Par Bernard REINTEAU, journaliste spécialisé le 10 Mai 2023
Avec le coup d’accélérateur donné au Fonds Chaleur en 2022 et le soutien du Fonds de décarbonation de l’industrie, la chaleur renouvelable et récupérée atteint un niveau de production de 6,3 TWh/an. La filière demande un Plan Marshall plus ambitieux.
Après une dizaine d’années de financement des installations de production de chaleur issues de renouvelables et de récupération (EnR&R) d’un niveau relativement modeste – même s’il a constamment augmenté - l’ADEME annonce un effort conséquent pour l’année à venir. Comme cela est souligné depuis longtemps par la FEDENE, l’agence reconnaît, dans un communiqué paru le 4 Mai dernier, que la France est en retard dans l’atteinte de ses objectifs de déploiement de la chaleur renouvelable ; en 2021, la chaleur est produite à partir d’EnR&R n’est que de 24,4% alors que l’objectif fixé pour 2030 est de 33% d’ici 2030.
Les besoins de chaleur et d’électricité se répartissent à parts égales
La France est en retard dans l’atteinte de ses objectifs de déploiement de la chaleur renouvelable
Pour rattraper le retard, le sérieux coup d’accélérateur donné avec le Fonds Chaleur en 2022 sera ainsi reconduit. Les subventions ont bondi de 49% en 2022 pour atteindre le niveau de 522 millions d’euros (370 M€ l’année précédente). Cette manne a servi la construction de 908 installations (559 en 2021) qui cumulent une production de 3,68 TWh de chaleur issue de renouvelables et de récupération.
Assouplir les conditions d’accès aux aides
Les efforts portent notamment sur les conditions d’éligibilité et de financement qui ont été mises en place en 2022 et début 2023. L’ADEME décline sa liste :
• Hausse des plafonds d’éligibilité des aides au forfait et hausse de 15 à 25% des montants des aides forfaitaires ;
• Simplification de certains critères d’éligibilité relatifs à la géothermie et au solaire thermique ;
• Ouverture au renouvellement des chaufferies biomasse sous certaines conditions ;
• Ouverture à une aide au froid renouvelable (froid actif) issu des PAC géothermiques ;
• Ouverture à la récupération de chaleur fatale avec valorisation sous forme de chaleur en interne sur un même procédé - actuellement limité en interne à un autre procédé unitaire ;
• Eligibilité des coûts liés aux changements de vecteur énergétique - remplacement de la vapeur par une boucle d’eau chaude - permettant la récupération et la valorisation de chaleur fatale.
À cela s’ajoutent plusieurs initiatives pour l’année 2023.
L’ADEME cite les appels à projets « Grandes installations solaires thermiques » pour l’industrie et les réseaux de chaleur, ainsi que « Une ville, un réseau » qui aide les études pour les réseaux de chaleur et de froid dans les collectivités de moins de 50 000 habitants, de même que l’accélération des projets de géothermie portés par le gouvernement depuis son annonce de Février dernier.
L’enjeu de la chaleur renouvelable et récupérée
La chose est régulièrement rappelée par les diverses publications sur les consommations d’énergie en France : la chaleur compte pour pratiquement la moitié des besoins (le total est d’environ 450 TWh), et un quart de ce volume est apporté par les énergies renouvelables, essentiellement la biomasse. L’effort produit par le Fonds Chaleur depuis 2009 a atteint 3,68 milliards d’euros qui a aidé à la construction de 7 100 installations d’un coût total de 12,4 Mds€ ; l’effet de levier est supérieur à 3. À ce titre, l’ADEME souligne qu’« au prix du gaz en 2022 [environ 100€/MWh], la quantité de chaleur produite en une seule année par tous les projets aidés [40 TWh] aurait coûté, si elle avait été produite à partir de gaz, en ordre de grandeur, l’équivalent des aides attribuées par le Fonds Chaleur en 14 ans », soit 4Md€.
Réseaux de chaleur et installations biomasse consomment 70% du Fonds Chaleur
En 2022, 221 des 522 M€ ont aidés à l’investissement dans des réseaux de chaleur. Ce poste a été augmenté de 63% par rapport à 2021 et a financé 380 km de réseaux de distribution. Les chaufferies biomasse continuent de recevoir des aides de manière importante (146 M€), mais elles sont aux deux tiers orientées vers les installations industrielles de grandes tailles dans le cadre la décarbonation de l’industrie, qu’il s’agisse des appels à projets « Biomasse chaleur industrie agriculture et tertiaire - BCIAT » ou « Biomasse chaleur industrie du bois - BCIB ». Par ailleurs, toujours en 2022, dans le cadre de l’appel à projets BCIAT, l’ADEME ajoute à son palmarès l’accompagnement de 23 projets avec le Fonds de décarbonation de l’industrie pour un montant d’aides de 181 M€ et une production de chaleur de 2,63 TWh annuels. Fonds Chaleur et Fonds de décarbonation de l’industrie additionnent 700 M€ d’aides et une production annuelle potentielle de 6,3 TWh.
Cette communication de l’ADEME veut aussi répondre à celle, mi-avril, des acteurs de la filière de la chaleur renouvelable – AFPG, ATEE, AMORCE, CIBE, ENERPLAN, FEDENE, SER et Via Séva – qui demande aux pouvoirs publics de déclencher un « Plan Marshall ». Les signataires proposent un calage du Fonds Chaleur à 750 M€/an dès 2023 et de le porter progressivement à 1,65 Mds€ en 2027, puis 2,99 Mds€ en 2030. Ce pour atteindre un palier global de 54% de chaleur issue d’EnR&R à cette échéance. Le taux d’EnR&R des réseaux de chaleur passerait ainsi de 63% actuellement à 80% à la fin de la décennie.
Plan Marshall de la chaleur renouvelable et récupérable
À propos de l'auteur
Bernard Reinteau
Journaliste de la presse bâtiment depuis la fin des années 80, Bernard Reinteau est journaliste indépendant. Il a œuvré pour les principaux titres de la filière et se spécialise particulièrement sur les solutions techniques liées à la performance énergétique et environnementale des constructions et rénovations performantes. Il collabore principalement avec les plus grands titres et en particulier avec Xpair.