Par Marine Vesson, ingénieure recherche et expertise - Division Environnement, CSTB
Chers lecteurs d’Xpair, voici la vidéo de l’atelier « les ACV en une heure ! » lors de la journée de l’Efficacité Energétique et Environnementale du bâtiment, EnerJ-meeting ; le 6 février 2020.
La conférence traite du sujet à la fois simple et complexe de l’analyse de cycle de vie dans le bâtiment pour les calculs environnementaux qui seront demandés par la prochaine réglementation RE 2020.
Analyse du Cycle de Vie, les ACV, tout savoir en 1 heure en conférence vidéo
Présentation de l’atelier Analyse du Cycle de Vie »
- Histoire de l’ACV et contexte d’évolution
- Méthode ACV : un outil pour la prise de décision
- L’ACV dans le secteur de la construction
- Principaux outils, logiciels, bases de données...
- Et aujourd’hui.. C’est quoi ? Exemples concrets
Que nous permet de faire l’analyse du cycle de vie ?
L’analyse du cycle de vie permet d’identifier les principales sources d’impacts, de potentiellement arbitrer les déplacements de pollution et d’éclairer ou d’accompagner des choix techniques pour faire a priori le choix le plus vertueux sur le plan environnemental. L’idée est de savoir où agir et pas forcément comment agir à minima ou agir pour être plus vertueux.
L’ACV concerne plusieurs éléments : un bien, un produit de construction, une brique par exemple, ou quelque chose de plus conséquent : un bâtiment, un système, un éco-quartier, des services comme la mise à disposition des Vélib’ dans Paris.
L’analyse du cycle de vie a un corpus normatif pour que tout le monde fasse les mêmes choix dans le même « cadre ». Nous en avons à différents niveaux : au niveau de l’analyse du cycle de vie en tant que tel avec de grandes étapes que nous verrons par après, au niveau des produits de construction (c’est ce qui nous intéresse aujourd’hui) et des bâtiments également. C’est une méthode reconnue comme étant robuste et qui a été déjà utilisée dans divers autres secteurs, tel l’automobile.
L’analyse du cycle de vie - ACV : quatre étapes principales
- La première étape permet de définir l’objectif et le champ de l’étude ; on va parler d’unité fonctionnelle, c’est ce qui va nous permettre à la fin de comparer un produit par rapport à un autre. L’unité fonctionnelle doit être comparable : nous ne pouvons pas comparer 1 m³ d’isolant à 10 m² de laine de roche, il faut que ce soit 1 m³ de 1 m³ pour une résistance thermique donnée ; tout cela passe par le biais de l’unité fonctionnelle.
- La deuxième étape c’est l’inventaire du cycle de vie, c’est là que nous venons comptabiliser tous les flux entrants et sortants de notre système.
- La troisième étape va être l’évaluation des impacts de tous ces différents flux au niveau environnemental. Nous verrons que nous aurons tout un tas d’impacts environnementaux qui sont aujourd’hui calculés.
- Et tout au long de ces différentes phases, nous avons une phase dite d’interprétation qui nous permet de remettre en question chacun des choix que nous avons pu faire au fur et à mesure des étapes précédentes.
Focus sur l’étape 1 : Définition des objectifs et du champs de l’étude
Nous prenons en compte une quantité avec une fonction, une qualité de fonction et une durée de vie ; en l’occurrence si nous prenons pour les bâtiments la période d’étude de référence du bâtiment, elle peut aller de 30 à 100 ans selon que nous soyons dans le tertiaire ou le résidentiel.
Nous la définissons avec des verbes d’actions, à un niveau de performance visé et des conditions d’utilisation évidemment qui nous permettent par après de s’assurer que nous sommes sur des choses comparables entre-elles.
Exemple : réaliser la fonction d’isolation 1 m² de paroi en laine de bois d’épaisseur 20 cm présentant une résistance thermique de 2 pour une durée de vie de 50 ans.
La deuxième étape : Inventaire de cycle de vie
Inventaire de cycle de vie
C’est celle qui fait le plus peur aux acévistes : l’inventaire du cycle de vie, globalement c’est le bilan comptable de tout ce qui rentre dans le système et tout ce qui sort. Pour fabriquer la brique, nous avons besoin de tel et tel matériau, de consommation d’énergie pour que cela passe dans le process ; nous faisons la somme de tout cela, et de la même manière nous regardons tout ce qui est émis dans l’eau, dans l’air, dans le sol en termes de pollution, etc, … C’est l’étape la plus longue, la plus chronophage quand nous réalisons une ACV.
Une fois passé toutes ces étapes à l’échelle d’un bâtiment, comment récupérons-nous ces informations, ce « bilan comptable » ? Nous allons avoir des informations sur nos quantités d’eau et d’énergie consommées dans notre bâtiment (factures, …). Nous connaissons les produits de construction que nous avons mis en place dans notre bâtiment (documents types DPGF, DQE, certaines factures et bons de commandes) ; nous avons une information sur nos consommations d’énergie, (calcul RT (factures, …). Tout cela va nous permettre de faire le bilan de tout ce qui rentre dans notre bâtiment pour avoir un inventaire du cycle de vie complet.
Inventaire de cycle de vie complet pour un calcul ACV
Tous ces flux de matière, d’énergie de gaz par exemple, etc, … que nous avons traités, nous les faisons passer dans un outil d’ACV bâtiment pour avoir les impacts sur l’environnement selon certains critères ; il y a une trentaine d'impacts.
Analyse ACV, caractérisation des flux d’inventaires en fonction de leur degré de contribution à un impact
On parle beaucoup du réchauffement climatique, mais il y a aussi la production des déchets notamment pour l’économie circulaire, la consommation d’eau, les consommations d’énergie, …
Comment passe-t-on de ces flux de matière à ces impacts environnementaux, à ces indicateurs environnementaux ? Avec des facteurs de caractérisation qui sont tout à fait définis dans les normes. Le réchauffement climatique, c’est la somme de tel flux et tel flux, c’est le CO2, le méthane, les COV, …, et nous considérons que, dans la norme, le méthane équivaut à « x » fois un flux de CO2 ; nous additionnons tous ces éléments et obtenons des indicateurs et un impact environnemental. La démarche est identique pour tous les indicateurs des normes : impacts environnementaux, utilisation des ressources, catégories de déchets, flux sortants.
L’analyse du cycle de vie appliquée au secteur de la construction
L’ACV appliquée à la construction
Le principe de l’ACV c’est une approche dite multi-échelles : pour les produits de construction, pour les bâtiments, pour les quartiers, les villes, les territoires, etc, … et c’est une approche dite multicritères car nous avons plus d’une vingtaine d’indicateurs environnementaux et que nous pouvons faire des choix éclairés sur plusieurs indicateurs.
Pour pouvoir faire correctement une ACV, il faut connaître toutes ces étapes précisées précédemment et surtout savoir comment bien collecter les données.
Faisons un focus sur les produits de construction. Nous avons des données types FDES (fiches de déclaration environnementale et sanitaire) ou PEP (profil environnemental produit) : ce sont des données spécifiques émises par les industriels ou syndicats qui regroupent plusieurs industriels. C’est une démarche volontaire du fabricant qui dépose sa donnée dans la base INIES (base de données de produits de construction et d’équipements).
Dans cette base INIES nous venons retrouver également des données environnementales par défaut qui sont apparues fin 2016 au moment du lancement de l’expérimentation du label E+C- (énergie positive / réduction carbone), mises à disposition par le Ministère. Des données par défaut qui sont donc majorantes par rapport à des données de sommes de syndicats ou d’industriels et qui ont une règle commune de calculs. A chaque fois, nous prenons les mêmes hypothèses dites majorantes, par exemple sur le transport, l’usine et le chantier, la consommation d’énergie sur le process de fabrication.
Pour toutes les informations qui concernent les données environnementales par défaut (DED) vous pouvez retrouver la méthodologie exacte sur le site Bâtiment Energie Carbone du Ministère. (www.batiment-energiecarbone.fr)
Avec ces FDES, PEP et DED nous avons à chaque fois une approche du cycle de vie complet, donc de l’extraction des matières dont nous avons besoin pour fabriquer le produit jusqu’à la fin de vie du produit, et peut être même ce que nous appelons le module au-delà de la frontière du cycle de vie du produit, c’est-à-dire si nous voulons réutiliser, réemployer un matériau par exemple. Tout ceci est calculé dans ces FDES, PEP et DED.
Produits de construction – FDES et DED
- Lien sur le site de la base ACV d’INES : www.inies.fr/accueil
A ce jour, dans la base INIES, nous avons un peu plus de 1 200 FDES (fiches de déclaration environnementale et sanitaire), quasiment 1 000 DED (données environnementales par défaut) et presque 1 000 données d’équipement PEP (profils environnementaux produits) et également des données qui correspondent à des données dites de services : 1kW d’électricité pour le chauffage, la climatisation, etc, … .
L’analyse du cycle de vie appliquée au bâtiment
Pourquoi faisons-nous de l’ACV dans le secteur de la construction aujourd’hui ? Notamment pour reprendre les 7 exigences fondamentales du règlement des produits de construction et l’évaluation environnementale des bâtiments que nous proposons de faire par ce biais, et qui se base sur l’analyse du cycle de vie.
Du label E+/C- à la réglementation RE2020 : un sujet d’actualité !
Depuis fin 2016 nous avions en place une expérimentation E+C- (énergie positive / réduction carbone) qui peu à peu se rapproche très dangereusement de la future réglementation environnementale RE2020, annoncée pour une mise en application au 1er Janvier 2021.
Dans cette expérimentation E+C- nous avons mis en place de manière obligatoire le fait de réaliser une analyse du cycle de vie de nos bâtiments. A partir de cette expérimentation E+C- beaucoup d’acteurs se sont formés à l’analyse du cycle de vie et en ont réalisé. Tous ces éléments-là nous ont permis d’avoir un retour d’expérience relativement solide pour pouvoir construire la future réglementation RE 2020.
ACV et bâtiment – approche par contributeurs
Dans l’analyse du cycle de vie appliquée au secteur du bâtiment, aujourd’hui nous venons prendre en compte 4 contributeurs différents.
- Le premier contributeur les produits de construction et équipement (cf. visuel en partie haute ci-dessus) vient se positionner sur toutes les phases du cycle de vie de notre bâtiment car nous avons besoin de fabriquer nos produits, nous allons les utiliser une fois mis en place dans le bâtiment et allons les démonter et faire en sorte de « valider » leurs fins de vie. Ils se retrouvent un peu partout sur notre frise chronologique de notre cycle de vie du bâtiment.
- Le deuxième contributeur les consommations d’énergie viennent ponctuellement sur la phase d’usage de notre bâtiment, quand nous avons des usagers dans notre bâtiment et que nous avons des consommations d’énergie, c’est cela que nous venons comptabiliser.
- Le troisième contributeur les consommations d’eau, ce sont les usagers dans notre bâtiment qui consomment et rejettent de l’eau.
- Dernier contributeur qui est pris en compte dans l’expérimentation E+C-, et a priori dans la future réglementation, le contributeur chantier de construction qui calcule toutes les consommations d’eau, d’énergie d’engins du chantier en particulier.
En conclusion, l’analyse du cycle de vie dans le bâtiment
L’analyse du cycle de vie est une méthode pertinente pour évaluer des impacts environnementaux, multi-échelles, multicritères. Il est très important de bien définir ce que nous voulons avoir dans notre périmètre d’étude et où nous voulons aller, quelles réponses nous voulons avoir. Pour pouvoir le faire il faut réaliser un bilan des matières, des consommations qui rentrent et qui sortent de notre système et que ce « bilan comptable » traduise les impacts environnementaux par le biais d’indicateurs environnementaux qui sont très robustes et définis dans certaines normes.
L’ACV et le secteur de la construction : nous avons un cadre normatif pour les produits de construction et pour les bâtiments, des bases de données type la « base de données INIES » pour les produits de construction, et aussi différents logiciels sur le marché de l’expérimentation E+C-, 6 ou 7 logiciels reconnus pour réaliser des calculs thermiques et d’analyses de cycles de vie, ou simplement d’analyses de cycles de vie.
Aujourd’hui, nous utilisons l'analyse de cycle de vie à notre avis assez tardivement sur des phases de livraison de bâtiment, alors qu'il faudrait le réaliser sur des phases en amont de projets pour arriver à faire de l’écoconception, des choix vertueux pour l’environnement dès les premières phases et arriver par la suite à une phase de livraison où nous n'aurions aucune surprise.
Par Marine Vesson, ingénieure recherche et expertise - Division Environnement, CSTB
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Les questions/réponses et partages d’expérience, … → Ecoutez la vidéo de Marine Vesson - Ingénieure recherche et expertise – Division Environnement – CSTB
Analyse du Cycle de Vie, les ACV, en 1 heure en conférence vidéo
La présentation Powerpoint : Analyse du Cycle de Vie, les ACV en 1 heure
Sources et liens