Par Didier Balaguer, PDG fondateur datBIM SA
BIM : mieux travailler ensemble grâce au numérique
Pour répondre aux enjeux de la filière constructive :
- Transition écologique
- Qualité
- Productivité
Le plan BIM 2022 fixe un objectif ambitieux pour la filière constructive en visant 100 % d’usage pour la construction neuve et en positionnant le maitre d’ouvrage au cœur de la dynamique. Il doit pouvoir spécifier sa commande BIM clairement en définissant le livrable numérique attendu lui permettant notamment de l’aider à mieux gérer l’ouvrage sur la phase exploitation.
Le succès passe par une information de qualité associée au modèle 3D basé sur un langage commun, ouvert et normalisé, assurant l'échange informatique des données « objets » qui s’enrichissent au cours du déroulement du processus collaboratif sur l’ensemble du cycle de vie de l’ouvrage : conception, réalisation, exploitation assurant ainsi la continuité numérique de l’idée à l’usage.
La phase d’exploitation du bâtiment représente 70 à 80 % de son coût global. Le Dossier des Ouvrages Exécutés (DOE) remis en fin de chantier au client à l’issue d’un processus BIM est en fait une base de données et pas simplement une vue 3D du projet. Elle peut être un précieux outil et est jugée de qualité lorsqu’elle est exploitable dans des applications informatiques différentes de celles qui permettent de la produire. Elle pourra ainsi être utilisée durant cette phase d’exploitation pour faciliter la maintenance courante, la gestion des données techniques du patrimoine, les diagnostics et le suivi règlementaire, l’élaboration des budgets prévisionnels, les opérations de rénovation…
La rénovation énergétique des bâtiments constitue également un fort enjeu écologique et économique puisque le parc immobilier français est avant tout constitué de logements existants : la construction neuve ne permet de renouveler qu'environ 1% du parc chaque année ! Selon Jacques Chanut, Président de la Fédération française du bâtiment (FFB) « la rénovation conditionne la réussite de la transition énergétique mais elle doit faire l’objet d’un effort normatif et il faut la rendre accessible à tous les acteurs de la filière ». La rénovation énergétique des logements est d'autant plus stratégique que le bâtiment est le premier secteur économique émetteur de gaz à effet de serre !
Dans ce contexte le BIM constitue une formidable opportunité puisqu'il s'avère parfaitement bien adapté aux problématiques que posent la rénovation. Dans tous les cas où les plans existants d’un bâtiment à rénover sont inexistants, peu fiables ou illisibles, il existe désormais des scanners 3D capables de réaliser en très peu de temps des "nuages" de millions de points. L’opération pourra bientôt être réalisée à partir d’un simple smartphone avec une précision suffisante ! A partir de ce nuage de points on obtient facilement un modèle numérisé de bâtiment qui présente de nombreux avantages. Dans le cas d’une extension, la maquette aide le maître d’ouvrage, les entreprises et artisans à bien comprendre l’articulation entre le bâti existant et le projet. Avec le BIM, l’architecte explique plus facilement son projet lors des réunions préparatoires. Le déroulement des travaux est mieux compris. Le rattachement d’informations qualitatives aux objets permet de simuler, d’optimiser les choix pour produire un ouvrage de qualité, peu consommateur d’énergie à faible impact environnemental et à un coût global moindre. Le BIM permet non seulement de valider les choix de conception et de repérer des incohérences mais aussi de mieux maitriser les aléas de chantier, de gérer les diagnostics techniques, de bien comprendre la structure du bâtiment afin de le faire évoluer et d’en assurer la gestion sur le long terme.
Mieux comprendre les améliorations proposées
Dans le cas de la rénovation d’une copropriété qui s’inscrit dans un temps long et met en présence des intérêts contradictoires le BIM est un précieux outil de représentation au service des copropriétaires. Ils peuvent « se promener virtuellement » dans le bâtiment afin d’évaluer les propositions d’extension ou de surélévation, d’apprécier par les résultats de simulation l’effet induit par la mise en place d’une isolation ou et bien comprendre les améliorations proposées.
Rénover en BIM, c’est sécuriser le maître d’ouvrage en lui faisant bénéficier d’un maximum pour gérer et entretenir son bâtiment. La maquette numérique est en fait une base de données qui peut alimenter un logiciel d’exploitation et de maintenance pour optimiser la maintenance courante ou les opérations de rénovation plus lourdes. Grâce au DOE numérique remis à l’issue de la rénovation, l’exploitant peut facilement identifier les réseaux d’électricité, de plomberie ou de fluides lorsqu’il effectue des aménagements intérieurs. Il dispose d’informations fiables sur les éléments de structure et les procédés constructifs et peut facilement chiffrer des projets lorsqu’il doit passer des marchés de travaux.
Du fait qu’il permet de réaliser des simulations très précises le BIM est bien adapté aux opérations de rénovation de type « tiers financement » financées grâce aux économies d’énergie dégagées par les travaux et de plus en plus prisées par les maîtres d’ouvrage. Le BIM a d’autant plus d’avenir dans la rénovation qu’une étude néerlandaise montre que cette approche n’engendre pas de surcoût par rapport à l’approche mettant en œuvre la mesure manuelle et les plans CAD bidimensionnels à condition de disposer de contenus BIM mutualisés et exploitables sans ressaisie d’information dans les logiciels métier. (Cf fig 1.)
C’est la maitrise d’ouvrage qui pilote
Le succès d’un projet de rénovation en BIM incombe à la maitrise d’ouvrage. C’est elle qui définit avec précision le besoin initial et s’assure que la maquette est de bonne qualité, facilement exploitable, susceptible d’être enrichie tout au long des phases de conception, réalisation, exploitation. Dès qu’il dispose d’une charte BIM de qualité spécifiant les livrables attendus, le maitre d’ouvrage doit généraliser sa commande, mettre en place des moyens de contrôle ainsi qu’un référentiel BIM, dans un langage commun ouvert et normalisé, le rendant ainsi accessible dans l’ensemble des logiciels utilisés par les acteurs intervenant sur l’opération facilitant ainsi le travail collaboratif (Cf fig 2.). La rénovation concernant souvent des opérations de taille unitaire modeste, il est important de mutualiser et capitaliser les contenus BIM d’un projet à l’autre afin de réduire le coût par projet de collecte et de saisie des informations.
Le projet expérimental d’Atelier BIM Virtuel (ABV) du PTNB a montré que la mutualisation des opérations de collecte et saisie pour l’ensemble de l’offre de « produits du bâtiment » destinés à la construction des logements collectifs en France (entre 170 et 280 000 références produits distinctes) permet d’abaisser leur coût d’un facteur >1000 à un niveau voisin de 0.03 % des budgets consacrés aux études ! (Cf fig 3.). C’est ce que l’on appelle l’interopérabilité entre contenus et logiciels métier : pouvoir accéder à tout type de contenus au travers de tout type de logiciels utilisés sur le cycle complet de l’ouvrage.
Des données qui vont au-delà de la géométrie
Le BIM appliqué à la rénovation présuppose la mise en œuvre de données descriptives des produits et objets du bâtiment (mur, fenêtre, etc.) qui soient structurées, fiables, accessibles, actualisées et qui vont bien au-delà des données géométriques permettant de les représenter.
Tout au long du processus constructif l’utilisateur doit impérativement disposer de données lui permettant d’effectuer des calculs lui permettant de dimensionner les « objets », d’anticiper leur comportement, d’évaluer leur impact sur l’environnement, d’assurer leur entretien et leur maintenance en phase d’exploitation ou leur recyclage en fin de vie.
Accéder à tout type de contenu avec tout type de logiciel
Le BIM appliqué à la rénovation passe par l’interopérabilité entre contenus et logiciels métier. Grâce à elle l’utilisateur pourra accéder à tout type de contenu avec tout type de logiciel (CAO, simulation thermique, acoustique, économie, environnement, ERP, CRM, GMAO, gestion patrimoniale, gestion locative…).
Le BIM passe aussi par la continuité numérique c'est à dire l'édition et la diffusion automatisée de contenu BIM au service de tous les acteurs de la filière. Chacun peut ainsi « enrichir » les objets au lieu de les substituer ce qui entraine une rupture dans la chaine de l’information. En faisant cela on « capitalise l’information pertinente » puisque chaque intervenant ajoute sa valeur à celle des autres contributeurs.
Un format d’échange de données indépendant des éditeurs
L’implémentation d’objets BIM dans une maquette numérique n’est possible que si les outils à disposition des acteurs partagent un même format de description et d’échange des objets et sont connectés à un même dictionnaire ou des dictionnaires partageant la même méthode de description des propriétés.
Les dictionnaires de propriétés permettant de définir de façon unique et non ambiguë les données échangées qui doivent être utilisables par les acteurs et exploitables dans des formats permettant leur traitement automatique par les machines. Open dthX est précisément un format d’échange d’objets BIM dont le principe est encours de normalisation (Cf fig 4.), et dont les cas d’usage seront prochainement portés par une vue IFC (ISO 16739). Il permet d’associer les propriétés aux objets via un lien vers un dictionnaire dynamique normalisé PPBIM. A l’heure actuelle la norme expérimentale française XP P07-150 permet de décrire les méthodologies de gestion de propriétés et de groupes de propriétés à travers un réseau de dictionnaires normalisés et interconnectés. Les travaux PO BIM (Propriétés des Objets BIM) du PTNB ont permis de décrire d’ores et déjà pour la France 300 modèles d’objets génériques et 3200 propriétés associées.
BIM 2022 va fournir des outils
Le plan BIM 2022 qui vient de prendre le relais du PTNB début 2019 prévoit de généraliser les usages BIM avec une logique d’évolution selon un processus ouvert. Ce plan qui est destiné à répondre aux attentes des maitres d’ouvrage tout en favorisant la montée en compétences des acteurs, TPE PME en particulier, fournira aux professionnels de la filière des méthodes et des outils concrets dont un langage commun gouverné de manière démocratique pour massifier les usages numériques.
Dans le cadre de ce plan, ADN Construction va piloter 7 actions spécifiques de promotion du BIM, le CSTB poursuivant, pour sa part, le pilotage de la plateforme KROQI. Une première série d’actions vise à généraliser la commande en BIM dans l’ensemble de la construction. L’objectif est d’accompagner et sécuriser les maîtres d’ouvrage dans la définition du cahier des charges et les contrats BIM, de simplifier le contrôle et l’auto contrôle du projet et de créer un observatoire du BIM qui permettra de mettre en avant les bonnes pratiques et de capitaliser sur les savoir-faire.
Les normes ne sont pas oubliées puisque l’action 3 ambitionne d’accélérer et de faire converger les travaux en cours menés dans ce domaine afin de répondre aux besoins de la filière. Une seconde série d’actions vise à implanter durablement le BIM dans les territoires en créant des pôles de compétences régionaux.
Le BIM n’apportera pleinement son efficacité que dans le cadre d’une stratégie du BIM pour tous même les plus modestes. Il faut rappeler qu’une très grande majorité des acteurs de la construction sont des TPE de -10 personnes. Il faut absolument intégrer les particularités du secteur (taille importante, atomicité des acteurs) et donc une grande diversité des besoins en termes de logiciels. Les normes et les lois auront certainement ainsi un rôle important à jouer pour faire évoluer le secteur.
Des solutions contenus/logiciels assurant l’interopérabilité
Le BIM suppose la mise en œuvre de données descriptives des objets et des produits du bâtiment qui soient structurées, fiables, accessibles, actualisées. Ces données sont généralement disponibles chez les fabricants mais difficilement accessibles et insuffisamment structurées.
Des éditeurs mettent à disposition des utilisateurs des plateformes électroniques permettant de stocker ces données et de les actualiser. datBIM propose précisément des solutions d’interopérabilité contenus/logiciels de ce type.
Elles sont jugées pertinentes par les pouvoirs publics puisqu’elles ont été reprises dans la feuille de route gouvernementale qui définit la stratégie française en matière de normalisation BIM. datBIM a aussi ouvert la voie en matière de BIM appliqué à la rénovation énergétique dans l'habitat social puisqu’elle a été impliquée dès 2017, dans le projet expérimental présenté par l’organisme France Habitation, groupe Action Logement, et retenu par le Plan de Transition Numérique du Bâtiment (PTNB) dans le cadre de son appel à projet BIM GEM (Gestion/Exploitation/ Maintenance). Dans ce projet les deux partenaires ont étudié l'impact du BIM au niveau de la conception/réalisation/exploitation à partir d’une opération relative à un bâtiment déjà livré.
L’opportunité pour France Habitation de développer de nouveaux outils de pilotage, d’optimiser le planning de l'opération et les performances énergétiques, mais aussi de mettre en place un processus assurant la collecte des données utiles à la gestion de son parc grâce au lien entre la maquette numérique et son système de gestion des données techniques du patrimoine.
Fait par Didier Balaguer, PDG fondateur datBIM SA, administrateur SNI, Syndicat National de l’Isolation,
membre de la commission normalisation Afnor PPBIM (Propriétés produits pour le BIM)
www.linkedin.com/in/didier-balaguer-88148628
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