirer des cambrioleurs. A ce moment-là, je dois reprendre la direction des automatismes et les changer facilement. Facilement dans le sens ou l’action est intuitive et immédiate sans tomber dans une difficulté qui me contraindrait à abandonner mon pouvoir et donc mes désirs.
Prenons l’exemple du monde de l’automobile où l’innovation dans la connectivité est omniprésente et bien tournée vers l’usager, son confort, sa sécurité : Régulateur de vitesse, GPS, système ESP pour les virages (Electro-Stabilisation Programmée) conduite automatique dans le futur. Comment résister tant les avantages nous sont utiles ? Libre à nous de rouler sans régulateur de vitesse sur l’autoroute et sans GPS ! Libre à nous de reprendre la main et d’avoir du plaisir à conduire. Au fond, contrairement à ce que nous pourrions penser en termes de diminution des libertés, ce sont d’autres formes de libertés qui s’offrent à nous.
Que cela soit l’automobile ou le bâtiment, l’humain est le premier concerné. Les libertés des uns ne sont pas celles des autres. Les individus sont de plus en plus libres dans leur mode de penser et de vie, surtout pour des lieux si personnels que sont l’habitat et l’automobile. Comment voulez-vous imposer un diktat de solutions techniques pour l’habitat (ou les bureaux) à une population très diverse : jeunes, moins jeunes, personnes âgées, connectées, moins connectées, avec des sensations de confort différentes, de sécurité différente, … C’est le sur-mesure des usagers et le sur-mesure des automatismes !
L’informatique, au sens du software a des capacités d’évolution infinies et de plus sans surcoût réel, ce qui nous fait dire que les services vont être offerts à un surcoût minimal, un surcoût infime.
Dès lors, il est tentant d’ajouter au sur-mesure des automatismes, un sur-mesure des espaces du bâtiment. Il s’agit d’autoriser plusieurs usages (multi-usages) modifiables rapidement dans le temps ou jouant sur la destination des pièces, sur la flexibilité des cloisons de façon à les faire évoluer en fonction de la vie et des envies des usagers : confort de vie, récupération d’une chambre d’enfant pour agrandir son salon, ... Ainsi, la flexibilité des automatismes devra entraîner sans doute la flexibilité du bâtiment et ce qui était immeuble et immobile devra devenir mobile afin de s’adapter à nos modes de vie si différents et variés.
Ainsi, la flexibilité du bâtiment prendra une dimension nouvelle et retrouvera toute son actualité.
Alain Maugard