Vers une réduction des coûts de construction de 30%

Par Alain MAUGARD, président de QUALIBAT le 25 Septembre 2014



Pour réaliser des bâtiments à qualité énergétique et environnementale dans un contexte économique viable, il est nécessaire et indispensable de s’attaquer au coût de conception et de construction. Et de s’y engager non pas marginalement mais d’une manière significative, « avec un saut » qui s’annoncerait comme une rupture avec les coûts de construction habituels. Il ne s’agit pas de viser une réduction de -5% ou de -10%, mais de se donner un objectif beaucoup plus haut, autour de -30% !



Atteindre un objectif de diminution de coût de 30% dans le bâtiment ? D’autres secteurs l’ont fait !


De la même manière qu’il y a eu une rupture de performance thermique avec la RT 2012, il est désormais nécessaire qu’il y ait une rupture sur les coûts de construction, soit une baisse des coûts très significative donc un saut de productivité dans l’acte de concevoir et de construire.


Pour analyser comment faire ce saut de productivité, la première idée a été de se rapprocher  d’autres secteurs de l’économie et de l’industrie qui ont déjà eu de tel saut de productivité. Que s’est-il passé ailleurs ? Il y a eu des progrès très importants dès lors que l’on a fait une analyse de la valeur et repensé la constitution précise de chaque coût de la chaine ; de la conception à la réalisation. C’est dès l’amont que toute la chaine doit être repensée. Avec un effort particulièrement important au niveau de la conception, en anticipant en permanence et d’une manière itérative quels seraient les futurs coûts de fabrication dès la conception. Il faut donc passer plus de temps dans la phase amont de conception pour mieux appréhender les conséquences sur les coûts de fabrication, voire même de maintenance et d’entretien. Les secteurs qui s'y sont prêtés le plus vite : l’automobile, l’aviation, le prêt-à-porter … ont réduit drastiquement leurs coûts de fabrication.


Le monde du bâtiment l’a bien perçu, mais il y a un handicap important du fait que l’on ne fait pas des séries mais des prototypes. Le risque aussitôt brandi a été de dire que de telles méthodes conduiraient à un bâtiment standardisé et industrialisé en série, soit la négation de l’architecture et le retour de la pensée unique. Seulement, dans les domaines industriels cités comme l’automobile,  même ceux qui fabriquaient des prototypes se sont posés la question : pourquoi, même pour un prototype, ne pas penser dès la conception à la réalisation et à son coût ? pourquoi ne pas penser à l’exploitation, voire au cycle de vie jusqu’à la déconstruction ? pourquoi ne pas penser global ? En réalité, la notion même de prototype ne nous l’empêche pas, comme nous le verrons plus loin.



Maquette virtuelle et travail collaboratif dès la conception


Nous pouvons ainsi travailler efficacement en amont avec un outil bien utilisé dans l’industrie, c’est la maquette virtuelle (ou maquette numérique). Les seuls arguments contre cette comparaison étaient de dire que, dans l’industrie automobile notamment, la maquette virtuelle s’amortie du fait des séries et de la standardisation. Oui mais à partir du moment où le coût de cette maquette virtuelle chute, pourquoi on ne se la payerait pas même pour « le prototype » ?


L’industrialisation a longtemps été synonyme de dimensions standards, seulement nous nous sommes aperçus qu’avec l’arrivée de la commande numérique ce n’était pas beaucoup plus cher de faire du sur mesure. L’exemple de l’automobile - une autre forme d’habitacle que le bâtiment - montre qu’il y a des multiples dispositions réalisées actuellement à façon, comme les couleurs, les options personnalisables dès l’intention d’achat, …


Le fait de travailler en amont avec un travail collaboratif sur l’intelligence et l’économie du projet, montre que l’on peut comme dans l’industrie faire baisser les coûts dans le bâtiment.


Dans le travail collaboratif, tout le monde intervient, les designers, les responsables de fabrication, les commerciaux qui disent ce que veulent les clients, etc, … Prenons l’exemple du designer dans l’automobile qui voudrait incorporer une nervure esthétique sur une porte. Le responsable de fabrication indiquera que cela lui occasionne 10% de non qualité à l’emboutissage donc 10% de surcoût. Le commercial pourra dire que ce surcoût n’a pas d’impacts sur le marché, etc, … Ainsi, un travail collaboratif et itératif s’instaure jusqu’au moment où les designers trouvent d’autres solutions compatibles avec l’ensemble des critères esthétiques, de fabrication et de coûts de marché.


La démonstration est donc faite que cette méthodologie de travail collaboratif peut s’appliquer au bâtiment si l’on met autour de la table l’ensemble des acteurs. Prenons l’exemple de structures en porte-à-faux sur la façade d’un immeuble. L’ingénieur structure pourra signaler à l’architecte l’incidence financière. Celle-ci sera confirmée par l’entrepreneur, du fait d’un échafaudage supplémentaire immobilisé ou d’un temps de réalisation supplémentaire. Ce type d’information dû au travail collaboratif pourra ainsi être précieux pour l’architecte qui choisira peut-être de mettre des matériaux plus riches, sur la façade moins « chahutée ».  De plus, les économies d’énergie dues à une diminution globale de ponts thermiques donneront un bien meilleur bilan d’exploitation durant toute la durée de vie du bâtiment. Nous voyons donc que le travail collaboratif s’applique très bien au monde du bâtiment.



Préparation du chantier : Prestation intellectuelle gagnante


Une autre idée qui s’applique également au bâtiment, c’est la période de fabrication, c'est-à-dire du chantier de construction. Une des caractéristiques majeures des coûts de chantier, c’est le temps passé. Immobilisations de matériel tel que les grues de chantier, location d’outillage, temps passé par le personnel d’encadrement et d’exécution, ... Pour faire bref : moins le chantier dure moins il coûtera cher.


De plus, un chantier optimisé dans le temps vous oblige à traiter précisément les interfaces entre les corps d’État. Ce sont les interfaces qui peuvent être prépondérantes dans la diminution du temps de chantier et (donc de son coût) et dans les coûts de la non qualité. Certes, toute diminution de planning doit s’effectuer dans un cadre  qualitatif. Il n’est pas question de décréter un planning plus court, au détriment de la qualité, mais de s’organiser pour traiter le plus rapidement possible les interfaces entre corps d’état, soit en amont au niveau de la conception, soit en aval avec des méthodes semi-industrialisées de préfabrication de pré-montage, c’est-à-dire de préparation du chantier.


Le  travail détaillé et concerté de conception et la préparation précise de chantier sont des prestations intellectuelles, qui même si elles conduisent à un surcoût, admettons de 20% ou plus, ont un impact économique important sur la phase de réalisation nettement plus coûteuse. Si 20% de plus de prestations intellectuelles font économiser 30% de coût de construction, l’économie globale est importante et dépasse les 25% ! (si l’on considère un rapport habituel prestations intellectuelles / construction de 10/90%).

Renforçons donc les prestations intellectuelles en amont du chantier, travail collaboratif et surtout  la préparation de chantier pour diminuer le coût de chantier et donc de réalisation.



Allons plus loin, faisons un travail collaboratif avec les industriels


La deuxième idée est de travailler en amont avec les industriels. En effet, ceux-ci possèdent déjà des méthodes économiques de fabrication car ils agissent en premier lieu sur l’optimisation de leurs composants et matériaux et de leur assemblage. Les industriels de la construction peuvent très bien, en tenant compte de la notion de prototype propre au bâtiment, réaliser des équipements pré-industrialisés et prévoir dès l’origine les interfaces techniques vers les autres corps d’état et ainsi réduire notablement la durée de mise en œuvre ou d’installation.


Le travail collaboratif doit aussi s’instaurer entre industriels eux-mêmes. Il ne s’agit plus de livrer par exemple un radiateur nu, mais un radiateur avec ses éléments de fixation déjà prévus pour le type de paroi. Ou bien, le poseur de paroi peut prévoir les bonnes fixations au bon endroit pour le type de radiateur défini.


Au-delà du changement de comportement des équipes de maîtrise d’œuvre, on fera des économies notables si autour de la maquette virtuelle sont réunis les industriels.


N’oublions pas que les industriels sont déjà à l’ère du numérique et de la maquette virtuelle, et qu’ils seront les premiers à vouloir s’intégrer dans un processus numérique pour fabriquer, selon la demande, du standard, du pré-industrialisé ou du sur mesure.



Si le travail collaboratif autour de la maquette virtuelle permet de réaliser des économies simplement en changeant nos méthodes de travail, quels sont les différents freins qui ralentissent ce passage à l’acte de construire plus intelligemment et moins cher ?


Nous verrons cela lors de la prochaine chronique …


Alain Maugard


Commentaires

  • Jean-Marc
    0
    26/09/2014

    Je rentre du salon IBS où j'ai assisté à plusieurs conférences sur le thème de la GTB bien pensée bien conçue et performante.
    Eh bien, comme pour votre article, les spécialistes prônent la mutualisation bien en amont des différents lots techniques vus transversalement et orchestrés par l'intégrateur-domoticien qui pendant toute la durée du chantier sera le coordinateur et le superviseur de la part du travail réalisés par les entreprises techniques du second oeuvre.
    Cette centralisation et globalisation bien en amont des différents intervenants techniques permettront de réaliser une GTB, performante, efficace et à coût raisonnable vu que tous les problèmes seront déjà réglés avant même leur apparition.
    D'autre part, il faut absolument créer des partenariats d'entreprises de qualité pour qu'elles prennent l'habitude de travailler ensemble et ainsi obtenir une qualité et une rapidité d'exécution.
    Stop au moins-disant et au recours à des sous-traitants venus de partout sans qualification spécifique.
    L'approche et la façon de travailler n'est pas identique dans toute l'Europe !!!
    C'est peut-être contraire à toute idée européenne de libre échange mais c'est la réalité du terrain qui doit prévaloir sur toute autre prérogative.
    Exiger la proximité des différents intervenants car on oublie trop souvent le bilan carbone de l'ensemble de la réalisation d'une construction !!!
    Faire des centaines de kilomètres quotidiennement pour réaliser un bâtiment THQE est absurde et contradictoire car dans mon bilan carbone global du chantier, en tenant compte de tous ces déplacements, je suis très loin d'avoir obtenu le résultat escompté : DIMINUER MON IMPACT CARBONE POUR A PLANÈTE !!!
    Messieurs les maîtres d'ouvrage tant publics que privés, vous devriez y songer dans la définition de vos exigences et votre analyse de vos besoins.
    Ce serait déjà un grand pas en avant vers la protection globale de la planète !!!


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