Par Bernard REINTEAU, journaliste spécialisé le 15 Décembre 2022
Le résidentiel est équipé de 1,5 million de poêles et 180 000 chaudières. La consommation de bois écrête la consommation d’électricité aux heures de pointe de 10 GW. Est-il possible de faire mieux ? Le SER a demandé à l’IFOP de mener l’enquête.
Comment se place le bois énergie en pleine crise des énergies fossiles et électriques ?
C’est à cette question que les représentants de cette filière au sein du Syndicat des Énergies Renouvelables (SER) tentent de répondre notamment à l’aide d’une étude réalisée par l’IFOP fin Septembre, début Octobre dernier. Cette enquête avait pour but d’apporter des réponses complémentaires aux connaissances générales sur cette énergie renouvelable.
À savoir : quel est le profil des utilisateurs des différents modes de chauffage au bois ?
Avec quels appareils de chauffage complémentaires l’utilisent-ils ?
À quelle fréquence utilisent-ils ces appareils ?
Quel volume de bois est consommé chaque saison de chauffe ?
Les résultats sont fournis dans les sources de cet article.
En résidentiel, le bois énergie compte pour 16% des consommations d’énergie finale consacrés à la production de chaleur
La plus « low-tech » des solutions de chauffage
Il faut reconnaître que la démarche pour mieux cerner la plus low-tech des solutions de chauffage revêt un intérêt majeur en ces temps de crise des énergies et de mise à mal des discours sur le confort qui étaient tenus depuis des années.
Connu pour être la première énergie renouvelable exploitée, le bois est consommé chaque année pour produire 16% de la chaleur nécessaire. Les chiffres de 2020 atteignent 10,5 millions de tonnes équivalent pétrole (environ 120 téraWatt-heures), dont deux tiers sont brûlés par les sept millions de ménages équipés de poêles, inserts ou chaudières. En tout, 40% des maisons individuelles sont équipées d’un appareil au bois.
Dans le détail, on compte 6 millions d’appareils à bûches – qui consommeraient 30 à 35 millions de stères chaque année – et environ 1,5 millions de poêles et 180 000 chaudières à granulés – qui absorbent 2,4 millions de tonnes de granulés. Ce qui permet de couvrir un quart des besoins de chauffage du résidentiel. À noter que les prévisions de marché au cours de cette année sont plutôt à la hausse pour ces générateurs : 250 à 280 000 poêles, inserts et foyers fermés à bûche, 200 000 poêles à granulés et 40 000 chaudières à granulés.
On relève aussi que l’emballement de ce milieu d’année sur le prix du pellet a donné un coup de fouet au marché des appareils à bûches, au point que certains fournisseurs ont relancé leurs chaînes de production. Ce changement tiendrait aussi au caractère plus rustique, manuel, des poêles à bûches. Car, en cas de coupure d’alimentation électrique, ils ne connaissent pas le handicap des poêles à pellets, assistés de périphériques tels que le lancement de combustion par résistance, l’entraînement de la vis sans fin d’approvisionnement en granulés et la régulation de fonctionnement. Il ne reste plus aux fabricants qu’à rajouter un accus pour passer les délestages.
Au moins 10 GW écrêtés aux heures de pointe
Désormais, face au risque de coupure momentanée d’alimentation en électricité, le SER se pose logiquement la question : le bois peut-il être un bon amortisseur énergétique ? Peut-il contribuer à limiter l’appel de puissance lors des pointes de consommation ? Il n’y a aucun suspens : la réponse est oui.
Déjà, avec les 2,6 millions d’équipements existants, ce syndicat estime que la traditionnelle pointe de 19 heures serait écrêtée d’environ 10 GWh. On emploie le conditionnel, car l’estimation de consommation d’énergie est basée sur une puissance moyenne par logement de 4 kW. Ce qui serait le bas de la fourchette et correspond à la production d’une dizaine de réacteurs nucléaires …
C’est là que les chiffres révélés par la récente enquête de l’IFOP fournissent des éclairages importants à connaître.
Ainsi, parmi les ménages qui utilisent le bois comme chauffage, la moitié – 49% – l’exploite comme moyen principal de confort.
Si un quart se satisfont de leur poêle ou chaudière, trois quarts d’entre eux utilisent un mode de confort complémentaire. Pour la majorité (47%), le complément est assuré par des radiateurs électriques. Viennent loin derrière les pompes à chaleur (13% des cas), un chauffage au gaz (9%), un chauffage au fioul (6%).
Pour ce qui concerne les 43% des ménages dotés en appareil de chauffage au bois et qui l’utilisent de manière secondaire, un tiers sont équipés d’un chauffage au gaz, un quart disposent de radiateurs électriques, 18% sont dotés d’une pompe à chaleur et 13% d’un chauffage au fioul …
Qu’en est-il du temps d’utilisation du chauffage au bois ? En moyenne, 40% des ménages équipés utilisent leur appareil de chauffage au bois plus de 90 jours par an, soit plus de la moitié de la durée de la saison de chauffe annuelle ; ce taux est de 58% chez ceux pour qui le bois est le chauffage principal, de 45% pour les possesseurs de poêles ou inserts et de 20% chez ceux pour qui le bois est un complément de chauffage.
L’amélioration passe par l’augmentation et le renouvellement des équipements
Ainsi, en négatif, les statistiques qui résultent des interviews invitent à apprécier quel pourrait être le potentiel d’amélioration de l’usage du combustible bois en ces temps de « disette électrique » ?
En clair, utilisateurs quotidiens ou occasionnels, est-il possible d’augmenter l’usage du bois-énergie pour réduire les appels d’énergie électrique ? La marge semble très limitée.
L’étude IFOP rapporte des chiffres de temps d’utilisation quotidienne des appareils qu’il paraît difficile d’augmenter. En moyenne, un tiers des utilisateurs les mettent en marche entre 1 et 5 heures par jour.
Utilisé en chauffage principal, le bois- énergie est sollicité durant toute la saison de chauffe
Dans le détail, pratiquement quatre utilisateurs sur dix allument son foyer avant 8 h du matin, et un quart entre 18 h et 20 h. Ce qui, au regard des scénarios de vie active, est déjà remarquable. Évidemment, la moitié de ceux pour qui ce mode de chauffage bois est « principal » annoncent un temps d’utilisation journalier de grande amplitude : plus de 11 heures. C’est d’autant plus vrai – et logique – pour les possesseurs de chaudières : 43% déclarent les utiliser 24 heures sur 24, et la part de ceux qui utilisent ce type de générateurs plus de 11 heures par jour monte à près de 60%. Difficile de faire mieux.
Seules les chaudières sont majoritairement utilisées en continu
On peut dresser le même constat pour les possesseurs de poêles et inserts : un tiers déclarent les alimenter entre 1 et 5 h par jour, et un autre tiers entre 6 et 10 h par jour. Peut mieux faire, mais compte tenu de la corvée de bois auxquels obligent les poêles à bûches – qui sont majoritaires, rappelons-le –, c’est déjà un beau résultat.
À noter dans ces statistiques, deux chiffres étonnants : 13% des cheminées ouvertes sont déclarées utilisées plus de 90 jours par an ; et 13% d’entre elles sont utilisées 24 heures sur 24 …
S’il semble assez difficile de réduire l’appel d’électricité en augmentant l’usage de l’énergie bois avec le parc actuel, en revanche, il devrait en être autrement avec le développement des énergies renouvelables projeté pour 2030.
L’objectif de 1,5 million de nouveaux appareils est posé pour cette échéance, ce qui hisserait le parc à un total de 4 millions de générateurs. Ce qui, selon le SER, serait à même de gommer la pointe d’appel d’électricité de 19 heures de 5 à 11 GW supplémentaires. Et sans tension sur le marché du bois, argumente le SER : les consommations seront stables car l’isolation des logements s’améliorera, le rendement des appareils, aussi, et le parc va se renouveler avec des appareils performants. D’ores et déjà, un quart des interviewés déclarent consommer plus, notamment ceux qui utilisent le bois comme moyen principal de chauffage ; ce sont aussi ceux qui ont besoin des plus gros volumes annuels – 28% brûlent plus de 10 stères par saison de chauffe. Comme le chantait François Béranger sur le bien nommé album « L’Alternative » : « Y’à qu’la foi qui sauve ... Blues ! »
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À propos de l'auteur
Bernard Reinteau
Journaliste de la presse bâtiment depuis la fin des années 80, Bernard Reinteau est journaliste indépendant. Il a œuvré pour les principaux titres de la filière et se spécialise particulièrement sur les solutions techniques liées à la performance énergétique et environnementale des constructions et rénovations performantes. Il collabore principalement avec les plus grands titres et en particulier avec Xpair.
Je ne sais pas (litote !) si c'est une bonne idée que d'inventer une distribution en libre service de bûches à charger dans le coffre des voitures.
Si oui, je proposerais aux vendeurs d'amortisseurs d'investir sur ce créneau : ils feraient d'une pierre deux coups.
Par ailleurs, les statistiques du ministère de l'agriculture (service Agreste) soulignent bien que la bûche est une activité économique vraiment à part. Sur quelques 22-23 millions de m3 produits annuellement, seul un tiers passent par un réseau de vente. Deux tiers sont autoconsommés, voire "échangés".
Pour ce qui concerne la pollution aux particules fines en milieu urbain, Il faut retenir que depuis ce début d'année, dans les zones couvertes par un plan de protection de l'atmosphère (PPA), les préfets appliquent les mesures de réduction de particules PM 2,5 afin d'en réduire la diffusion de moitié d'ici 2030. Cette mesure permet notamment d'interdire les appareils de chauffage comme les foyers ouverts ou les poêles à bûches d'ancienne génération et peu performants. A noter par ailleurs qu'au cours de trente dernières années, les pollutions liées à la combustion - de toutes sortes - ont baissé de près des deux tiers (https://www.citepa.org/fr/donnees-emissions/).