Par Youness HSSAINI, Responsable efficacité énergétique - Direction Développement - CEGIBAT
Disons-le et insistons : le biométhane est un gaz vert, renouvelable et stockable.
La réussite de la transition énergétique de la France passera par la sobriété, l’efficacité énergétique et, en complément, par la substitution d’énergies carbonées par des énergies renouvelables ou bas carbone.
Cet objectif largement partagé est encore renforcé par la guerre en Ukraine qui rappelle ce que la crise sanitaire avait déjà mis en lumière : l’urgence de repenser notre modèle économique, diminuer notre dépendance aux approvisionnements extérieurs et renforcer notre souveraineté.
Le gaz vert fait partie des réponses aux conséquences de ce conflit et à la réussite de la transition énergétique.
Le biométhane est un biogaz épuré qui participe au développement d'une économie circulaire territoriale
Rappelons la place essentielle du gaz naturel en France
Dans un contexte de prix de l’énergie encore jamais vu, où l’on entend que l’interdiction du gaz au profit d’une électrification massive des usages - notamment chaleur - serait souhaitable, il est nécessaire de repositionner le rôle du gaz dans le système énergétique français.
En France, le gaz couvre directement 40% des besoins de chaleur. Une maison sur trois, un appartement sur deux et la moitié des bâtiments tertiaires sont actuellement chauffés au gaz. Mais le gaz ne sert pas uniquement à se chauffer, il est également mobilisé pour produire 15% de l’électricité en France.
Figure 1 : part des bâtiments chauffés au gaz
Ces considérations purement énergétiques ne permettent néanmoins pas de souligner ce qui rend l’infrastructure gazière si essentielle pour l’équilibre du système énergétique : sa capacité à soutenir les pointes, notamment de chauffage en hiver. Lors des derniers hivers froids, 50% des besoins énergétiques du pays étaient assurés par le gaz, soit 130 GW contre 95 GW pour l’électricité, avec un parc nucléaire alors pleinement disponible.
Recourir davantage à l’électricité pour se chauffer dans l’objectif de diminuer notre dépendance au gaz signifie concrètement un recours accru aux centrales thermiques fossiles pour produire cette électricité dont les rendements électriques sont très inférieurs aux rendements des chaudières THPE.
Ceci conduirait à une augmentation des consommations de gaz ce qui aurait un effet contre-productif. L’électrification massive du chauffage et de l’eau chaude sanitaire dans le bâtiment reviendrait donc à ne considérer qu’une partie de l’équation complexe de l’équilibre du mix énergétique. Elle aboutirait sans grande surprise à un échec car la transition écologique ne signifie pas électrification massive des usages.
Elle doit passer par consommer moins (l’efficacité énergétique), consommer mieux et plus intelligemment (sobriété énergétique), et exploiter l’ensemble des gisements d’ENR de la France.
Parmi ceux-ci, le gaz vert occupe une place grandissante pour diminuer jour après jour notre dépendance au gaz fossile et atteindre 100% de gaz vert produit en France à l’horizon 2050. Cet objectif ambitieux est néanmoins réalisable pour peu qu’on s’en donne les moyens.
C’est par exemple la stratégie récemment adoptée par les Pays-Bas, qui après avoir lancé une politique d’électrification massive de tous les usages (Chauffage, ECS, automobile), réalise un virage à 180° et ambitionne désormais une stratégie plus équilibrée intégrant un soutien franc à la filière gaz vert associée à l’obligation d’installation de chaudières hybride dès 2026.
Le gaz vert connait une croissance remarquable qui doit encore s’accélérer
Différentes sources de production de gaz verts existent et n’entrent pas en concurrence avec les usages alimentaires :
- Des intrants d'origine agricole : effluents d’élevage (fumiers, lisiers), résidus de culture, et des cultures intermédiaires à vocation énergétique (CIVE) ;
- Une fraction de la biomasse forestière disponible ;
- Des déchets issus des activités économiques et industrielles : ils proviennent des abattoirs, des laiteries, des brasseries, des conserveries, etc… ;
- Les déchets des collectivités locales et des ménages : déchets ménagers, déchets verts issus des entretiens des espaces verts, boues de station d’épuration des eaux usées (STEU) ;
- Une production d’Hydrogène rendue environnementalement pertinente par l'électricité produite par des moyens essentiellement renouvelables au bas carbone
Energie renouvelable facilement stockable (ce qui est rare, soulignons-le) et non intermittente (ce qui est également rare), le gaz vert est un gaz renouvelable, produit localement. Ses propriétés physico-chimiques sont identiques à celles du gaz naturel fossile ce qui le rend donc injectable dans les réseaux de gaz existants.
Différents procédés existent : méthanation, pyrogazéification, gazéification hydrothermale. Le plus développé à ce jour est la méthanisation, qui permet de produire du biométhane.
L’essor de la filière biométhane est notable. Au 1er juin 2022 :
- 414 sites sont en service et 1150 en projet (vs 44 fin 2017)
- 7,1 TWh de capacité de production en service, soit l’équivalent de la consommation de 1 ,7 millions de logements neufs ou plus de 27 000 bus roulant au BioGNV (Biométhane destiné à un usage Gaz Naturel Véhicule).
- En 1 année, 152 nouveaux sites de méthanisation ont été raccordés aux réseaux gaziers.
Chaque semaine, 2 à 3 sites de méthanisation sont mis en service !
Et la dynamique se poursuit : dès 2030, soit dans moins de 8 ans, nous pourrions avoir plus de 20% de gaz verts dans les réseaux, produit exclusivement en France.
Figure 2 : dynamique de développement du biométhane
Marqueur de cette dynamique, le gaz vert est la seule énergie renouvelable à dépasser en 2022 les objectifs fixés par la PPE (Programmation Pluriannuelle de l’Energie) pour 2023. L’objectif PPE 2028 de 14 TWh pourrait quant à lui être atteint début 2024.
Figure 3 : Estimation de la production annuelle de gaz vert en France à horizon 2023 et 2030 (TWh)
La production de gaz vert est réalisée à coût maîtrisé
Le gaz vert constitue donc un atout majeur pour la réussite de la transition énergétique. C’est également un levier efficace pour décarboner à coûts maitrisés la société, tout en apportant des réponses aux problématiques environnementales et économiques dans les territoires : pérennisation des exploitations agricoles, gestion des déchets, optimisation du système énergétique.
La filière biométhane est également créatrice d’emplois locaux non délocalisables : En 2030, la filière gaz vert représentera 53 000 emplois directs et indirects.
Le coût de production moyen du gaz vert est aujourd’hui d’environ 100 €/MWh, soit un coût comparable aux autres EnR. Ce coût de production va encore baisser pour atteindre 65-70 €/MWh à l’horizon 2030.
Le potentiel de développement est supérieur aux consommations
Le potentiel total de production de gaz vert est estimé à 420 TWh à l’horizon 2050, ce qui est très nettement au-dessus des prévisions de consommation totale de gaz à ce même horizon temporel, que ce soit en considérant le scénario « SNBC gaz haut » ou le scénario « Territoires » des perspectives gaz.
Figure 4 : Consommation de gaz par secteur en 2020 vs 2050 vs gisement de gaz vert en 2050
La mobilisation des intrants envisagée respecte la priorité aux usages alimentaire et matière et le potentiel de production assure une couverture des besoins quel que soit le scénario de consommation projeté à 2050 y compris en cas d’aléas :
- Aléas dans la concrétisation de l’une des technologies de production ou dans la disponibilité d’une part des intrants envisagés
- Aléas sur la trajectoire envisagée d’électrification des usages, ou sur la trajectoire de rénovation du bâti qui conduirait à un besoin énergétique supérieur
Le gaz vert est incontournable pour réussir la transition énergétique
Le système énergétique d’aujourd’hui repose sur un mix diversifié.
C’est une spécificité française qu’il faut conserver et exploiter pour accélérer la transition énergétique.
Le gaz vert comme le biométhane dispose de ses propres atouts, et peut de surcroit compter sur les infrastructures gazières déjà existantes, déjà amorties et ne nécessitant que peu d’investissement pour l’intégration massive de gaz vert.
Réussir la transition énergétique est un enjeu fort, la réussir à coût maitrisé est un défi pour la rendre acceptable. Le gaz vert continuera à y contribuer.
Par Youness HSSAINI, Responsable efficacité énergétique - Direction Développement – CEGIBAT
Source et lien
Assurément le gaz vert quelque soit son origine est une solution intéressante. Mais je formulerais 2 critiques sue la façon dont cette question est actuellement traitée en France. Il y a plusieurs sortes de gaz verts qui peuvent l'un et l'autre atteindre les mêmes buts. Celui qui est issu de la méthanisation et celui qui est issu d'un process de pyrogazéîfication. Ces 2 procédés ne s'opposent pas puisqu'ils n'utilisent pas les mêmes intrants. La méthanisation a le vent en poupe, bénéficie d'un préjugé favorable et reçoit toutes les aides. Nous, pyrogazéïficateurs depuis fort longtemps regardons ce spectacle avec une amertune certaine. Qui ira faire un gaz vert avec des déchets de bois en méthanisation ou avec une chaudière biomasse : ridicule n'est-ce pas ?
Deuxième critique: Ce gaz vert produit un peu partout sur le territoire sert de base à la fabrication d'un bio-méthane qui est de plus en plus injecté dans le réseau? Sur le plan indépendance énergétique, c'est bien, mais sur le plan économique et sur le plan de l'intérêt des territoires producteurs dans le cadre d'une économie circulaire, c'est beaucoup plus douteux. Quant à la pyrogazéîfication, c'est clair, aujourd'hui dépourvue de toute aide, en France, elle ne sert pas à grand chose et c'est très dommageable.