Par Daniel MUGNIER – Responsable R&D TECSOL SA, et Richard LOYEN – Délégué Général d’ENERPLAN
Le 10 Février 2015, Uniclima, le syndicat des industries thermiques, aérauliques et frigorifiques présentait les chiffres 2014 du marché du génie climatique français. Le constat est sans appel pour le marché solaire thermique collectif avec une nouvelle baisse (-22,5%). Dans le même temps, ENERPLAN, syndicat professionnel du solaire, refuse de céder à la fatalité en mettant en route un plan ambitieux de relance de la filière solaire thermique collectif au travers de SOCOL, avec le soutien plein et entier de l’ADEME. Explications !
La France souhaite massivement augmenter son niveau de production de chaleur renouvelable afin d’atteindre une proportion de 23 % d'énergies renouvelables dans la consommation énergétique totale du pays et se conformer ainsi à ses engagements européens. Du coup, le Fonds chaleur de l'Ademe, qui permet de subventionner de nouveaux projets de grandes installations de production de chaleur renouvelable (biomasse, géothermie, solaire thermique, création ou extension de réseaux de chaleur alimentés par des EnR), va presque doubler. Il passera de 220 millions en 2014 à 400 millions d'euros en 2017.
Pour 2015, le solaire thermique collectif est éligible aux aides du Fonds chaleur dans le neuf, à condition que la performance globale du bâtiment soit supérieure aux exigences de la RT 2012 (57,5 kWhep/m²/an). Ce principe est appliqué de manière générale dans toute la France, cependant certaines régions peuvent moduler cette exigence.
Comment le solaire thermique peut-il rebondir et saisir cette chance unique de contribuer significativement à l’enjeu chaleur renouvelable français ? Comment la filière peut-elle relever le défi de la qualité et de la compétitivité pour toutes les nouvelles installations de production de chaleur solaire collective ?
Rappelons tout d'abord les chiffres présentés par UNICLIMA pour le secteur en 2014. L’évaluation du marché montre que le marché du solaire thermique français s’est encore tassé de 20% depuis 2013, pour atteindre un total de 150 000 m², le plus bas niveau de marché annuel depuis 2005. Le solaire collectif continue de représenter plus de la moitié du marché global mais la situation demeure préoccupante avec une deuxième année consécutive de baisse (-22,5% par rapport à 2013). Les chauffe-eau individuels résistent en nombre de systèmes installés, mais avec une surface moyenne unitaire plus faible via des solutions compactes dites compactes ou encore « optimisées ».
Si le marché des équipements individuels est tiré par la construction neuve, avec la réglementation thermique qui impose un poste eau chaude efficace pour les nouvelles maisons individuelles, le marché du collectif est impacté par la fin de la construction de résidences BBC 50 kWhep/m²/an et par un double recul : du nombre de nouvelles constructions et du droit à surconsommer jusqu’en 2018 avec la RT2012 pour l’habitat collectif (57,5 kWhep/m²/an). Cela dans un contexte de contre-choc pétrolier conjoncturel, qui voit l’effondrement du prix du baril et la baisse du prix du gaz.
Evaluation du marché français du solaire thermique en 2014 et depuis 2004
En bleu, marché solaire thermique total en m² (échelle à gauche)
En vert, marché solaire thermique collectif en m² (échelle à gauche)
En rouge, marché solaire thermique individuel (CESI) en nombre de chauffe-eaux (échelle à droite)
Un autre facteur de recul du marché du solaire thermique collectif, est la confiance dans une technologie fiable et mature qui s’est émoussée chez certains maîtres d’ouvrage. La faute à une filière en croissance rapide, avec des compétences et des savoir-faire hétérogènes chez les professionnels. La performance technico-économique d’une installation de solaire thermique collective, tient à la force de la chaîne d’acteurs « maîtrise d’œuvre, installateur et exploitant ». Un seul maillon faible chez les professionnels et l’on risque de décevoir le maître d’ouvrage.
Si nous avons en France un savoir-faire acquis depuis plus de 30 ans, avec des outils tels la GRS (Garantie de Résultats Solaires) et des installations télé-suivies sans discontinuer depuis plus 10 ou 15 ans au bilan énergétique et économique probant, il s’agit de faire monter en compétence toute la filière – BET, installateurs, exploitants et maîtres d’ouvrage – pour que la chaleur solaire collective soit performante et durable pour tous.
Ce diagnostic est l’essence de SOCOL, pour “Solaire Collectif”, une initiative d‘ENERPLAN engagée en 2009 avec le soutien de l’ADEME, afin de regrouper les acteurs autour de cette technique spécifique, pour développer la chaleur solaire collective performante et durable.
Début 2015, SOCOL rassemble près d’un millier d’experts, de professionnels et de maîtres d’ouvrage. En appui du Fonds chaleur, SOCOL vise à structurer l’offre par la performance et la qualité, et à dynamiser le marché.
En savoir plus : www.solaire-collectif.fr.
Depuis 5 ans et grâce à SOCOL, la France bénéficie d’une plate-forme technique agrégeant l’expertise et les retours d’expériences dans une démarche d’intelligence collective. Une série d’outils très pratiques et utiles a vu le jour à destination des BET, des installateurs, des exploitants et des maîtres d’ouvrage dont voici quelques exemples :
- Fiche de ratios de besoins en ECS pour le dimensionnement en solaire thermique collectif :
- Package complet d’outils pour le Commissionnement en solaire thermique
- Outil d’aide à la décision et d’évaluation économique pour le solaire collectif
- Bibliothèque de schémas solaires collectifs dite SOCOL qui sert maintenant de référence au Fonds Chaleur ADEME
- Référentiels de formation
FOCUS sur le commissionnement des installations solaires collectives
La performance durable d’une installation solaire thermique collective, dépend des compétences d’une chaîne d’acteurs professionnels, de la conception à la mise en exploitation en passant par la mise en œuvre. Pour une fiabilité mise à l’épreuve plusieurs décennies, il importe d’éprouver chaque étape de l’installation, de son élaboration jusqu’aux réglages finaux. Une installation bien conçue, mise en œuvre, réceptionnée, réglée et exploitée, produira durablement de la chaleur solaire économique, sans générer de gaz à effet de serre.
Le commissionnement est une prestation qui permet d’atteindre cet objectif, avec une garantie de moyens pour chacun des acteurs participant à la construction de l’ouvrage. Elle doit s’accompagner d’un suivi du fonctionnement de l’installation solaire.
SOCOL a conçu en 2014 un guide de commissionnement dédié au solaire thermique collectif, avec les outils à chaque étape de la vie de l’ouvrage. Le guide est gratuitement disponible en ligne et pourra être utilisé, grâce à sa flexibilité d’utilisation (documents modifiables) par les acteurs selon ses besoins.
Fort du travail accompli depuis 2009 avec SOCOL, alors que le potentiel de production de chaleur solaire collective à un coût maîtrisé est à portée de mains des professionnels, il s’agit de changer de braquet. C’est l’objectif de SOCOL d’ici 2017, avec un ambitieux programme d’action et un budget de 1,2 M€ financé à parité par l’ADEME et les professionnels.
Au côté d’ENERPLAN qui pilote le plan SOCOL 2017, des partenaires de premier rang (Costic, GrDF, INES Education, Qualit’EnR, Tecsol, Uniclima) et des de partenaires opérationnels qui participent également à cette grande démarche volontariste (AICVF, CAPEB, CINOV, FEDENE, ICO, UECF-FFB, SYPIM).
Avec à la barre ENERPLAN et le soutien plein et entier de l’ADEME, la filière s’est mise en ordre de marche pour profondément redynamiser le marché du solaire thermique collectif autour de quatre objectifs :
- Développer le savoir-faire des acteurs de la chaleur solaire collective
- Structurer l’offre par la performance et la qualité
- Consolider la confiance des maîtres d’ouvrage et développer de nouvelles opportunités (réseaux de chaleur, industrie…)
- Poursuivre la baisse du coût global du kWh solaire thermique collectif
Ce plan vise à consolider et renforcer nos points forts (la production d’eau chaude sanitaire solaire pour l’habitat, l’hôtellerie, les hôpitaux…) et à conquérir des secteurs prometteurs (réseaux de chaleur solaire, fourniture de chaleur pour l’industrie). Il va bâtir les conditions favorables à la qualité et la compétitivité, et favoriser l’émergence et la diffusion de l’innovation.
Le solaire thermique collectif doit devenir une technologie dont l’investissement maîtrisé (entre 600 et 900€/m²) et un coût de fonctionnement très faible (télésuivi opérationnel au juste prix et maintenance quasi uniquement curative) permettra d’atteindre un kWh solaire entre 0,06 et 0,08€ d’ici à 2020 (voire à moins pour le solaire en réseaux de chaleur).
Dès 2015, SOCOL va déployer des actions très concrètes :
- Fiabiliser les projets à travers la diffusion de la démarche de commissionnement dédiée au solaire thermique collectif, pour des maîtres d’ouvrage exigeants et des professionnels responsables
- Etendre et banaliser le suivi connecté des installations et opérationnaliser la garantie des performances
- Faire aboutir, mettre en œuvre et promouvoir la qualification RGE des installateurs
- Inciter l’habitat social à passer du projet au programme, en facilitant l’agrégation de projets en réponse à l’appel à projets de l’ADEME
- Construire et conduire une stratégie de développement du marché pour le tertiaire, l’industrie et l’agriculture, ainsi que pour alimenter les réseaux de chaleur
- Développer des animations dans les 22 régions métropolitaines
La refonte du site internet SOCOL a été lancée dès Janvier et devrait bientôt aboutir. Avec un rafraîchissement de son identité graphique, SOCOL va éditer et diffuser de nouveaux outils d’information et de sensibilisation. Nous souhaitons faire progresser le nombre d’acteurs impliqués dans ce marché rassemblés au sein de SOCOL.
La filière solaire française souhaite clairement concentrer ses efforts de manière très pratique dans le développement d’une offre de qualité visant à rassurer les maîtres d’ouvrages. Plusieurs projets de solarisation de parc chez des bailleurs sociaux motivés pourraient ainsi voir le jour en 2015 grâce à cette confiance retrouvée et à une politique incitative de l’ADEME via un appel à projets solaire thermique « grandes installations » qui devrait être officiellement annoncé dans les prochains jours. De quoi donc relancer le solaire thermique sur des bases saines !
Les industriels du génie climatique ont déjà une offre matérielle compétitive. Ne manquent plus que des spécialistes sérieux qui s’engagent sur la qualité des process et la garantie de bon fonctionnement sur les 20 ans et plus de durée de vie des installations solaires. Le pari pourra alors être gagné.
Rendez-vous d’ores et déjà le 20 Octobre 2015 à la Cité des congrès de Nantes pour les Etats Généraux de la chaleur solaire afin de mesurer les premiers résultats de ce plan de progrès pour la chaleur solaire collective !
Par Daniel MUGNIER, Responsable R&D TECSOL SA, et Richard LOYEN, Délégué Général d’ENERPLAN
SOURCES ET LIENS